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— À vie », dit Mary d’une petite voix que je ne lui connaissais pas.

L’employé parut surpris.

« Vous êtes bien sûre que vous ne faites pas une bêtise ? Le contrat renouvelable avec la clause d’option automatique est tout aussi solide, et vous n’avez pas besoin de vous adresser aux tribunaux si vous changez d’avis.

— Vous avez entendu ce que mademoiselle vous a dit ? intervins-je.

— O.K., O.K. Résiliation au gré de chaque partie, ou non résiliable ?

— Non résiliable », répondis-je.

Mary acquiesça.

« Non résiliable, d’accord, dit l’employé en tapant sur sa machine. Et maintenant, le point essentiel : qui paie, et combien ? Salaire ou dotation ?

— Salaire, dis-je, n’étant pas assez riche pour constituer le capital d’une dotation.

— Ni l’un ni l’autre, coupa Mary d’une voix ferme.

— Hein ? dit l’employé.

— Ni l’un, ni l’autre, répéta Mary. Il ne s’agit pas d’un contrat financier. »

L’employé s’arrêta complètement. « Ne faites pas de bêtises, mademoiselle, dit-il d’un ton persuasif. Vous avez entendu monsieur : il est tout prêt à se conduire en galant homme.

— Non.

— Vous feriez peut-être bien de consulter votre avocat avant de signer. Il y a un stéréophone public dans le hall.

— Je vous ai dit non.

— Mais alors, sacrebleu, pourquoi voulez-vous une licence ?

— Je n’en sais rien, dit Mary.

— Comment, vous n’en voulez plus ?

— Si. Mais mettez seulement ce que je vous dis : pas de salaire. »

L’employé parut suffoqué, mais il se pencha sur sa machine à écrire.

« Et voilà, dit-il enfin. Je dois dire que vous n’avez pas compliqué les choses. Jurez-vous – tous – les deux – que – les déclarations – ci-dessous – sont – sincères – et véritables – que – vous – contractez – sans – être sous – l’influence – de – drogues – ou – autres – contraintes – quelconques – qu’il – n’existe – aucun contrat – secret – ou – empêchement – légal – à – l’exécution – et – enregistrement – du – présent – contrat ? »

Nous dîmes tous deux successivement que oui, que oui et que non. Il sortit la feuille de sa machine. « Vos empreintes digitales, s’il vous plaît. Parfait. Ce sera dix dollars, taxe fédérale comprise. » Je payai, il glissa la formule dans le copieur et appuya sur le bouton.

« Vous recevrez vos exemplaires par poste à votre domicile, annonça-t-il. Et maintenant, pour la cérémonie ? Quel genre souhaitez-vous ? Je puis peut-être vous conseiller.

— Nous ne voulons pas de cérémonie religieuse, lui dit Mary.

— Dans ce cas je sais ce qu’il vous faut. Adressez-vous donc au vieux docteur Chamleigh. Vous aurez un service inter-confessionnel et le meilleur accompagnement stéréo de toute la ville, sur quatre murs, avec un orchestre complet. Tout le grand jeu, rites de fertilité compris, et tout. Ça a beaucoup de classe. Et vous aurez droit à une petite allocution paternelle, par-dessus le marché. Avec ça, on se sent vraiment mariés.

— Non ! »

Cette fois-ci c’était moi qui avais protesté.

« Allons, voyons, dit l’employé, pensez un peu à madame. Si elle tient la parole qu’elle vient de donner, elle n’aura jamais une autre occasion de connaître ça. Toute femme a droit à une cérémonie de mariage. Je vous jure que je ne touche pas une bien grosse commission.

— Pouvez-vous nous marier, oui ou non ? dis-je. Allez-y alors, sortez-en. »

Il parut surpris. « Comment, vous ne le saviez pas ? Dans l’État où nous sommes, on se marie soi-même. Vous êtes mariés depuis l’instant où vous avez apposé vos empreintes digitales sur le contrat. »

Je dis « Oh », Mary ne dit rien et nous sortîmes.

Je me procurai un autavion de location à la gare située au nord de la ville ; c’était un vieux clou d’une dizaine d’années mais il était entièrement automatique et à mes yeux c’était cela qui comptait. Je lui fis faire le tour de la ville, survolai le cratère de Manhattan et branchai le servo-pilote. J’étais heureux mais terriblement énervé. Mary me passa ses bras autour du cou. Au bout d’un long moment, j’entendis le Toop-top-top-Toop du radio-phare de mon chalet. Je m’arrachai aux bras de Mary pour atterrir. « Où sommes-nous ? me dit-elle d’une voix ensommeillée.

— À mon chalet, dans la montagne, lui dis-je.

— Je ne savais pas que vous… que tu avais un chalet. Je croyais que nous allions à mon appartement.

— Pour tomber sur tes pièges à loups ? Pas de danger ! D’ailleurs ce n’est pas mon chalet, c’est notre chalet. »

Elle m’embrassa de nouveau, ce qui me fit louper mon atterrissage. Elle descendit la première pendant que je coupais les circuits. Je la vis regarder le chalet. « Mais mon chéri, c’est ravissant ! s’écria-t-elle.

— Rien ne vaut les Adirondacks », reconnus-je.

Il y avait une petite brume, et le soleil couchant donnait au paysage ce merveilleux aspect stéréoscopique où les plans successifs se détachent avec netteté.

Elle y jeta un coup d’œil. « Oui… bien sûr, dit-elle, mais ce n’était pas du paysage que je parlais, c’était de ton… de notre chalet. Entrons-y vite.

— D’accord, dis-je. Mais, tu sais, ce n’est qu’une vulgaire cabane. »

Et c’était vrai : il n’y avait même pas de piscine intérieure. Je l’avais voulu ainsi, ne tenant pas, lorsque j’y viendrais, à avoir l’impression d’amener la grande ville avec moi. La coque était en verre armé, et des plus banales, mais je l’avais fait recouvrir de duroplaques qui avaient l’air de vrais rondins. L’intérieur était très simple aussi : un grand living-room, une vraie cheminée, d’épais tapis et beaucoup de grands fauteuils bas. Les appareils de service étaient groupés dans un bloc aménagé sous les fondations : conditionnement d’air, groupe électrogène, système de nettoiement, équipement sonore, canalisations, alerte antiradiations, servomoteurs, bref tout ce qu’il fallait, sans oublier le réfrigérateur et les autres appareils culinaires maintenus volontairement invisibles. Les écrans de stéréo eux-mêmes ne se remarquaient que quand ils fonctionnaient. Il aurait été difficile de vivre dans une habitation ressemblant davantage à un vrai chalet de bois, tout en conservant le confort moderne.

« Moi, je trouve ça ravissant, dit Mary. Je n’aurais pas aimé une maison tape-à-l’œil !

— Tout à fait comme moi. »

Je fis jouer la clé dans la serrure et la porte s’écarta. Mary entra aussitôt.

« Hé là, veux-tu bien revenir ici ! » hurlai-je.

Elle obéit. « Qu’est-ce qu’il y a, Sam ? J’ai fait quelque chose de mal ?

— Et comment ! »

Je l’attirai dehors, la pris dans mes bras, la portai au-dessus du seuil et l’embrassai au moment où je la remettais sur ses pieds.

« Là ! Maintenant tu es vraiment chez toi. »

Les lampes s’allumèrent au moment où nous entrions. Elle jeta un coup d’œil autour d’elle, se retourna et me sauta au cou. « Oh ! mon chéri, mon chéri ! »

Cela nous prit un petit moment. Après quoi elle se mit à parcourir les diverses pièces, en touchant distraitement aux objets.

« Tu sais, Sam, me dit-elle, si j’avais tout organisé moi-même, ç’aurait été exactement pareil !

— Il n’y a qu’une salle de bains, lui dis-je avec quelque confusion. Nous serons forcés de vivre un peu à la dure.

— Cela m’est bien égal. Ou plutôt cela me fait plaisir. C’est la preuve que tu n’as pas amené toutes tes sales filles ici !

— Quelles sales filles ?