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— Pour te capturer, toi.

— Moi ?

— Pour te recapturer, si tu préfères. »

C’était possible, après tout. Peut-être tout porteur leur ayant échappé devenait-il ensuite un homme marqué ; dans ce cas la douzaine de congressistes que nous avions délivrés étaient particulièrement exposés. C’était un point à noter dans mon rapport, pour étude ultérieure.

C’était peut-être aussi à moi en particulier qu’ils en voulaient. Qu’avais-je donc de spécial ? J’étais un agent secret. Chose plus importante, la larve qui m’avait possédé devait avoir appris tout ce que je savais sur le Patron et, notamment, que j’avais facilement accès auprès de lui. J’avais la certitude morale que le Patron était leur principal antagoniste ; la larve devait avoir appris que je le pensais, puisqu’elle contrôlait toutes mes activités intellectuelles.

Cette larve-là avait même rencontré personnellement le Patron ; elle avait causé avec lui… Non… Attention ! Cette larve-là était morte. Ma théorie s’effondra d’un seul coup.

Mais elle se reconstruisit aussitôt.

« Mary, demandai-je, tu t’es servie de ton appartement depuis le jour où nous y avons déjeuné tous les deux ?

— Non. Pourquoi ?

— N’y retourne sous aucun prétexte. Je me souviens d’avoir pensé, lorsque j’étais leur prisonnier qu’il faudrait y tendre un piège.

— Mais tu n’as pas eu le temps de le faire, disais-tu ?

— Non, mais le piège a pu être tendu depuis. Il y a peut-être un équivalent du vieux John qui nous guette comme une araignée, en attendant que toi et moi y retournions. »

Je lui expliquai la théorie de Mac Ilvaine relative à la « mémoire de groupe » que, selon lui, possédaient les créatures. Sur le moment, j’avais estimé que ce n’était là qu’une de ces idées loufoques comme en ont les savants. Mais je voyais maintenant que c’était la seule hypothèse pensable qui répondait à tout – à moins de supposer les envahisseurs assez bêtes pour préférer pêcher dans une baignoire plutôt que dans une rivière ! Or, nous étions payés pour savoir qu’ils ne l’étaient pas.

« Attends un peu, chéri : en réalité, d’après la théorie de Mac Ilvaine, chaque créature serait toutes les autres en même temps. C’est bien cela ? En d’autres termes, l’être qui m’a capturée hier soir était aussi bien celui qui t’a possédé quand tu leur appartenais, que celui qui t’a effectivement possédé… Oh ! mon Dieu, voilà que je m’embrouille ! Je veux dire que…

— C’est cela dans ses grandes lignes. Séparément, ce sont des individus ; mais en conférence directe ils mettent leurs mémoires en commun et le titan A devient exactement semblable au parasite B. Si c’est vrai, celui d’hier soir se souvenait exactement de tout ce qu’ils ont appris de moi, à condition, bien entendu, qu’il ait eu une conférence directe avec la larve qui m’a possédé ou tout au moins avec une larve qui se soit trouvée reliée en conférence directe par un nombre quelconque de ses congénères à celle qui m’a possédé, après le moment de ma capture. Et on peut être sûr que cela s’est passé ainsi, quand on connaît leurs habitudes. Il aurait donc – (je parle du premier)… Non, attends. Prenons trois larves : Pierre, Paul, et… euh… Jean. Jean c’est celle d’hier soir. Paul est celle qui…

— Pourquoi leur donner des noms, si ce ne sont pas des individus ? demanda Mary.

— Pour leur laisser… Au fond, peu importe. Mais souvenons-nous que si Mac Ilvaine a raison, il y a des centaines de mille, peut-être même des millions de larves qui savent exactement qui nous sommes, qui connaissent nos noms, nos visages, et tout ce qui nous concerne. Elles savent où est ton appartement, le mien, notre chalet… Nous sommes notés sur une liste.

— Mais, Sam… c’est horrible, dit-elle en fronçant tes sourcils. Comment pouvaient-elles savoir quand elles nous trouveraient au chalet ? Nous n’avions rien dit à personne. Nous avaient-elles tendu une embuscade à tout hasard ?

— Ça me paraît certain. Songe que nous ignorions si cela les dérangeait d’attendre. Le temps peut avoir un sens tout différent pour elles et pour nous.

— Comme pour les Vénusiens ? » suggéra-t-elle.

Je fis un signe d’acquiescement. Un Vénusien peut fort bien « épouser » (si j’ose dire !) son arrière-arrière-petite-fille tout en étant plus jeune qu’elle. Bien entendu, cela dépend de la façon dont ils estivent.

« En tout cas, poursuivis-je, il faut que je prépare un rapport sur tout cela et que j’y ajoute nos hypothèses. Les petits copains du service d’analyse s’amuseront comme ils voudront avec. »

J’allais ajouter que le Patron ferait bien de se méfier tout particulièrement, car c’était surtout à lui qu’ils en voulaient mais, juste à ce moment, mon téléphone sonna pour la première fois depuis le début de ma permission. La voix du Patron se substitua brusquement à celle du standardiste.

« Viens tout de suite au rapport, ordonna-t-il.

— Nous arrivons, dis-je. Dans une demi-heure nous serons là.

— C’est trop long ! Tu rentreras par K 5 ; dis à Mary de prendre L 1. Vite ! »

Il coupa avant que j’aie pu lui demander comment il savait que Mary était avec moi.

« Tu l’as eu ? demandai-je à Mary.

— Oui, j’étais sur le circuit.

— On dirait que la fête va bientôt commencer ! »

Ce ne fut qu’après l’atterrissage que je commençai à entrevoir à quel point la situation avait évolué depuis notre départ. Nous étions en règle avec les instructions du plan « Dos nu », mais nous n’avions pas entendu parler du plan « Bain de soleil ». Deux flics nous arrêtèrent au moment où nous descendions d’autavion. « Ne bougez pas, cria l’un deux. Pas de mouvements brusques ! »

Rien n’indiquait que ce soient des flics, sinon leurs manières et les pistolets qu’ils braquaient sur nous. Ils portaient un ceinturon, des chaussures et de minuscules slips – à peine plus grands qu’un suspensoir. Un deuxième coup d’œil me fit apercevoir leurs insignes fixés à leurs ceinturons.

« Et maintenant, mon vieux, dit le flic, ôtez-moi le grimpant en vitesse ! »

Apparemment je n’obéis pas assez vite.

« Et que ça saute ! rugit-il. On en a déjà abattu deux ce matin qui essayaient de se tirer. Si vous voulez faire le troisième…

— Fais ce qu’il te dit », intervint doucement Mary.

J’obéis et ne conservai sur moi que mes chaussures et mes gants ; cela me donnait un air passablement idiot. Je parvins à dissimuler mon téléphone et mon pistolet pendant que j’enlevais mon short.

Le flic me fit faire demi-tour. « Il n’a rien, dit son collègue. À l’autre maintenant. »

J’allais remettre mon short, quand le premier flic m’arrêta.

« Hé là, vous tenez absolument à vous attirer des histoires, alors ? Laissez donc ça tranquille.

— Je n’ai pas envie de me faire ramasser pour outrage à la pudeur », dis-je sans me fâcher.

Il parut surpris, éclata de rire et se tourna vers son collègue.

« Tu entends ça, Ski ?

— Quand même, dit le deuxième flic sans impatience, vous pourriez y mettre un peu du vôtre. Vous connaissez le règlement. Portez un manteau de fourrure si vous voulez, moi je m’en fous – mais c’est une ambulance qui vous ramassera. Les vigilants tirent plus vite que nous ! »

Il se tourna vers Mary. « Et maintenant, madame, s’il vous plaît…»

Sans discuter, Mary se mit en devoir de retirer son short.