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J’allais lui demander comment il savait que les larves raisonneraient comme lui, quand le Patron me coupa la parole.

« Il a raison, petit. »

Il me prit le bras et me mena vers l’autavion. « Il a raison, mais ses raisons ne sont pas les bonnes.

— Hein ?

— Pourquoi n’avons-nous jamais osé bombarder les villes qu’ils tiennent ? Tu penses bien qu’ils n’ont pas envie d’abîmer leur astronef ; ils veulent le reprendre intact. Retourne près de Mary et n’oublie pas de te méfier des chiens et des étrangers, hein ! »

Je me tus, mais sans être convaincu. Je m’attendais d’une seconde à l’autre à nous voir tous transformés en déclics de compteur Geiger. Les larves se battaient avec l’intrépidité de coqs de combat – peut-être du reste, parce qu’elles n’étaient pas individualisées. Pourquoi se seraient-elles tant souciées du sort d’un de leurs astronefs ? Elles tenaient peut-être plus à nous l’enlever des mains qu’à le conserver.

Nous venions d’arriver à l’autavion, et je parlais avec Mary quand le jeune enseigne arriva au grand trot. Il salua le Patron.

« Le commandant a dit que vous pouviez faire tout ce que vous vouliez, monsieur. Absolument tout. »

À son attitude, je devinai que la dépêche de Washington avait dû être écrite en lettres de feu, avec force fioritures et enjolivures.

« Je vous remercie, dit doucement le Patron. Nous voulons seulement examiner l’astronef capturé.

— Certainement, monsieur. Veuillez m’accompagner, je vous prie. »

Ce fut du reste lui qui nous accompagna, ne sachant pas trop s’il devait escorter le Patron ou Mary. Ce fut Mary qui gagna. Je fermai la marche en m’attachant surtout à veiller au grain et à ne pas paraître voir le jeune enseigne. Sur la côte où nous nous trouvions, l’arrière-pays est une véritable jungle. La soucoupe empiétait sur une zone de brousse que le Patron traversa pour couper au plus court. « Attention monsieur, recommanda le petit enseigne. Regardez bien où vous marchez.

— Il y a des larves ? » demandai-je.

Il secoua la tête. « Non, des serpents corail. »

Au point où nous en étions un serpent venimeux m’aurait semblé aussi inoffensif qu’un lapin de choux. Je dus cependant prêter quelque attention à son conseil, car j’avais la tête penchée vers le sol quand l’incident se produisit.

J’entendis un cri. Je veux bien être pendu si ce n’était pas un tigre du Bengale en train de nous charger !

Ce fut sans doute Mary qui le toucha la première. Mon rayon précéda peut-être légèrement celui du jeune officier. En tout cas je ne fus pas en retard sur lui. Le Patron tira le dernier. À nous tous, nous grillâmes la pauvre bête de telle façon qu’aucun fourreur n’aurait pu seulement en tirer une descente de lit. Pourtant le parasite qu’il portait était indemne. Je lui réglai son compte d’une deuxième décharge. Le jeune officier le regarda sans étonnement.

« C’est curieux, dit-il, je croyais pourtant bien que nous avions liquidé toute la cargaison.

— Que voulez-vous dire ?

— Je parle du premier tank de transport qu’ils ont envoyé. C’était une vraie arche de Noé ! Il y avait de tout là-dedans, depuis des gorilles jusqu’à des ours blancs. Vous êtes-vous jamais fait charger par un buffle ?

— Jamais et je ne tiens pas à essayer.

— Notez que c’est encore préférable aux chiens. Si vous voulez mon avis, ces animaux-là n’ont aucun bon sens. »

Il regardait la créature sans aucune émotion.

Sans nous attarder davantage, nous grimpâmes sur l’astronef. Ma nervosité s’en accrut encore. Pourtant l’aspect de l’engin n’avait rien d’effrayant en lui-même.

Mais cet aspect n’était pas normal. Quoique l’objet en présence duquel nous nous trouvions fût évidemment artificiel, on savait d’instinct, sans avoir besoin de se l’entendre dire, qu’il n’avait pas été fait de main d’homme. Pourquoi ? Je n’en sais rien. Sa surface était mate et polie comme un miroir, sans une seule marque d’aucune sorte. Il était impossible de dire comment il avait été construit. Il était lisse comme un cube de matière plastique.

Je n’aurais pas pu dire de quoi il était fait. De métal ? Évidemment il fallait que ce fût du métal. Mais en était-ce bien ? On se serait attendu à le trouver ou terriblement froid, ou, au contraire, brûlant encore du choc de l’atterrissage. Je le touchai. Il n’était rien du tout : ni froid, ni chaud. Un autre détail me frappa : un engin de cette taille atterrissant à grande vitesse aurait dû ravager un ou deux hectares de terrain. Or on ne voyait aucune zone brûlée autour de lui, la végétation y était restée verte et humide comme partout ailleurs.

Nous montâmes jusqu’à cette espèce de parasol qui devait être le sas atmosphérique. Le bord en était rabattu sur le petit char amphibie dont le blindage était cabossé comme une boîte de carton que l’on aurait serrée dans sa main. Ces « tortues de sable » sont faites pour pouvoir rouler sur des fonds de deux cents mètres ; je vous jure que c’est costaud !

Celle-ci devait l’être, car si le parasol l’avait endommagée, l’écluse n’avait pas pu se refermer. En revanche, le métal, ou Dieu sait quel élément, dont était construite la porte de l’astronef ne portait pas la moindre trace de l’effort supporté.

« Attends-moi ici, avec Mary, dit le Patron en se tournant vers moi.

— Vous n’allez pas entrer tout seul là-dedans ?

— Si. Nous n’avons sans doute pas beaucoup de temps devant nous.

— J’ai ordre de rester avec vous, monsieur, lui dit l’enseigne. C’est ce qu’a dit le commandant.

— Très bien, acquiesça le Patron. Venez. »

Il se pencha sur le puits de l’écluse, s’agenouilla et se suspendit dans le vide par les mains. L’enseigne le suivit. Je me sentais terriblement nerveux, mais je ne voulus pas discuter.

Ils disparurent tous deux dans le trou sombre. Mary se tourna vers moi.

« Sam, je n’aime pas cela, me dit-elle. J’ai peur. »

Sa remarque me surprit. J’avais peur moi aussi, mais je n’aurais pas cru qu’il en serait de même pour elle. « Je suis là », dis-je pour la rassurer.

« Faut-il rester ici ? Il ne nous l’a pas exactement ordonné…»

Je réfléchis.

« Si tu veux revenir à l’autavion, je peux t’y reconduire, proposai-je.

— Ma foi… Et puis, non, Sam. Je crois qu’il vaut mieux rester ici. Viens plus près. »

Elle tremblait.

Je ne sais combien de temps s’écoula avant que leurs deux têtes réapparaissent au bord du puits. Le jeune enseigne sortit le premier et le Patron lui dit de monter la garde en nous attendant. « Venez, nous dit-il. Il n’y a pas de danger – du moins je le crois.

— C’est déjà ça, grognai-je, tout en suivant Mary qui descendait déjà dans l’astronef avec l’aide du Patron.

— Attention à ta tête, me recommanda-t-il, la voûte est très basse d’un bout à l’autre. »

C’est un truisme de dire que les objets fabriqués par des races non humaines n’ont eux-mêmes rien d’humain, mais bien peu d’hommes ont jamais mis les pieds à l’intérieur d’un labyrinthe vénusien et il en est moins encore qui aient vu les ruines martiennes – et je n’étais pas du nombre. Je ne sais pas à quoi je m’attendais. À première vue, l’intérieur de la soucoupe n’était pas, me sembla-t-il, trop ahurissant, mais il était étrange. Il avait été conçu par des cerveaux inhumains qui ignoraient toutes les notions humaines en matière de construction, qui, par exemple, n’avaient jamais entendu parler de l’angle droit, ni de la ligne droite, ou les regardaient comme inutiles ou indésirables.