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— Un peu, reconnut le Président, mais il est rare que nous ayons des résultats venant du Mexique ! » Il montrait la carte : des lampes vertes s’étaient allumées dans la province de Chihuahua.

« Sapristi c’est vrai ! Le Département d’État aura quelques incidents diplomatiques à aplanir quand tout sera fini, hein ? »

Le Président ne répondit pas. Il semblait se parler à lui-même. Il me vit, sourit et murmura à mi-voix :

Chaque puce a sa petite puce pour lui piquer le dos ! Et les petites puces en ont de plus petites Ainsi de suite, à l’infini…

Je souris poliment, mais dans les circonstances présentes, je trouvais cette citation assez déplacée. Le Président tourna la tête. « Personne n’a faim ? demanda-t-il. Moi, si. C’est la première fois depuis des semaines ! »

Le lendemain, en fin d’après-midi, la carte était plus verte que rouge. Rexton avait fait monter deux tableaux annonceurs reliés au centre d’opérations du Nouveau Pentagone. L’un montrait le pourcentage de résultats obtenus, par rapport au chiffre estimé nécessaire pour le grand lâcher de la deuxième phase du plan ; l’autre indiquait le moment où le lâcher devrait avoir lieu, en fonction des données précédentes. Les chiffres changeaient de temps à autre. Depuis environ deux heures, ils étaient restés aux alentours de 17 h 43, heure de la côte est.

Rexton se leva. « Je vais faire fixer l’heure H à 17 h 45, annonça-t-il. Monsieur le Président, je vous prie de m’excuser.

— Certainement. »

Rexton se tourna vers mon père et moi. « Si nos deux Don Quichotte sont toujours décidés à aller là-bas, c’est le moment. »

Je me levai. « Attends-moi, Mary, recommandai-je.

— Où cela ? » demanda-t-elle.

Il avait été entendu (au prix de quelles disputes !) qu’elle ne nous accompagnerait pas.

« Je propose que Mrs Nivens reste ici, coupa le Président. Après tout, elle est de la famille.

— Merci, monsieur le Président », dis-je.

Le colonel Gibsy me lança un drôle de coup d’œil.

Deux heures plus tard nous arrivions au-dessus de notre objectif. La trappe était ouverte. Mon père et moi nous étions les derniers du stick, juste après les petits gars qui devaient faire le vrai boulot. Mes mains étaient moites et j’avais un trac épouvantable. J’ai toujours eu horreur des sauts en parachute…

CHAPITRE XXXIV

Mon pistolet dans la main gauche, ma seringue d’antitoxine toute prête dans ma main droite, je courais de porte en porte dans le pâté de maisons qui m’avait été assigné. C’était dans un des plus vieux quartiers de Jefferson City. On n’y rencontrait guère que des taudis, et tous les appartements y avaient au moins cinquante ans. J’avais déjà fait deux douzaines d’injections ; il m’en restait encore trois douzaines à faire avant de gagner l’hôtel de ville, notre point de rassemblement. Mon travail commençait à me donner la nausée.

Je savais bien pourquoi j’étais venu. Ce n’était pas par simple curiosité ; je voulais les voir crever. Je voulais les voir mourantes, je voulais les voir mortes, et une haine mortelle obnubilait en moi tout autre sentiment. Mais maintenant que j’avais vu leurs cadavres par centaines, j’en avais assez.

Je voulais rentrer chez moi, prendre un bain et oublier toutes ces horreurs.

Notre travail n’était ni difficile ni dur ; monotone et écœurant seulement. Jusqu’à présent je n’avais pas rencontré une seule larve vivante, quoique j’en aie vu beaucoup de mortes. J’avais abattu un chien errant qui me paraissait porter une bosse suspecte, mais je n’aurais pas pu certifier qu’il était possédé car la lumière était mauvaise. Nous avions atterri juste avant le coucher du soleil et il faisait maintenant presque nuit.

J’achevai le tour de l’immeuble où je me trouvais, appelai à grands cris pour être sûr de n’oublier personne et sortis dans la rue. Elle était presque déserte ; toute la population avait la fièvre neuvaine et personne ne sortait de chez soi. À la seule exception cependant d’un homme qui s’approcha de moi en agitant les bras, un regard absent dans les yeux.

« Hé là ! » criai-je.

Il s’arrêta.

« J’ai ce qu’il vous faut pour vous guérir, lui dis-je. Donnez votre bras. »

Il chercha faiblement à me frapper. Je l’assommai avec précaution et il s’abattit la face contre terre. Sur son dos je vis l’éruption rouge laissée par la larve. Je choisis une région à peu près propre et saine au bas de ses reins, y piquai ma seringue et en brisai la pointe une fois qu’elle fut bien enfoncée. Chaque ampoule-seringue était chargée de gaz sous pression. Nous n’avions qu’un geste à faire…

Au premier étage de la maison suivante, je trouvai sept personnes, toutes si gravement atteintes que, sans rien dire, je me contentai de leur faire leurs piqûres et de m’en aller. Tout se passa sans difficulté. Au deuxième ce fut la même chose.

Le dernier étage comprenait trois appartements vides et je dus faire sauter la serrure de l’un d’eux pour pouvoir y pénétrer. Le quatrième appartement était occupé – si l’on peut dire. Sur le carreau de la cuisine gisait un cadavre de femme la tête fracassée. Sa larve était encore sur ses épaules, mais elle était morte, elle aussi. Je les laissai où elles étaient et jetai un coup d’œil autour de moi.

Dans la salle de bains, assis dans une vieille baignoire démodée, je trouvai un homme entre deux âges. Sa tête pendait sur sa poitrine et les veines de ses poignets étaient ouvertes. Je commençai par le croire mort, mais il leva la tête quand je me penchai sur lui. « Vous arrivez trop tard, dit-il d’une voix morne. Je viens de tuer ma femme. »

J’arrivais plutôt trop tôt ! À en juger d’après la couleur de la baignoire et l’aspect de son visage grisâtre, il aurait mieux valu pour lui que je ne sois arrivé que cinq minutes plus tard. Je me demandais s’il valait encore la peine d’une piqûre.

« Ma petite fille…, dit-il.

— Vous avez une fille ? demandai-je très haut. Où est-elle ? »

Ses yeux scintillèrent, mais il ne me répondit pas. Sa tête retomba sur sa poitrine. Je l’appelai à haute voix et lui tâtai l’artère jugulaire, mais mon pouce s’enfonça dans son cou sans que je sente son pouls.

L’enfant était couchée dans une des chambres ; c’était une fillette d’une huitaine d’années qui aurait été jolie, si elle avait été en bonne santé. Elle se redressa, se mit à pleurer et m’appela papa. « Oui, oui, dis-je doucement. Papa va s’occuper de toi. »

Je lui fis sa piqûre à la cuisse sans même qu’elle s’en aperçoive.

Je me préparais à m’en aller quand elle me rappela. « J’ai soif… veux boire…» Je dus retourner dans la salle de bains…

Pendant que je lui donnais à boire, mon téléphone vibra. Je renversai une partie du verre. « Tu m’entends, petit ? »

Je fouillai dans ma ceinture et branchai mon microphone.

« Oui. Qu’est-ce qui se passe ?

— Je suis dans le parc, un peu au nord de l’endroit où tu te trouves. Ça va mal !

— J’arrive ! »

Je reposai le verre et me préparai à m’en aller, quand, pris d’une hésitation, je fis demi-tour. Je ne pouvais pas laisser ma nouvelle petite amie reprendre connaissance pour découvrir les cadavres de ses parents à côté d’elle. Je la soulevai dans mes bras et descendis au second. J’ouvris la première porte venue et posai l’enfant sur un sofa. L’appartement avait des occupants, mais ils étaient trop malades pour s’occuper d’elle. Je ne pouvais, hélas, en faire davantage.

« Dépêche-toi, petit !

— J’arrive. »

Je sortis de l’immeuble en coup de vent, et sans perdre de temps en discours, je pris mes jambes à mon cou. Le secteur assigné à mon père se trouvait juste au nord du mien, et lui était parallèle. Il longeait un de ces minuscules parcs comme il en existe dans le centre des agglomérations. En débouchant du carrefour je ne le vis pas tout de suite et le dépassai.

« Par ici, petit ! Par ici… Dans l’autavion ! »

Je l’entendais maintenant à la fois dans mon téléphone et directement. Je fis demi-tour et aperçus l’autavion, un gros Cadillac, du genre souvent utilisé par la Section. Il y avait quelqu’un dedans mais il faisait trop sombre pour que je puisse bien le voir. Je m’approchai avec précaution.

« Dieu soit loué ! l’entendis-je soupirer. Je croyais bien que tu n’arriverais jamais. »

Je savais maintenant que c’était bien mon père.

Je dus baisser la tête pour passer par la portière. C’est à ce moment qu’il m’assomma…