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— On peut s’y attendre.

— Mourir en chaussettes, c’est pas prestigieux, hein, mec ?

— Ça pourrait être pire.

— Par exemple ?

— Si tu clamsais en calcif.

Il réfléchit, évoque ses dessous et admet.

— T’as raison.

Puis il se baisse, ramasse le sabre ensanglanté et met gentiment le manche dans la main droite de la servante inanimée.

— Maintenant, si qu’on se planquait ? chuchote le Gros.

Car des coups sourds ébranlent la porte d’entrée.

L’idée est valable. Je regarde les environs immédiats. Impossible de sauter par la fenêtre, biscotte toute la matucherie déployée à l’extérieur. Les autres piaules, je les connais : elles n’offrent aucun abri valable… Je me souviens toutefois que l’une d’elles qui sert de grenier, est pourvue d’un vasistas.

Le toit à l’extrême rigueur, peut nous servir provisoirement de refuge.

Nous entrons donc dans cette pièce démeublée. Mais au premier regard, Béru établit une comparaison négative entre les dimensions du vasistas et sa bedaine.

— C’est ici qu’on se dit adieu, San-A ! fait-il. Toi tu peux passer, moi pas. Vas-y, je refermerai derrière toi et comme ça t’auras ta chance.

Je secoue la tête.

— Non, mon Gros. On ne se sépare pas.

— T’es gland : pourquoi se faire ramasser tous les deux puisque t’as une petite chance dont au sujet de laquelle je ne peux pas bénéficier ? C’est pas parce que tu seras piqué avec moi que je m’en sortirai…

On entend le ramdam des bonshommes du guet investissant les pièces du bas.

— Si c’était le contraire, Gros et que ce soit moi qui fasse quinze mètres de tour de taille, est-ce que tu me laisserais ?

Il renifle.

— Ben…

— Tu vois bien.

Tout en chuchotant, je me suis reculé au fond de la pièce. Il y a une cheminée. Et je me penche pour regarder l’orifice d’icelle et voir s’il ne serait pas apte à héberger deux valeureux représentants de la poulaillerie françouaise. Hélas ! Par contre, je viens d’apercevoir quelque chose de bizarre : un levier de fer placé sous la hotte de la cheminée. Hotte-Toit de là que je m’humecte, comme disait un ramoneur déshydraté.

Un instinct policier me poussant, je tire le levier. O surprise ! Miracle et Moyen Age sont les deux mamelles du stupéfiant. La cheminée tout entière pivote, découvrant une sorte d’espèce de réduit dans lequel se trouve un poste émetteur. Le Gros n’est pas revenu de sa stupeur stupéfaite que je l’ai déjà bousculé dans le réduit et que je m’y suis également logé. Je ramène la cheminée pivotante telle une porte et nous voici plongés dans le noir.

— J’avais lu un truc commak dans un conte de fées, chuchote le Mastar, mais je croyais pas que ça existait dans le commerce !

— Ta bouche, B.B.

Les pas des soudards sont très proches. On entend hurler des ordres. Ça crie, ça se démène.

Nous respirons avec difficulté, car seul, un minuscule trou percé dans le mur, nous distribue jour et oxygène.

— Si jamais on s’en sort, on va avoir les soufflets comme des morilles séchées ! dramatise Bérurier. À force de rester enfermé je vais prendre des goûts de moine.

— Tu en ferais un superbe, conviens-je.

— Tu m’imagines en robe de burne ?

— Admirable. Et tes chers pieds nus dans des spartiates, dis, y songes-tu ? Le moine-ramoneur.

Le Gros s’est assis par terre. L’endroit est tellement exigu qu’il ne peut pas allonger ses cannes, le pauvre chéri. Pour ma part (la meilleure) j’ai usé du petit tabouret posé devant le poste émetteur. Et, à nouveau, les heures coulent. Je me doute que les flicards sont céans pour un moment. Et je ne tiens pas à réapparaître sous leur nez. J’aurais beau prétexter que je suis le secrétaire particulier du Père Noël, je vous parie un franco de port contre un porc de Franco qu’ils auraient des doutes !

Je finis bientôt par ne plus rien entendre, sauf, comme de bien entendu, les ronflements du Gros que je dois savater à tout bout de champ pour le tenir éveillé.

— On dirait qu’ils ont mis les adjas ! fait Béru.

— Tu parles qu’ils ont dû laisser du peuple en faction ! Tu as des allumettes ?

J’en gratte une. Sa faible flamme me permet une rapide inspection du local. Je découvre sur une étagère, une petite lampe électrique. J’espère qu’aucune rainure perfide ne nous trahira. La lumière plus nourrie et plus constante de la loupiote me permet de me repérer.

— Pourquoi que tu enverrais pas z’un message ? suggère Béru, en montrant le poste, toi que tu es syfiliste, tu pourrais.

— J’y songeais, Gros, mais ça peut être dangereux car je ne connais ni l’indicatif de la môme Conchita ni celui de ses correspondants. Suppose que mon message soit capté par les forces cuhaltières ?

Non, décidément, comme disait le pédoque qui admirait la colonne Vendôme : ça ne serait pas raisonnable ! En ce moment, vu la mort du chef de la police secrète, ça doit être l’état d’alerte dans l’île.

— Alors, docteur ? demande Bérurier qui contemple mon hésitation comme un pêcheur contemple son bouchon.

— Non. Un miracle nous a sauvés, ne nous perdons pas par une témérité.

— Tu sais que ça fait près de quatre plombes qu’on joue les croûtes de pain dans ce placard ?

Moi aussi, j’en ai classe. Je transpire à grosses gouttes et je dois être rouge comme un cardinal inca souffrant de la rougeole.

— On se prend l’air, gars ?

J’entrouvre très imperceptiblement la lourde : silence total. Alors je pousse un peu plus mieux la cheminée à changement de vitesse. La voie me semble provisoirement libre. Béru s’annonce à son tour et nous repoussons la porte de la cachette.

— Cette cheminée, plaisante Son Altesse, c’est le père Noël à elle toute seule !

Nous nous aventurons jusqu’à l’extrémité de la pièce où règne une chaleur tropicale. La porte en est grande ouverte.

Je parviens sur le balcon intérieur qui surplombe le hall. Un murmure de voix me parvient. Dans une pièce du bas (vraisemblablement au salon) deux types discutent. Sans doute ont-ils été laissés là par la police pour accueillir les visiteurs éventuels et répondre aux non moins éventuels appels téléphoniques. Le regard tuméfié du Gros m’interroge.

— On joue le tout pour le tout, lui dis-je. Descendons sur la rampe, ça fera moins de bruit. Une fois en bas on rampera jusqu’à la sortie. Advienne que pourra.

Je me mets à califourchon sur la rampe et je glisse silencieusement, d’une seule coulée. Parvenu en bas, je fais signe au Mahousse d’enfourcher la même monture.

Il obéit, mais, parvenu à mi-course il pousse un beuglement féroce, bascule et choit sur un meuble plus ou moins chinois placé contre l’escalier.

Inutile de vous dire que messieurs les poulagas font fissa. Ils sont trois à débouler, revolver au poing, par la porte du living. Ce qui me sauve toujours et en toutes circonstances, vous le savez, c’est mon esprit de décision.

Avant que les trois gars soient sortis, San-A, le vaillant, le superbe, le courageux San-A[9], est déjà sur eux, avec pour seule arme, une défense d’éléphant décrochée du mur. Je la tiens par le gros bout et je fonce comme si la fée Carabosse venait de me muer en rhinocéros. Or, si un oto-rhino c’est rosse, un rhinocéros féroce est encore plus rosse. Ma défense d’éléphant se révèle plus efficace qu’une défense d’afficher. Je la colle dans le plastron d’un archer qui en crache son cigare avant de s’effondrer. Un deuxième tire : de trop près car j’ai plongé dans son buffet et le coup ne fait que trouer ma veste. Je vais pour m’expliquer avec le troisième lorsque je constate que, revenu de sa chute, le Gros l’a déjà en main. Il lui fait une prise pour l’obliger à lâcher le revolver. Plusieurs coups partent au plaftard. Du plâtre nous choit sur le dôme. Qu’à cela ne tienne. Le Gros vient de mettre un coup de genou où vous savez au monsieur, lequel pense à sa femme et se met à pleurer pour elle.

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9

J’en passe.