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Maintenant, Rouflaquettes est paré. Les autres, intrigués, se demandent ce qu’il va faire.

— Attention ! hurle-t-il.

Béru et moi-même, fils unique et préféré de Félicie, on se jette à plat ventre. Le temps de compter jusqu’à la moitié d’un et ça part. Je m’occupe pas de savoir dans quel sens il commence l’arrosage, Rouflaquettes ! Il vaporise à tout va, jusqu’à ce que sa boutique soit vide. Ça gueule, ça s’affale un peu partout.

Je sens du sang chaud (comme dit Pança) sur ma joue. Je prends une masse sur les jambes. C’est le suifeux qui vient de se détériorer complètement. Un nuage de poudre flotte dans l’air à la ronde. Je redresse la tête en même temps que Béru. Autour de nozigues c’est le méchant carnage. L’officier a paumé ses tripes. Lépino a essayé d’arrêter deux bastos avec sa cervelle, mais elles sont passées au travers tout de même. L’idiot qui a donné sa mitraillette râle en se tordant sur le sol. Son pote à moustache cirée, lui, est à genoux et essaie d’arrêter de ses mains pressées contre sa poitrine une formide hémorragie. Le dernier poulet, a sûrement été servi en priorité car il a encore sa mécanique sur l’épaule, mais il est mort au point que la statue équestre de Louis XIV à côté de lui, aurait l’air d’un danseur de twist en pleine action.

Béru regarde Ibez-Sanchez.

— Et à part ça, m’sieur le comte, lui demande mon camarade, qu’est-ce que vous savez faire avec une mitraillette ?

CHAPITRE XIV

— Pressons ! ordonne Ibez-Sanchez.

Ce n’est plus le grand tordu patibulaire que, par deux fois, j’ai tabassé. À deux reprises, j’ai mis des gnons à ce garçon et, au lieu de m’assaisonner lorsqu’il en a l’occasion, bien au contraire il me sauve la mise.

Nous rejoignons la route où se trouve une camionnette.

— Montez !

Avec nos paluches toujours entravées, nous n’avons pas une grande facilité de manœuvre.

— On aurait pu prendre la clé des menottes, suggère Béru.

— Le temps presse, on s’arrangera autrement !

Nous voici installés tous trois dans la calèche. Démarrage foudroyant, style Fangio.

— Vous foncez à la vitesse d’un siphon ! apprécie Bérurier.

— Il doit y avoir des pinces dans la boîtes à gants ! murmure Rouflaquettes. Vous auriez dû conserver la clé que je vous ai lancée dans la cellule de Paulo Chon ; ici la serrure des cabriolets est universelle.

— Comment ! C’était vous ?

— Oui. C’était tout ce que je pouvais tenter pour vous. Mais ça n’a pas été inutile, d’après ce que j’ai vu.

— Qui êtes-vous ? demande Béru.

— Walter Scotch, des services secrets américains.

— J’aime mieux ça, dis-je en sortant une paire de pinces de la boîte à gants. Et où nous conduisez-vous ?

— J’ai pu envoyer un message à Washington tout à l’heure. J’ai demandé qu’on m’envoie un avion dans la lande, à Pinar Rosso ; si tout est O.K., nous pourrons filer de ce foutu pays d’ici une paire d’heures.

Grâce aux pinces je viens de briser la chaîne de Béru. Il lui reste un charmant bracelet agrémenté d’une chaînette à chaque poignet, mais il a du moins récupéré l’usage de ses poignes. Il me rend le même service.

— Dites, Scotch, je m’excuse pour mes matraquages ; je ne pouvais pas savoir…

— Ben voyons, fait-il avec un haussement d’épaules.

Il semble maussade. J’ai l’impression qu’il m’en veut. Je lui pose carrément la question et il me déclare :

— Excusez-moi, mais il y a de ça en effet. Pour vous tirer du pétrin je n’ai pas rempli mon programme.

— Qui était ?

— Je voulais enlever Juan Lépino et l’emmener aux U.S.A.

— Pour quoi faire ?

— Je pensais qu’il pourrait, pour peu qu’on sache le questionner, fournir des indications à propos des complices de Pointe-à-Pitre. Vous êtes au courant ?

Je rigole comme une gargouille un jour d’orage.

— Vous me permettrez de mettre leur liste complète dans la corbeille de mariage, dear Walter.

— What do you say ? tonne Scotch.

Je sors de ma poche la feuille de papier pelure et je la lui braque sous le nez. il décrit une embardée qui manque de nous faire percuter le parapet d’un point.

— Où avez-vous trouvé, my dear ?

— Dans la valise que vous étiez allé chercher chez Conchita.

Il se tait, hoche la tête et murmure au bout d’un instant :

— Je suis un damné crétin, commissaire San-Antonio.

Il faudrait m’envelopper la cervelle dans une blague à tabac étanche pour m’empêcher de me dire que ce type tarde un peu à me couler du sirop de vérité dans les trompes d’Eustache.

Mais peut-on « secouer » un garçon qui vient de mettre en l’air (ou plutôt en terre) trois ou quatre flics pour vous sortir du maverdavier ? Heureusement, le Gros, qui n’a pas ces soucis de bienséance, se charge d’assumer la responsabilité du premier questionnaire :

— Dites voir, mon cher Ouastère, vous allez sûrement pouvoir allumer notre lanterne. On se demande des trucs depuis qu’on à débarqué dans cette île à la noix de coco pas mûre !

Il sourit.

— Je m’en doute. Seulement, je ne pouvais guère vous être utile, ma mission consistant à démasquer le réseau guadeloupéen chargé de détruire notre base secrète.

Le Mahousse va débloquer, alors je préfère prendre le crachoir en marche.

— La vérité sur Conchita ? je demande.

— L’âme damnée de Paulo Chon !

— Dire qu’on y aurait refilé le bon Dieu sans confession, soupire le Gros. Elle avait une frimousse presque aussi sympa que sa copine Infiltration.

Nous sommes maintenant loin de toute agglomération et nous roulons dans une savane pelée où végètent de maigres arbres aussi rachos qu’un sous-chef de service du ministère des Travaux en cours d’annulation. Scotch mate son rétroviseur à tout bout de champ, redoutant de voir rappliquer la Rousse.

— Je vous en prie, dis-je, puisque vous nous avez sauvé la vie. ne nous laissez pas mourir de curiosité, ce serait immoral.

Il a un grand rire qui lui vient du bide. Walter Scotch, c’est quelqu’un de bien. Il a dû subir le vache entraînement des agents secrets de choc. On lui a enseigné le stoïcisme plutôt que le pakistanais chanté.

— Eh bien ! dit-il, ça peut se faire. Danlavaz faisait des études en France…

— Je connais !… coupé-je, manière de lui prouver que j’en sais cinquante centimètres sur la question. Fille de planteur assassiné, elle veut s’enrôler dans la rébellion, etc…. etc.

— C’est ce qu’elle a essayé d’accréditer. Elle appartenait en fait aux services révolutionnaires cuhaltiers et elle a voulu, sur l’ordre du diabolique Paulo Chon, s’enrôler dans nos services à nous. Pour cela, elle a travaillé par la bande en se faisant recommander par votre chef…

— Je comprends. Alors ?

— Seulement, votre Big Boss n’est pas un idiot et il nous a conseillé de nous tenir sur nos gardes. Aux States, on a feint de croire la gosse… On l’a expédiée ici et tout…

— Mais mon bon ami Walter Scotch se trouvait déjà à pied d’œuvre, prêt à intervenir en cas d’arnaque ?

— Voilà, old bean, très exactly. Je passais pour un terrible militant du barbu et je n’ai pas eu de difficulté à devenir son copain de cœur… Un joli petit lot, cette Conchita, non ?

— Formidable ! After ?

— J’ai tout de suite vu ce qu’elle bricolait. C’était une fille à la solde de Chon.