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– Vous connaissez Antoine ? demanda Mathias terrifié.

– Je suis une des trois meilleures amies d’Yvonne, il nous arrive de temps à autre de parler de vous ; alors oui, je connais Antoine. Rassurez-vous, je suis une tombe !

Mathias aborda la question des honoraires, mais le plaisir de passer sa journée avec Emily et Louis suffisait amplement à Danièle. Pour l’ancienne directrice d’école, ne pas avoir de petits-enfants était une vacherie qu’elle n’était pas près de pardonner à son fils.

Mathias pourrait profiter de son samedi l’esprit tranquille. Danièle trouverait de quoi leur faire passer une journée palpitante. Palpitante ?… Mathias avait peut-

être un moyen de la rendre inoubliable !

*

L’ancienne directrice d’école jugeait l’idée épatante ! Inculquer aux enfants quelques notions d’histoire sur les lieux qu’ils visiteraient pendant leurs vacances lui paraissait judicieux. Elle connaissait bien la Grande-Bretagne et avait visité plusieurs fois les Highlands, mais qu’entendait exactement Mathias par des cours de fantômes ? Mathias se dirigea vers une étagère pour en retirer plusieurs livres aux re-liures épaisses : Légendes des Tartans, Les Lochs hantés, Tiny MacTimid, Les petits fantômes voyagent en Écosse.

Avec tout ça, vous serez incollable ! dit-il en déposant la pile devant elle.

Il la raccompagna jusqu’à la porte de la librairie.

– Cadeau de la maison ! Et surtout, vous n’oubliez pas la petite interrogation écrite à la fin de la journée…

Danièle sortit dans la rue, les bras encombrés de paquets ; elle croisa Antoine.

– Belle vente ! siffla Antoine en entrant dans la librairie.

– Que puis-je l’aire pour loi ? demanda Mathias d’un air innocent.

– 127 –

– Je pars à l’aube demain, tu as un programme pour les enfants ?

– Tout est en ordre, répondit Mathias.

*

Le soir, Mathias eut un mal fou à rester en place à la table du dîner. Sous pré-

texte de chercher un pull-over – il faisait froid dans la maison, n’est-ce pas ? -, il alla lire un texto d’Audrey : Je travaille tout le week-end en salle de montage. Plus tard, en retournant dans sa chambre – ce n’était pas son radio-réveil qu’on entendait là-

haut ? – il apprit qu’elle devait remonter toutes les séquences de leur escapade londonienne : Mon technicien s’arrache les cheveux, toutes les prises sont décadrées. Et dix minutes après, enfermé dans la salle de bains, il fit part à Audrey de son étonne-ment : Je te jure que dans le viseur de la caméra, tout était parfait ! ! !

*

Le service du soir s’achevait. Yvonne poussa un grand soupir en refermant la porte sur les derniers clients. Derrière le comptoir, Enya lavait des verres.

– Nous avons fait une bonne soirée, non ? demanda la jeune serveuse.

– Trente couverts, pas mal pour un vendredi soir, il reste des plats du jour ?

– Tout est vendu.

– Alors c’est une bonne soirée. Tu t’en tireras très bien demain, dit Yvonne en débarrassant les couverts dans la salle.

– Demain ?

– Je prends ma journée, je te confie le restaurant.

– C’est vrai ? !

– Ne mets pas les verres à pied sur cette étagère, ils vibrent quand le percolateur est en marche… Tu trouveras de quoi rendre la monnaie dans le tiroir de la caisse. Demain soir, pense à monter la recette dans ta chambre, je n’aime pas la laisser ici, on ne sait jamais.

– Pourquoi me faites-vous confiance comme ça ?

– Pourquoi ne le ferais-je pas ? dit Yvonne en balayant le plancher.

La jeune serveuse s’approcha d’elle pour lui ôter le balai des mains.

– Les interrupteurs sont dans le placard derrière toi, je vais me coucher.

– 128 –

Yvonne monta l’escalier et entra dans sa chambre. Elle fit une toilette rapide et s’allongea sur le lit. Sous ses draps, elle écoutait les bruits de la salle. Enya venait de casser un verre. Yvonne sourit et éteignit la lumière.

*

Antoine se mit au lit en même temps que les enfants, la nuit serait courte. Mathias, lui, s’enferma dans sa chambre et continua d’échanger des messages avec Audrey. Vers onze heures, elle le prévint qu’elle descendait à la cafétéria. Le réfectoire était au sous-sol et il ne pourrait plus la joindre. Elle lui dit aussi qu’elle avait une envie folle d’être dans ses bras. Mathias ouvrit la penderie et étala toutes ses chemises sur son lit. Après plusieurs essais, il en choisit une blanche avec un col italien, c’était celle qui lui allait le mieux.

*

Sophie referma la petite valise posée sur la chaise. Elle prit son billet de train, vérifia l’heure du départ et entra dans la salle de bains. Elle s’approcha du miroir pour étudier la peau de son visage, tira la langue et fit une grimace. Elle enfila un tee-shirt accroché à la patère derrière la porte et retourna dans sa chambre. Après avoir réglé son réveil, elle s’allongea sur le lit, éteignit la lumière et pria pour que le sommeil ne tarde pas à venir. Demain, elle voulait avoir bonne mine, et surtout, pas de cernes autour des yeux.

*

Lunettes au bout du nez, Danièle était penchée sur son grand cahier à spirale.

Elle prit la règle, et surligna au marqueur jaune le titre du chapitre qu’elle venait de recopier. Le tome 2 des Légendes d’Ecosse était en évidence sur son bureau, elle réci-ta à voix haute le troisième paragraphe de la page ouverte devant elle.

*

– 129 –

Emily ouvrit tout doucement la porte. Elle traversa le palier sur la pointe des pieds et gratta à la chambre de Louis. Le petit garçon apparut en pyjama. À pas de loup, elle l’entraîna dans l’escalier. Une fois dans la cuisine, Louis entrebâilla la porte du réfrigérateur pour qu’ils aient un peu de lumière. Prenant d’extrêmes précautions, les enfants préparèrent la table du petit déjeuner. Pendant qu’Emily remplissait un verre de jus d’orange et alignait les boîtes de céréales devant le couvert, Louis s’installa au bureau de son père et posa ses doigts sur le clavier. Le moment le plus périlleux de la mission s’annonçait, et il ferma les yeux en appuyant sur la touche

« impression », priant de toutes ses forces pour que l’imprimante ne réveille pas leurs deux pères. Il attendit quelques instants, et attrapa la feuille dans le bac de réception.

Le texte lui semblait parfait. Il plia le papier en deux pour qu’il tienne bien droit sur la table et le tendit à Emily. Un dernier regard, pour vérifier que tout était en place, et les deux enfants remontèrent aussitôt se coucher.

– 130 –

XIII

Cinq heures trente. Le ciel de South Kensington était rose pâle, l’aube se levait.

Enya referma la fenêtre et retourna se coucher.

*

Le réveil affichait cinq heures quarante-cinq, Antoine prit un gros pull dans son armoire et le passa sur ses épaules. Il récupéra sa sacoche au pied du secrétaire, l’ouvrit pour vérifier que son dossier était complet. Les plans d’exécution étaient à leur place, le jeu de dessins aussi, il referma le rabat et descendit l’escalier. En arrivant dans la cuisine, il découvrit le petit déjeuner qui l’attendait. Il déplia la feuille posée devant l’assiette si gentiment préparée à son intention et lut le petit mot. Sois très prudent et ne dépasse pas la limite de vitesse, met bien ta ceinture (même si tu t’assieds à l’arrière). Je t’ai préparé un termos pour la route. On t’attendra pour le dîner et pense bien a ramené un petit cadeau aux enfants, sa leur fait toujours plaisir quand tu pars en voyage. Je t’embrasse. Mathias. Très ému, Antoine emporta le thermos, récupéra ses clés dans la coupelle à l’entrée et sortit de la maison. L’Austin Healey était garée au bout de la rue. L’air sentait bon le printemps, le ciel était déga-gé, la route serait agréable.