— Qu’est-ce que ça veut dire ?
— Les formules, murmure-t-elle.
— Eh bien ?
— Elles sont imprimées en braille sur mes bas.
Je pousse un petit sifflement admiratif.
— Beau, dis-je. Jamais entendu parler d’une astuce pareille. Alors c’était ces bas que le faux Stevens trimbalait dans sa petite valoche ?
— Oui.
Elle les ôte et je me rince l’œil comme un collégien. Des cuisses pareilles, bande de cloches, vous vous lèveriez la nuit pour en manger… Parole !
Je prends les bas qu’elle me tend. Ils sont tièdes comme un nid d’oiseau. Je les glisse dans ma poche.
Héléna reste silencieuse.
— Vous… vous tenez parole ?
— Et comment !
— Vous me laissez vraiment filer ?
En guise de réponse, j’arrête la voiture. Je lui cloque un dernier baiser sur les lèvres.
— Ta bouche sera le plus chouette souvenir de ma vie, poulette.
Elle descend…
— Vous n’allez pas me tirer dessus ?
— Tu me prends pour qui ?
— Adieu, balbutia-t-elle.
— Adieu !
Elle s’éloigne sur le trottoir en faisant claquer ses talons hauts. Elle ne doit pas avoir chaud, jambes nues.
Je tourne le bouton-radio et j’appelle la voiture qui me suit.
— Allô, Guillard ?
— Oui.
Tu aperçois sur le trottoir, près de la station de métro, la souris que j’ai embarquée ?
— Oui, commissaire.
— Je lui ai promis de la laisser filer : un marché, pour les besoins de la cause…
— Bon…
— Seulement, toi, tu ne lui as rien promis du tout, hein ?
— Compris, chef …
Je vois qu’il me double et stoppe à la hauteur d’Héléna. Alors, j’accélère pour ne pas voir la suite. J’ai tenu parole, non ? Je l’ai laissée se barrer ? Dame, je ne suis qu’un homme.
Comme l’homme que je suis se double d’un agent secret, il est également normal que j’aie passé ce petit message à Guillard.
Je mets à nouveau le contact.
— C’est fait ?
— C’est fait, monsieur le commissaire. Mais elle prend mal la chose.
« Vous parlez d’une donzelle ! »
— Présente-lui mes hommages !
On est galant ou on ne l’est pas. Tout ça, c’est une question d’éducation.
Moi, je le suis.