jNous n'irons plus au bois, les roses sont coupées, ainsi que presque tous les lauriers.
Le règne de M""' de Maint eii(»n dui'a b^ laps respectable de trente-cinq ans. Ainsi, le roi-soleil qu'on voit toujours dans le cadre jiompeux de sa jeunesse, auréolé de gloire et de galanterie, au milieu de ses courtisans enrubannés, planant parmi les fêles, les bals et les carrousels, sur des constellations d'étincelantes beautés, le grand roi fut de bonne heure un vieux roi morose et ennuyé, aimant toujours la pompe, mais avec une affectation de solennité compassée, quelque chose comme une somptueuse' austérité.
Le grand siècle fui aussi le siècle ennuyeux, l'ennui doré en habit d'apparat et solennelle perruque. Le roi se repentant des galantises de sa jeunesse, tourné maintenant vers la dévotion et Taustérité. entendait quo lout le inonde fît comme lui.
La mode immédiatement changea. Le costume des hommes et des femmes se modifia dans le sens de la sévérité: les ornements trop éclatants ou trop pimpants, les vives couleurs, les grands ramages d'or qui jadis avaient ébloui la cour et la ville disparurent pour faire place à des ajustements plus sobres et plus discrets.
Cela dura jusqu'au temps où Louis XIV lui-même, ayant eu près des coiffes austères de M""^ de Maintenon son compte de morosité, jugea qu'il ne serait pas mauvais de prier grands seigneurs et granfles dames de rendre à sa cour l'éclat et la splendeur des jours d'autrefois, avant que la dévotion ne fût à la modo. Il est inutile de dire si l'invitation fut entendue et si les hnbillemeuts luxueux tardèrent à reparaître.
Fin ciu grand siècle.
Les dames de cette dernière période du grand siècle sont vêtues d'étoffes splendides chamarrées et ramagées de la plus étincelante façon, de robes ouvertes sur des devants de corsage des plus fines dentelles, de brocart ou de damas tissé d'or, avec les jupes relevées et drapées
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sous LA RÉGENCE.
SOUS un petit tablier de dentelle qui n'est pas la pièce la plus heureuse de leur ajustement et qui ne va guère avec les toilettes de sortie.
Sur la tête, ce sont toujours les hautes pointes des coiffures à la Fontanges, édifice compliqué devenu tout à fait extravagant, avec brides de dentelle voltigeant par derrière.
Pour orner les jupes, la mode a les falbalas et les prétintailles; les falbalas, ce sont les rangs de volants bouillonnes étages sur la jupe, sur la jupe tombante et non sur la grande jupe volante à queue, relevée sur le côté; ils ont été inventés par un -personnage nommé Langlée, fils d'une femme de chambre de la reine, devenu à la cour l'arbitre du goût et l'oracle de la mode.
Quant aux prétintailles^ c'était le nom donné à une nouvelle façon de chamarrer les robes au moyen de grandes découpures de fleurs de toutes les tailles et de toutes les couleurs, appliquées sur l'étoffe, décoration éclatante qui faisait que les dames semblaient s'être confectionné des robes avec des tapisseries ou des étoffes à fauteuils.
Coill'ure d'intérieur.
VII
XVIir SIÈCLE
La lîcgenoe.— Folies el frivolités. — Cyllicrc àl'aris. — Les modes >VaU.eau. — Les robes volantes. — Naissance des paniers.— Criardes. Considérations et Maîtres des requêtes. — M"'* de Pompadour. — L'éventail.—Promenade de Longchamps.—Carrosses et chaises à porteurs. — Modes d'hiver.
La France, ayant connu — après toutes les gloires et toutes les magnificences — toutes les amertumes et tous les désenchantements, contemplait tristement le long et mélancolique crépuscule du roi-soleil.
Tenue depuis des années dans une atmosphère d'ennui pesant par le vieux monarque et la vieille dame au visage pincé, elle eut comme un poids de moins sur la poitrine lorsqu'elle vit Louis dans son caveau de Saint-Denis et M"'° de Maintenon réfugiée à Saint-Cyr, et du jour au lendemain, il y eut une explosion : toute la jeunesse comprimée, toute la frivolité rentrée, toutes les aspirations au plaisir sortirent et le grand coup de folie de la Régence commença.
Le fringant xviii*' siècle, tenu sous la férule de ce vieux xvii'^ grondeur et impotent qui ne voulait pas finir, allait soudain comme un jeune page émancipé s'en donner jusque-là et jeter sa perruque bien haut par-dessus tous les moulins.
La mode que les moralistes disent fille de la frivolité, inventa pour faire honneur à sa mère mille folies nouvelles et comme ce n'était pas assez, on reprit parmi les anciennes ce qu'il y avait d'assez oublié pour paraître délicieux.
La earactéristi(iue de la mode au xvm° siècle, dès la Régence, c'est l'ampleur, le retour aux considérables envergures des jupes du temps de Henri III, c'est-à-dire au vertugadin, avec toutes ses conséquences, l'ampleur des manches et l'ascension des coiffures qu'on sera bientôt amené à exagérer en vertu d'une loi d'équilibre et d'harmonie!
Sous Henri III, ce sont les fraises qui montent et mettent la tête dans un grandissime cornet; sous Louis XV et Louis XVI, c'est la coiffure qui se fait monumentale.
Les vertugadins reparaissent sous le nom de paniers. Ilsviennentde l'autre côté de la Manche. Ce sont deux dames anglaises qui les apportent à Paris et les exhibent au jardin des Tuileries.
L'ampleur extravagante des robes de ces dames excita une telle surprise parmi les promeneurs et promeneuses que la foule s'amassa autour d'elles et les pressa tellement qu'elles coururent grand risque d'être étouffées ou tout au moins très aplaties. Il fallut l'intervention dun officier de mousquetaires pour tirer ces dames et leurs paniers de ce mauvais pas.
Les modes alors ne faisaient pas comme aujourd'hui le tour du monde civilisé en six mois pour disparaître pas usées complètement en moins de deux saisons. Elles mettaient du
Chasseresse Régence.
temps à naître et à se développer et avec les modifications, adjonctions ou améliorations que la fantaisie pouvait chaque matin leur apporter, elles duraient dans leurs lignes principales pendant de longues années.
Le panier vivra tout le long du siècle et il ne faudra rien moins que la Révolution pour le tuer.
Il fallut quelques années au vertugadinpour reconquérir Paris; sa restauration se fit lentement, timidement, par petits essais modestes; puis un beau jour, vers 1730, il domine, il règne sans conteste. Toutes les dames, laissant les demi-mesures et les demi-paniers, adoptent le grand panier de six pieds de diamètre dont le développement exige pour le moins dix aunes d'étoffe.
Panier était le nom tout indiqué puisque les premiers bouffants de jupes furent des ouvrages de vannerie composés de cerceaux d'osier ou de jonc, de véritables cages à poules qu'on arrangea plus tard avec une armature de baleines.
Un maître des requêtes du nom de Pannier ayant péri dans un naufrage en revenant des Antilles, son infortune servit de prétexte à la mode cruelle pour donner un surnom au panier alors dans le commencement de sa gloire. Il y avait eu les petits paniers jansénistes descendant seulement au genou; les criardes^ tournures de toile gommée et plissée,
Robe volante.
qui criaient au moindre mouvement; les houte-en-train, les tcUez-y, les gourgandines^ les culbutes^ des noms bien osés, trouvés par un temps peu bégueule, et les petits paniers, plus respectables sans doute, dits « Considérations ». Les grands paniers furent quelque temps des « maîtres des requêtes ».
La vogue des paniers amena naturellement un changement dans la façon des robes. Alors commencent ces modes très gracieuses, mais quelque peu cythéréennes, légèrement déshabillées, que nous avons baptisées du nom de modes Watteau, en l'honneur du grand peintre des fêtes galantes qui a jeté sur la toile tant de belles dames de ce temps folâtre, en paniers plus ou moins larges, rouge et mouches au visage, l'éventail ou la grande canne à la main, toujours prêtes à s'embarquer pour Cythère avec quelque galant seigneur à talon rouge.