Выбрать главу

Plaisir d'amour ne dure qu'un moment, Cliagrin d'amour dure toute la vie.

1789.

Le lionnot Cii;tilotte (;iird;iv,

LA RÉVOLUTION ET L'EMPIRE

Modes dlles à la Bastille. — Modes révolulioiinaires. — Noire-Dame de Thermidor. — Incroyables et merveilleuses. — 1,'antiquité à Paris. — Athéniennes et Romaines. — Une livre de vêtements. — Tuniques diaphanes. — Maillots, bracelets et cothurnes. — Le réticule ou ridicule. — Le bal des Victimes. — Perruques blondes et oreilles de chien. — A la Titus. — Les robes-fourreau. — Petits bonnets et Chapeaux-Shakos. — Les turbans.

L'ouragan ({ui devait ptMidaiit vingt-cinq ans rouler comme un cyclone sur notre vieille Europe, souffle déjà sur Paris où il s'est l'ormé;

II bouscule, il abat, il broie. Comme un château de cartes ou une Bastille, la monarchie séculaire va s'écrouler sur les décombres de la vieille société.

Et pendant ce temps, pendant que l'émeute ensanglante la rue fiévreuse, que les tueurs I)roinènent de pâles tètes coupées fichées au bout 'des pi(|ues, pendant qu'à l'Assemblée ou à la Commune, les nouveaux maîtres de la l'rance décident tumultueusement du sort des millions dhoinmes que la guerre va jeter les uns sur les autres, pendant que déjà, dans l'aube sinistre, se dresse sur son peuple, toute rouge, ses deux bras levés tenant le glaivej la nouvelle reine, la Guillotine, — la mode imperturbable songe à des combinaisons nouvelles, elle modifie des jupes, elle arrange des corsages, elle chiffonne des rubans d'une façon inédite, elle a les inventions les plus fraîches et les plus charmantes, elle lance des toilettes idylliques d'une exquise nouveauté ; à une nation nouvelle ne faut-il pas des costumes nouveaux?

Le mouvement commencé dès les dernières années tranquilles de Louis XVI, s'accélère et s'accentue. La mode est sur une voie nouvelle, et peu à peu disparaissent tous les caractères du costume d'antan, de l'ancien régime, comme on dit.

Dans la fameuse estampe de Debucourt, la Promenade publique^ donnant la vision multicolore d'une foule élégante des premières années de la Révolution, dans cette charmante réunion de petites maîtresses et de muscadins qui ne semblent guère songer au grand drame, que reste-t-il des costumes et des modes du siècle? De la poudre, quelques tricornes sur des tètes de vieux bourgeois retardataires et c'est tout.

Les femmes ont un aspect tout à fait nouveau. Les modes anglaises ont prédominé d'abord, c'est-à-dire les vestes et les redingotes d'amazones, puis les robes se sont simplifiées comme façon et comme étoffes.

Les temps deviennent durs, adieu les riches tissus, les soies et les satins, adieu les falbalas coûteux de jadis ! La toile de Jouy, l'indienne et le linon remplacent la soie et les couturières s'en tiennent aux formes droites avec très peu d'ornements et d'accessoires. On voit des corsages de linon forme chemise laissant les bras nus à partir du coude, des jupes toutes simples, presque plates, qui se

portent avec des ceintures à longs rubans flottants. Pour relever cette extrême simplicité on a les rubans aux couleurs nationales, les trophées et les attributs révolutionnaires imprimés sur l'étoffe ou quelque maigre ruche ajouté au bas des jupes.

On continue à porter beaucoup de fichus de mousseline, et. pour les grandes occasions, la toilette se complète avec des bouquets de fleurs tricolores portés à gauche sur le cœur, des bijoux patriotiques, médaillons de cou. boucles de ceintures, d'acier ou de cuivre, cocardes, boucles d'oreilles, boutons à la Bastille, au Tiers-Etat, à la constitution, etc. Pendant un temps tout esl // Ui Bastille, jusqu'aux chapeaux.

Les grands chapeaux, en cône démesuré, à très larges bords et surchargés de rubans, après avoir essayé de tenir quelque temps, ont disparu ; il n'y a bientôt plus que des bonnets,, des bonnets à grande coiffe bouillonnée enrubannés aussi, des bonnets ressemblant quelque peu à des coiffures du pays de Caux, et surtout des bonnets dits à la paysanne ou à la laitière, la jolie coiffe à grandes barbes de dentelle que nous appelons aujourd'hui bonnet Charlotte Corday, piquée d'une large cocarde tricolore.

Presque plus de poudre Idanehe. — on va en consommer tant de noire — on porte tous ses cheveux au naturel, avec un peu do su|»-

LA IIKVOLUTION ET LKMPIRi:

isa

plémoiU aussi car la vogue des perruques Itlondes commence.

Mais bientôt la tempête se déchaîne tout à fait, c'esl la Terreur. ]*('ul-il rire encore ques-

Le chapeau Hussaicl.

lion de frivolités luxueuses et de modes? Les rangs des élégantes s'éclaircissent, elles sont à l'Abbaye, à la Force, dans cent prisons, ou à Goblentz, — elles se cachent ou elles sont morles.

L'extrême simplicité que chacun affecte dans sa mise par prudence ou garde par découragement, ne suffit pas toujours à préserver de ce titre de suspect ou de suspecte qui donne des droits immédiats à l'échafaud.

Talleyrand a dit qu'ils ne connaissaient pas la douceur de vivre, ceux-là qui n'avaient pas vécu dans la vieille société d'autrefois. En 93, le problème est de vivre, n'importe comment, caché dans un trou de souris, s'il le faut. La Loi sous ce doux règne de Liberté, ordonne que dans chaque maison une pancarte placardée porte les noms et prénoms de tous les habitants et même l'âge, dure contrainte. Que de braves gens qui ont connu des jours heureux et brillants essayent dans quelque rue tranquille, au fond d'un appartement silencieux, d'oublier l'orage qui gronde et le tumulte des rues et les horribles clameurs des clubs et des journaux.

Cependant un petit groupe s'obstine à tenir haut et ferme devant les sans-culottes le drapeau de l'élégance ; des vaillants et des vaillantes montrent encore au Palais-Royal, sur les boulevards, aux promenades, dans les

MERVEILLEUSE DU DIRECTOIRE.

théâtres qui persistent à jouer, des toilettes élégantes et bravent les citoyens en carmagnole et bonnet rouge, et les mégères tricoteuses de la guillotine, mais à quels risques!

La mode n'ose plus lutter, la pauvrette a caché sa tête sous son aile et regarde éperdu-ment le ciel, espérant toujours quelque éclaircie.

La guillotine fonctionne toujours, s'inter-rompant seulement de temps à autre pour quelque fête idyllique, fête de l'Être suprême, fête de l'agriculture ou de la vieillesse, avec théories de jeunes filles en blanc, déesses de la Liberté, chœur d'adolescents et de vieillards ; pastorales charmantes, spectacles qui émeuvent doucement le cœur du bon Marat et du sensible Robespierre. On a jeté du sable sur le sang, le lendemain le ruisseau rouge recommence à couler.

9 thermidor! Pour les beaux yeux de la citoyenne Thérèse Cabarrus, astre qui va se lever, Tallien a bravé la mort suspendue sur toutes les têtes. Il a jeté bas Robespierre et la poussé à son tour dans les bras impassibles de la déesse Guillotine !

M"^*^Tallien devient Notre-Dame de Thermidor, celle qui saovr p.ir In souveraine puissance de la l)«>aut<'' !

Tn imnieiise soupir (1(^ soulnficmenl passa sur la France et immédiatement les élégances comprimées et terrorisées sortirent de terre, avec le luxe, avec la frivolité, la folie même, avec la joie, le rire, dont on semblait avoir un besoin furieux api-ès tant fie sanû' et tant de larmes.

Les incroyables et les merveilleuses qui s'étaient déjà montrés avant la Terreur remplissent soudain les promenades et les boulevards, et la mode, à qui le régime de Robespierre n sans doute tourné la tète, toute paie encore de son émrdion, se livre loul de suite à mille extravagances.