Dans la rue ou sur les boulevards, aux prome-
Chapeau ISilO,
nades, aux Champs-Elysées, elle est décolletée encore et se drape sans se cacher dans un petit châle porté coquettement.
Revenons un peu sur le chapitre des coiffures ; ce n'est pas le moins important, il peut se subdiviser en sous-chapitres : les toques
UNE ÉLÉGANTE AUX CHAMPS-ELYSÉES. RESTAURATION.
et bérets chevaleresques et Ossianiques, les bonnets et turbans, et enfin les chapeaux, C'est un poète qu'il faudrait pour célébrer
Béret de ^dZ:.
dignement la grandeur et pleurer la décadence du chapeau féminin. Sous la Restauration, jusqu'en 1835, c'est la gloire et le triomphe du chapeau ; il plane superbement sur la tête des dames, il fait voltiger ses plumes, il balance gracieusement ses rubans, ses coques et ses immenses nœuds de satin.
Parti des tromblons ou des shakos sans grâce de l'Empire, des tubes enfermant la figure au fond d'un corridor obscur, il s'est modifié peu à peu, il s'est élargi, il s'est ouvert. On le campait tout droit sur la tête; maintenant, il se pose gentiment de côté sur les cheveux roulés en grosses boucles irrégulières. La nuque bien dégagée apparaît dans toute sa coquetterie, les épaules se montrent aussi à l'ombre d'un grand chapeau car les robes sont largement décolletées et les jolies collerettes tuyautées ne les surmontent pas toujours.
C'est le moment du triomphe pour le chapeau, mais la décadence viendra vite, les bords roulés en cornet ou en corridor reprendront, on supprimera rubans et panaches, on enfermera la figure tout ou fond du corridor et le cou sous d'immenses et disgracieux bavolets. Nous irons ainsi de lamentables inventions en créations baroques et inélégantes jusqu'au petit chapeau bibi fermé, du second Empire, jusqu'au ridicule chapeau assiette de. 1867.
Mais la réaction en sens inverse est com-
Lcs grands Chapeaux Restauration.
mencée, nous avons pu revoir en ces dernières années de vraiment gracieuses coiffures. La femme d'alors dans Tintimité ne craint pas les grands bonnets coquettement chiffonnés, vastes comme les chapeaux, avec un fond relevé très haut pour contenir le grand peigne avec des ébouriffements de dentelles et de rubans autour de ses boucles ou de ses anglaises. C'est le dernier temps d'élégance des bonnets, ensuite, hélas! il n'y aura plus de beaux bonnets qu'aux champs, tant que dureront les majestueux hennins des Normandes ou les coiffes voltigeantes si variées des femmes de Bretagne.
Après ces jolis bonnets de boudoir des lionnes de 1830, la décadence du bonnet commence. Il est encore joli, le bonnet capricieusement tuyauté sur la tète des petites modistes ou grisettes au nez fùté de Parisienne, aux yeux éveillés et railleurs; c'est d'ailleurs la coiffure légère qu'elles font si légèrement voltiger métaphoriquement par-dessus les plus hauts moulins, mais ensuite le bonnet des grisettes devient la coiffure sans grâce de grosses boutiquières, enfin, chute complète, le bonnet devient portière...
Vive, légère, enjouée, dans l'ondulation de ses larges jupes et le flou de ses monumentales manches à gigot, l'élégante de 1830 s'en va éblouir les boudoirs de la chaussée d'Antin
Bonnet d'intérieur.
et les promenades fashionables, les Champs-Elysées ou Longchamps et faire palpiter le cœur des dandys engoncés dans leurs hauts collets d'habits. Sous son grand chapeau hérissé de touffes de plumes et de rubans, elle disparaît quand elle veut, un simple mouvement du cou et la voilà dissimulée au fond de cette coiffure de strict incognito.
Elle galope aussi au bois de Boulogne dans son amazone de couleur à manches à gigot, ornée de torsades ou de brandebourgs, ou bien égayée par un blanc canezou...
Plus tard par malheur, elle osera porter, à la campagne pour ses promenades équestres, à la place de son large chapeau à grand voile voltigeant, la casquette, la hideuse casquette, honte du xix*^ siècle.
Il faut voir, aux loges des théâtres à la mode, les rangées de jolies femmes décolletées, dans les corsages ouverts en pointe jusqu'à la taille sur une large chemisette brodée, les parements du corsage revenant sur les épaules et les manches, — les boas enroulés, les accroche-cœurs et les boucles, les cheveux tordus et dressés de cent façons différentes et compliquées, avec des fleurs, des peignes, des pointes de satin...
Les belles romantiques, dit-on, arborent à l'eiivi des toilettes plus moyen âge les unes que les autres. Elles avaient pour nourriture d'esprit après les troubadours du vicomte
Amazone 1830.
d'Arlincourt, après Ossian, Byron et Walter Scott, les tirades passionnées et farouches des grands drames d'alors, Hernani^ la Tour de Nesle, Lucrèce Borgia, les vers, les romans, les chroniques de tous les romantiques, de tous les jeune France. Et, sous l'ceil fulgurant des barons et des bandits gothiques, elles s'efforçaient d'être le plus moyen âge possible dans leurs ajustements.
Mais, au théâtre même, le moyen âge était
Coiffure à la Chinoise. 1830.
très 1830, les héroïnes de ces drames flamboyants, Isabeau, Marguerite de Bourgogne ou Belle Ferronnière, malgré les recherches de couleur locale, montrent, tout comme les spectatrices, les inévitables manches à gigot, et au fond en voulant se montrer moven-
TOILETTES D'INTÉRIEUR 1830.
âgeuses, les belles de 1830 restent surtout 1830. Hélas, hélas, ces modes d'une si jolie désinvolture, ces modes à panaches, d'une élégance
Grand Chapeau et Coller ette.
truculente, pour employer l'idiome d'alors, ces modes passent. La réaction bourgeoise antipittoresque, qui commence dans les arts, triomphe bien plus rapidement dans les toilettes. Au bout de quelques années, les modes se sont assagies, faut-il dire le gros mot? Dès
1835 OU 36, la mode, Tex-mode poétique^ romantique, cavalière, se fait juste milieu et épicière, épouse de garde national, pour tout dire !
La mode en 1835 a déjà perdu ses grâces et tourné à la gaucherie en exagérant disgracieu-sement les caractéristiques de 1830. Ce ne sont plus les femmes de Dévéria et de Gavarni, ce sont celles de Grandville.
Les jupes sont larges comme des cloches et sans ornements, en simple mousseline blanche ou imprimée de petits dessins bébêtes comme ceux des papiers de tenture de l'époque. Les manches sont d'énormes gigots boursouflés mais flasques qui pendent très bas, très bas, sur de tout petits poignets; les corsages sont recouverts d'immenses pèlerines ornées de broderies et dentelles, tombant plus bas que la taille. Mettez sur la tête un grand chapeau de paille d'Italie ou de paille de riz, fermé et bridé sous le menton, et vraiment l'ensemble n'est pas très séduisant.
Voyez les héroïnes de 1830, dix ans après, en 1840; considérez tristement ces jupes sans lignes et sans ornements, ces manches hésitantes, gardant un peu de l'ampleur des gigots, juste assez pour être disgracieuses, ces cor-
Toilelte d'intérieur.
sages quelconques, ces chapeaux dépourvus d'allure, simples capotes attachées sous le menton par des brides sans grâce.
Les coiffures n'ont plus les belles audaces d'autrefois, ce sont des coiffures en bandeaux plats, qui encadrent froidement et durement le visage, ces chastes bandeaux, comme on disait alors, qui tuent presque toute grâce et toute