Toilette romantique.
beauté — ce sont les anglaises, les longues boucles tombant comme un feuillage de saule, qui donnent une mine pleurnicharde aux figures féminines les plus enjouées. La mode devient de plus en plus triste et de plus en plus laide à la fin de la monarchie de juillet. Plus de goût du tout, c'est le comble de la banalité et de la platitude.
Il y a un mouvement qui porte les modes à
1830.
toujours aller du plus large au plus étroit et toujours à revenir du plus étroit au plus large. C'est une loi. De même pour les coiffures, on va et on ira toujours du plus petit au plus vaste et du plus vaste au plus petit, avec une régularité parfaite.
Après les paniers Louis XV et Louis XVI, on est allé aux jupes collantes du Directoire, la plus simple expression des jupes, après laquelle il n'y a plus que la suppression. Des robes fourreaux de l'Empire, on est venu par degrés à l'ampleur et l'on va regagner sous le second Empire le grand maximum de largeur avec la troisième restauration du vertugadin sous le nom de crinoline.
1835.
1840.
XII
ÉPOQUE MODERNE
1848. — Desrévokilions partout, excepté dans le royaume de la mode. — Règne universel de la crinoline. — — Les châles cachemire. — Talmas, burnous, pince-tailles.— Modes de plages. — Robes courtes. —Saute-en-barque. — Jupes larges et jupes étroites. — Les modes collantes. — Poufs et tournures. — Modes Valois. — Erudition plus qu'imagination. — On demande une mode fin de siècle.
La Révolution de 48 n*a aucune action sur les modes, elle ne lance pas, comme la pre* mièrCj la toilette dans des voies nouvelles. En ce temps de bouleversement, quand toute l'Europe semble gagnée par l'esprit de révolution, lorsque tant de rêves plus ou moins beaux, plus ou moins fous, brûlent le cerveau congestionné des peuples, la mode à qui pourtant un petit grain de folie serait certainement permis, se conduit en personne sage et prudente.
Les toilettes continuent à se montrer éminemment bourgeoises; on croirait que c'est jyjme Prudhomme qui donne le ton.
Les tristes et mesquins chapeaux en petit cabriolet, fermés sous le menton avec de petites brides, régnent sans conteste, il n'y a pour ainsi dire qu'une forme unique, à bavolet, sans autres ornements que des rubans sans grâce. La robe n'a pas la moindre ornementation non plus, le corsage est très long, la jupe droite. Sur ces toilettes plates on porte au dehors des mantelets et des châles.
Ce sont ces toilettes, très sobres et très effacées, que le second Empire va trouver à ses débuts et qu'il transformera peu à peu en un costume à grand fla-fla trè& compliqué, très chargé et surchargé, mais plus que discutable
PARISIENNE 1835.
comme goût et même tout à fait dépourvu de style, sauf dans quelques trouvailles heureuses qui ne durèrent pas, vers 1864.
La grande pensée du règne, — côté modes, — la grande innovation qui va donner le la
Chapeau 1848.
aux toilettes, c'est la crinoline, — honnie, attaquée, vilipendée par vaudevillistes, journalistes, caricaturistes, par les maris, par tout le monde, c'est la crinoline triomphante de toutes les clameurs, de toutes les moqueries, comme de tous les justes reproches:
On peut bien dire que sous l'Empire la femme a tenu trois ou quatre fois plus de place dans le monde — au moins en circonférence
— qu'aux époques précédentes, plus même que sous Louis XV de peu vertueuse mémoire, la crinoline ayant régné bien plus despotiquement que les paniers, puisque les femmes de toutes classes durent l'adopter et que les filles des champs ne se crurent pas habillées le dimanche à moins de ballonner comme les dames de la ville avec la cage en cercles d'acier.
Les tournures et les jupons bouillonnes en étoffe de crin ont habitué peu à peu les yeux à l'élargissement des jupes, et lorsque la crinoline sans armature est délaissée pour les cerceaux en ressorts d'acier et pour la crinoline cage, à cercles et à montants d'acier, les dames trouvent ce ballonnement charmant et la crinoline fait le tour du monde.
Il est bien inutile d'insister sur ses nombreux inconvénients qu'on a encore dans la mémoire, sur la gêne qu'elle imposait, mais au point de vue esthétique, la crinoline doit être solennellement anathématisée, excommuniée, ridiculisée à jamais... c'est-à-dire jusqu'au jour où elle reviendra sous un autre nom.
Il est vrai que les jupes s'arrondissant en coupoles flottantes sur ces crinolines'si décriées, et que tout l'ensemble de la toilette étaient
La Crinoline.
ornés d'une façon lourde et gauche de petits détails mesquins appliqués sur de tristes étoffes, tandis que les paniers du xviii° siècle ont eu pour eux une ornementation plus artiste des jupes et des toilettes taillées dans les belles étoffes à ramages. Leurs exagérations et leurs ridicules avaient de la grâce, tandis que les jupes, à crinoline ne rachetaient par rien leur gauche balonnement. Un peu surfaites, les suprêmes élégances de l'Empire!
Avec ces crinolines boursouflées et envahissantes, que portent toutes les femmes du second Empire, on peut rappeler le talma, le burnous, manteau algérien assez coquet, \q?> pince-taille en soie gros grain à manches pagodes, — oh ! les manches pagodes ! entonnoir disgracieux et incommode compliqué de dentelles ou d'effilés !
Il faut noter surtout les châles, le fameux cachemire de l'Inde et le grand châle tapis.
Le châle, dont on a si longtemps célébré l'élégance (?), n'a vraiment quelque grâce que lorsqu'il est petit, étroit presque comme une écharpe, et lorsqu'il est porté avec irrégularité et désinvolture. Que dire du grand châle posé sur les épaules comme sur un portemanteau et tombant droit en dissimulant la taille et la toilette de la femme, sinon qu'en réalité ce châle-manteau est un vilain vêtement et qu'il ne va tout au plus qu'aux fruitières endimanchées.
On peut encore signaler les capelines parmi les inventions commodes, et les vestes zouaves,
Chapeau second Empire.
les rouges garibaldis et les figaros, parmi les nouveautés gracieuses de l'époque.
Le chapitre des chapeaux n'est pas bien brillant. Jusque vers 1863, ce sont toujours les grandes capotes de cabriolets, avec bavolets, avec fleurs dans l'intérieur de la passe et au-dessus; cette coifl'ure, c'est en somme le grand chapeau de la Restauration, abîmé, ridiculement arrangé, finissant tristement ses derniers jours.
Voilà donc le luxe elTréné tant reproché aux femmes par le président Dupin, dans la fameuse brochure qui fît sensation en 1865, — le luxe débordant les jours de Grand Prix dans la grande Ville, roulant de l'hippodrome de Longchamps tout le long des boulevards, le luxe qui, paraît-il, faisait de Paris une Byzance décadente, scandalisait Thonnète bourgeoise en petit châle, et faisait monter le rouge aux joues du reste de la vertueuse Europe, vouée encore à la simplicité naïve et pratiquant le culte de sainte mousseline à dix sous le mètre.
Effréné peut-être, ce luxe corrupteur et effrayant, mais peu artistique, d'un goût médiocre et donnant à très grands frais l'impression du clinquant.
Bien que le recul ne soit pas encore suffisant pour le juger, pour apprécier les modes de ce temps dans leur ensemble, sans se laisser influencer par la pointe de ridicule qui s'attache au démodé, il semble cependant qu'au siècle prochain les femmes et les artistes le jugeront à peu près ainsi. Nous ne voyons pas les peintres élégants d'alors ressuscitant dans leurs tableaux les modes de 1860, pour la joie des mondaines et des américains vingtième siècle.