Les seuls bijoux sont quelques boucles et pendants de ces grandes ceintures dites cordelières, des garnitures d'aumùnières, un collier sous la collerette, petite fraise à godrons qui se trouve aussi aux poignets.
Le chancelier de l'Hôpital, ennemi de la trop grande ampleur des vertugadins, les avait un peu dégonflés et diminués par une sévère ordonnance en lo63, par laquelle il interdisait également aux hommes les hauts de chausses rembourrés. Mais à un passage du roi Charles IX à Toulouse, les belles Toulousaines étant venues implorer un adoucissement aux rigueurs de l'austère chancelier, le roi, plus clément qu'il ne se montrera plus tard aux Huguenots, fit grâce au vertugadin et lui permit de reprendre ses monumentales proportions.
Ne nous moquons pas de cette ampleur des vertugadins, un jour elle sauva la France s'il est vrai, comme la chronique le dit, que Marguerite de Valois put préserver les jours d'Henri de Navarre son mari, en le cachant sous un immense vcrtugadiai quand les mas sacreurs de la Saint-Barthélomy se mirent à dépêcher à coups de hallebarde les huguenots qu'on avait logés au Louvre à l'occasion des noces d'Henri et de Margot.
Les modes s'assombrissent comme le temps, comme Tarchi-tecture, comme le mobilier, comme tout. C'est une loi générale, l'architecture est sévère, ce n'est plus l'exubérance débordante, la gaieté païenne de la Renaissance, les formes sont plus contenues. Après une débauche d'inventions souriantes, l'architecture fait pénitence. Le mobilier qui garnit ces hôtels renfrognés est raide et gourmé.
Voyez ces tables et ces sièges carrés, sans ornements ni sculptures, de bois brut recouvert d'étoffe sombre semée de gros clous. C'est le stvle catafalaue.
Dans ces architectures sévères, dans ces appartements qui semblent revêtus de tentures d'enterrement, s'agitent des gens à costumes tristes. Longues robes tombant sur de larges vertugadins et collets montants; le buste est emprisonné et comprimé durement dans un raide corset à buse fermant par derrière, dans une armature solide appelée un corps piquée que recouvre un corsage d'étofTe raidie et baleinée aussi.
Pour sortir dans la rue, les femmes ajustent sous leurs chaussures des patins légers à semelles de liège, ce qui s'est déjà fait aux siècles précédents, mais on raille beaucoup les femmes de petite taille qui ont pris pour habitude de se jucher sur des patins formidables, ou de se hausser par des souliers à nombreuses semelles superposées.
Pour la coiffure, c'est la coiffe de réseau, la pointe sur le front faisant de la figure une sorte de cœur, ce que nous connaissons surtout sous le nom de coiffe à la Marie Stuart, ou bien c'est le chaperon de velours noir, une sorte de chapeau assez peu seyant.
Il est de mauvais ton pour les dames nobles et même pour les bourgeoises de sortir sans masque. Étrange mode, ce masque noir est encore une note triste ajoutée à un ensemble déjà bien sombre.
Les masques, de velours noir, sont courts, laissant voir le bas du visage, ou à mentonnière; ils s'attachent derrière les oreilles ou bien, ce qui est plus raffiné, se maintiennent au moyen d'un bouton de verre tenu avec les dents. Cette mode passant des femmes de qualité aux toutes petites bourgeoises durera longtemps, jusque sous Louis XIH.
Le masque cependant est coquet, il y avait moins joli, il y avait le touret de nez, pièce d'étoffe noire attachée par les côtés au chaperon, qui s'ajustait sous les yeux et cachait tout le bas du visage, invention bizarre et peu séduisante qui ressemblait, en laid, au voile de figure des femmes du Caire.
Ces tourets de nez, paraît-il, ont leur raison d'être et leur utilité. Ne les soulevons pas. Les dames se fardent outrageusement suivant une mode venue d'Italie avec Catherine de Médicis, elles se peignent comme de simples Caraïbes et s'appliquent sur les joues, sous le touret de nez, les couleurs les plus vives et les plus dangereuses pour l'épiderme. Les visages féminins sont enduits de plaques de vermillon, ou bien, sous prétexte d'entretenir la fraîcheur du teint, de pommades et de drogues vraiment peu ragoûtantes.
Horrible I
Une Instruction pour les jeunes dames donne des indications sur la composition de ces « oints » ou plutôt de ces fricassées déplorables où il entre delà térébenthine, des fleurs de lis, du miel, des œufs, des coquilles, du camphre, etc., le tout cuit dans l'intérieur d'un pigeon, trituré et distillé ensuite.
Pouah! le touret de nez paraît assez indispensable après cela.
Le florentin René, amené par Catherine, fournissait aux belles dames de la cour fards, parfums et cosmétiques; on sait qu'il cuisina souvent pour la reine mère d'autres fournitures plus nuisibles destinées à supprimer avec élégance et discrétion les gens embarrassants.
Quelle époque! d'un bout du royaume à l'autre, dans le mélange des partis en lutte, on se dispute, on se hait, on se bat. Pendant
Etoffjs ramn^î'Cs.
trente ans tout est bouleversé, les armées catholiques et huguenotes se poursuivent par les provinces, mettant tour à tour les villes à sac, brûlant les châteaux les uns des autres, guerre sans merci où les femmes et les enfants sont enveloppés, guerre de surprises et de massacres.
Les villes sont assiégées, les campagnes sont ravagées par les argoulets et arquebusiers catholiques, par les reîtres protestants, les châteaux et manoirs enlevés par de rapides coups de main... Il faut fuir quand on ne se sent pas le plus fort, ou périr...
On comprendrait, qu'en ces lugubres temps, les costumes des femmes se soient un peu masculinisés. Les pauvres femmes ont si souvent besoin, pour se tirer d'affaire dans les moments difficiles, d'enfourcher chevaux ou mules, de chevaucher comme les hommes!
Ainsi, en I068, Condé surpris en pleine paix, dut, pour échapper aux troupes de Catherine, s'enfuir de son château de Noyers près d'Auxerre et courir jusqu'à la Rochelle, échapper aux partis de cavalerie, traverser la Loire à gué, avec sa femme enceinte portée dans une litière, avec trois enfants au berceau, la famille de l'amiral Coligny, celle d'Andelot, nombre d'enfants et de nourrices...
Les femmes empruntèrent au costume masculin une espèce de pourpoint à hauts de chausses qui se mettait sous la robe. Ces caleçons ^ ainsi s'appelaient-ils, permettaient, malgré les larges jupes, d'enfourcher plus commodément les arçons.
Les vertugadins continuaient à se porter et à grandir malgré tout
Et les dames ne sont pas bien accommodées Si leur vcrtugadin n'est large dix coudées, dira bientôt un satirique Discours sur la mode.
Au temps de la Réforme.
Coiffure et Colloretle Valoi*.
HENRI III
La cour du Roi-Femme— Les grandes fraises plissées, Rodronnées ou en cornets. — Les femmes-clochos.— Les grandes manches. — Horribles méfaits du corset. — La reine Margot et ses pages blonds.
Le règne de Henri III n'apporte aucun changement dans la situation. Les temps furent plus sombres peut-être et le pays plus bouleversé. Cependant malgré la sainte Ligue, malgré le redoublement des guerres civiles, malgré l'incendie de ses provinces et le sang qui coulait de partout, Henri III, roi de la France tiraillée à quatre chevaux, prit en main le sceptre de la mode.
Après le sombre Charles IX, dédaigneux du luxe et des affîquets de la toilette, venait un roi mignard, frisé, fraisé, musqué, fardé, qui, tout en renouvelant les édits de Charles IX contre le luxe, lançait la cour, et après la cour tout ce qui peut suivre la mode, dans un débordement de folies luxueuses, de somptuosités excentriques et extravagantes.
Sous ce roi de Vile des Hermaphrodites^ comme des pamphlets l'appelèrent, le roi-femme, et l'homme-Reine de d'Aubigné :