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Son visage de blanc et de rouge empâté,

Son chef tout empoudré nous montrèrent l'idée

En la place d'un roi d'une fille fardée.

tout est désordonné et déréglé à la cour. « Le luxe et les débordements sont tels que la plus chaste Lucrèce y deviendrait une Faustine, » dit la chronique de l'Étoile.

Le royaume de la mode lui-même est bouleversé, il n'y a plus de frontières naturelles et les modes se confondent pour les deux sexes. Le roi, par un goût singulier, féminisa le plus possible ses costumes, cherchant ce qui pouvait se prendre aux modes féminines, depuis la coiffure jusqu'à l'éventail.

Comme les dames de la cour, le roi et ses mignons adoptèrent les colliers de perles, les boucles d'oreilles, les dentelles de Venise et les grandes fraises. Comme les dames, pour entretenir la fraîcheur de leur teint, ils se fardèrent et se cosmétiquèrent d'une façon ridicule, allant jusqu'à mettre la nuit des masques et des gants enduits de pommade; étranges modes efféminées pour un temps de poignards levés et de périls constants.

Ces mignons et popelirots ne portaient-ils pas comme les dames une sorte de corset pour faire taille fine, le pourpoint à buse descendant très bas en pointe, devenu bientôt le ridicule pourpoint à panse rembourrée formant une espèce de ventre pointu à la façon de Polichinelle. Ne se coifTaient-ils pas de la loque féminine ornée de plumes et de pierreries...

Les femmes ne prirent rien aux modes masculines, mais elles se rattrapèrent en exagérant considérablement les dimensions et l'ornementation de tous les éléments du costume, en recherchant la somptuosité des étoffes, en se surchargeant encore d'accessoires et de joaillerie. C'est Marguerite de Valois, sœur du Roi, la reine Margot d'Henri IV qui mène la mode, et moins le ridicule que la grâce féminine esquive, elle fait bien le pendant de l'étonnant Henri III, le satrape musqué et fardé qui empèse et godronne lui-même ses fraises et celles de la reine, et se promène avec des petits chiens sur les bras ou le bilboquet à la main.

Les fraises ont pris des proportions fantastiques, ce sont d'immenses cornets évasés, soutenus par des fils de laiton, de magnifiques dentelles ou broderies de point de Venise, qui partant du corsage, laissent voir les épaules et montent derrière la tête jusque par-dessus la coiffure. La figure fardée ainsi encadrée dans cette dentelle à pointes, c'est une fleur éclatante ou un fruit, ou plutôt c'est une tête d'idole, trop apprêtée, peinte et repeinte, ruisselante de bijouterie et de clinquant.

Toilette de Cour.

Encadrement de corsage en joaillerie, or, pierreries, perles, colliers, boucles d'oreilles,

perles et diamants à la coiffure, les princesses et les grandes dames étincellent. Les coiffures sont très basses, les cheveux arrangés en pointe sur le front et relevés en rouleau sur les tempes, dessinent un cœur que couronne un

simple cercle orné de pierres et de perles fines. Sur les corsages et sur les jupes, des lignes de perles forment des quadrillés ou des losanges. La ceinture à pendants très longs, est en joaillerie également ; à l'extrémité pend un petit miroir, précieusement encadré, que les dames ont à tout instant à la main, pour vérifier l'état de cette précieuse toilette si difficile à porter, de ces fraises immenses, d'une si haute et si majestueuse élégance, pour lesquelles les dames sont à la gène dans les réunions et dans la presse des fêtes de la cour.

Il suffit pour en juger de voir au Louvre un tableau du temps, représentant un bal à la cour, aux fêtes données pour le mariage du due de Joyeuse avec la belle-sœur du roi, noces fameuses, célébrées avec un faste inouï par vingt-cinq outrente journées de festins, de joutes ou de mascarades, pendant lesquelles toute la cour, les princes et princesses, seigneurs et nobles dames rivalisèrent de richesses et de somptuosités folles, dans leurs toilettes renouvelées de fête en fête.

D'après ce tableau des noces de Joyeuse, attribué à Clouet, les seigneurs et les nobles dames rivalisèrent surtout de ridicule dans leurs ajustements. Ce ne sont que corsages à pointes, fantastiquement serrés ou pourpoints à abdomens pointus, qui donnent aux uns et aux autres, des apparences d'insectes, fines guêpes ou gros bourdons.

Ces corsages, dont les buses n'en finissent pas, ont des manches énormes et rembourrées, aussi grosses aux épaules que le corps tout

Les Manches bouffantes.

entier, formées d'une succession de gros bourrelets à crevés, bordés de perles ou de clinquant, avec des poignets de fine dentelle assortis à la fraise.

Quant aux vertugadins, ils ballonnent et s'élargissent considérablement, ce sont maintenant plus que des cloches, ce sont de vastes soupières renversées, sur lesquelles on porte deux robes superposées, la robe de dessous, de riche brocart ou d'étoffes chargées de mille broderies, s'ouvrant pour laisser voir l'autre, laquelle est de couleur différente et non moins ornementée.

Au plus épais des troubles et confusions, quand ligueurs, royaux et huguenots se heurtaient, s'arquebusaient et se pendaient d'un bout du royaume à l'autre, Damville, l'aîné des trois fils du connétable de Montmorency, qui avait levé la lance pour un quatrième parti, celui des politiques, allié dans le Midi aux huguenots, dut une belle chandelle à l'invention de ces encombrants vertugadins. Cerné dans Béziers, il allait être pris et courait grands risques, mais une de ses parentes, Louise de Montagnard, femme de François de Tressan, l'enleva dans son carrosse, caché sous l'étalement de son immense vertugadin, et le fit passer à la barbe de ses ennemis.

C'est le second sauvetage opéré par le vertugadin : peut-être aurait-il a faire valoir bien d'autres actes de service, si l'histoire avait daigné les enregistrer. La crinoline, que nous avons connue, n'a pas de haut fait pareil à son

Le petit manteau Henri III.

actif. Sa vaste envergure fut aussi utilisée, non pour de si dramatiques évasions, mais seulement par d'ingénieuses fraudeuses, qui se contentaient d'accrocher sous leurs jupes, à ses cerceaux, des objets soumis aux droits.

Le corset n'est plus la simple basqiiine, assez inofTensive des commencements, le corps

Sous Henri lU.

piqué qu'endurent, sous prétexte de s'avantager la poitrine, les belles dames de ce temps, c'est un véritable instrument de torture, un moule dur et solide dans lequel il fallait entrer, souffrir et rester, malgré les éclisses de bois qui « entraient dans la chair, mettaient la taille à vif et faisaient chevaucher les côtes les unes par-dessus les autres, » ce sont Montaigne et Ambroise Paré qui le disent, et ce dernier pouvait en savoir quelque chose.

Comme le vertugadin et plus que le vertu-gadin, le corset passera les siècles, durera à travers toutes les modes, malgré toutes les attaques, malgré les médecins qui l'excommunient avec unanimité, victorieux de tous et de toutes, victorieux contre l'évidence. Les absurdes mignons d'Henri III l'ont bien un moment fait adopter par les hommes !

Les beautés célèbres du temps, M'"^ de Sauves, la reine Margot, dans leurs atours de cérémonie, avec tous leurs joyaux et pierreries, dans leurs corsages raidis et luisants, couverts de rinceaux d'or, ont l'air de déesses revêtues de cuirasses damasquinées. Ne m'approchez pas, disent les grandes fraises à pointes de ces beautés, qui pourtant ne sont guère inaccessibles.

Cette folie de luxe, à une époque si sombre pourtant, a gagné toutes les femmes. Il n'est pas de femme de petite noblesse, de femme de robin, de bourgeoise qui n'essaie d'approcher des grands modèles, au grand déplaisir des maris, au grand péril des fortunes déjà bien atteintes par les malheurs des temps. Le brillant xvf siècle, le siècle de la Renais-