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Ses burnes se mettent à enfler, à violir, à devenir plus malsaines de seconde en seconde. Pas prêt de fourrer un prose, ce salaud ! Dans ma rage, je le resatonne dans l’entrejambe, que si je pouvais l’écouiller, ma journée aurait une signification, bordel ! Là, il en a pour son compte !

Le petit enfant nu s’est assis sur le canapé et me regarde sans marquer d’intérêt. L’existence ne le concerne plus directement. Il est parti sur une autre planète où le vice seul compte. A quoi veux-tu jouer quand, à cinq ans, tu dérouilles des pafs dans le prose à longueur de journée ? Quelle friandise peux-tu convoiter quand des brutes te déflaquent dans la bouche à qui mieux mieux, à qui vieux vieux ! Ah ! saloperie de destin !

Le gros sac a des hoquets dans son évanouissure. Tu lui verrais les génitoires, tu croirais qu’on vient d’éventrer un veau et que sa triperie gît sur le sol mineur.

A cet instant, je morfle un grand parpaing derrière la hure. C’est le gardien du bordel qui intervient, alerté par mon guide. Je titube mais ne romps pas. Des étincelles bleues et d’autres dorées, de toute beauté, dansent dans ma vue.

Je fais front. L’homme tient un revolver de cow-boy énorme sur mon ventre. N’a pas l’air conciliant. Il me visionne comme deux flèches jumelles.

Le petit corsaire pour fête foraine radine, essoufflé. Il est suivi d’un homme que je connais bien, tout habillé de blanc, et qui n’est autre que le Chinois qui nous a taxés pour nous offrir deux morts qu’il a fait confectionner sur mesure, à la commande.

— Tiens donc ! il dit sans trop s’émouvoir.

Et moi, dominant ma surprise :

— Vous faites aussi dans la prostitution d’enfants ?

Il reste grave. Son éternel sourire a pris des vacances.

— Qu’est-ce qui vous prend d’agresser ma clientèle ?

— Vous appelez des types comme ce sac à merde une clientèle ! Comment pouvez-vous sacrifier des innocents à un aussi misérable trafic ? Vous avez donc perdu toute dignité humaine ?

Au lieu de répondre, il se penche sur le gros violeur et palpe sa jugulaire.

— Non, rassurez-vous, fais-je : il n’est pas mort et je le regrette.

L’homme en blanc retrouve enfin son sourire, mais celui-ci, loin d’éclairer sa physionomie couleur de bronze, l’assombrit.

— Je n’ai pas votre don pour fabriquer des cadavres, ajouté-je. Avez-vous pensé un instant que je serais dupe et prendrais votre couple de la rizière pour le vrai ?

Son gros cerbère continue de me tenir son feu sur le bide, juste dans le creux de mon estomac délicat.

Faut être un branque pour penser neutraliser un émérite de mon gabarit de cette façon puérile. Il est temps de le lui démontrer. Quand j’étais chiare, j’essayais d’attraper les mouches, comme le font tous les mômes. Au début, ça foirait parce que je plaçais la paume de ma main sur la table où elles se trouvaient et j’avais le bonjour. Et puis j’ai pigé que pour capturer ces noirs diptères, je devais soulever la main afin de compenser leur rapidité.

Dans le cas présent, c’est du kif comme principe ; ainsi ma paluche captatrice de flingue part-elle en même temps que ma rotule dans ses bourses.

C’est la simultanéité qui assure le succès. Couic ! Avant que le gros eunuque ne grimace, j’ai son arquebuse bien en pogne. Il a droit à un coup de crosse au temporal qui le couche. Une lame brille. Je volte et défouraille sur le mec en blanc qui prétendait s’offrir ma glotte.

Il morfle dans le poitrail et paraît sidéré.

— Tu veux que je te dise, Chevalier Ajax ? Tu as enfin ce que tu mérites.

Voilà ce que je lui déclare sans animosité, mais avec âme.

Son regard cloaque, vitreuse. Il se meurt dedans, ce grand con ; ne tombe qu’après. Mais bien, et pour le compte !

Instantanément, en le regardant, je pense :

« Toi aussi, Antoine, tu es un homme mort ! »

Dans un pays où l’on tue très facilement les gens qui ne t’ont rien fait, qu’en est-il de ceux qui butent les caïds du Milieu ?

Le petit gondolier glaglate. La scène est presque burlesque. Le gros baiseur (hollandais, je suppose, ou chleuh, enfin plutôt du nord) gît sous son tas de couilles tuméfiées, toujours groggy. Le cerbère qui a morflé aussi dans ses parties domaniales fait de même. L’homme en blanc va bientôt entreprendre sa rigidité cadavérique, quant au pauvre petit garçon, cause innocente de cette hécatombe, il continue de regarder dans le vague en battant le divan de ses petits talons.

Je tire le rideau de la porte.

— Viens avec moi et sois sage ! fais-je au corsaire de baraque foraine.

Et tu sais sa réaction ?

— Où ça ? me demande-t-il.

— Si seulement tu pouvais me le dire, réponds-je en refermant la porte privée de loquet.

VIVRE EST UNE HABITUDE

Il y a des instants, comme celui-ci, où je regrette de ne pas avoir acheté une quincaillerie, bien placée, en face du port. M’man tiendrait la caisse, j’aurais un commis un peu pionard et je baiserais la pharmacienne dans son officine après nos fermetures. Peut-être serais-je marié et aurais-je deux ou trois chiares pour assurer mes inquiétudes et mes chagrins ?

Tandis que vois-moi à cette heure nauséabonde, en passe d’être traqué à mort par la pègre et la police d’un pays pas comme les autres. La joie, hein ?

Nous retraversons la salle d’attente où des dépravés internationaux patientent pour avoir le triste bonheur d’enfiler un petit être résigné qui fait des passes au lieu de se rendre en classe.

J’opère un lent travelling devant ces mâles indignes en essayant de leur transmettre mon indicible mépris.

Nous retournons au bateau, comme si de rien n’était. Je gamberge aussi vite que tourne la lame d’une tronçonneuse. Que faire ? Où aller ? Dès que j’aurai quitté ce garçon au bandeau rouge, il parlera. Retourner à ma chignole ? Inutile. Le temps de la récupérer, l’alerte va être donnée.

La barcasse tangue sous mon poids. Le gazier lance son vieux Johnson-casserole et ça pétarade en fumant noirâtre.

— Non ! m’écrié-je, comme il s’apprête à barrer à gauche pour prendre le chemin du retour.

Ce n’est pas moi qui viens de lancer ça, mais mon petit lutin intérieur. Un bout de temps que je te parle plus de lui. Pourtant il est toujours là, à me servir de subconscient, le gentil bougre. De gardien de but. Parfois, quand je me trouve en cruelle expectative, il prend la décision pour moi.

— Où ? riposte mon placide batelier.

Je lui désigne la direction opposée.

Pas contrariant, il rectifie la trajectoire et s’engage sur le canal, à travers les bambous et les plantes aquatiques.

Des oiseaux au vol pâteux fuient à notre approche. Certains sont nacrés, d’autres jaunes, il y en a qui ont des aigrettes, comme sur les tapisseries chinoises.

Visiblement, ce cours d’eau artificiel s’éloigne de Bangkok. Le garçon pilote en ayant l’air de penser à autre chose ou, plus exactement, à rien.

— Ote ton bandeau rouge ! lui enjoins-je.

Il l’arrache de sa chevelure et le jette au fond de la barque.

— Maintenant, enlève ta veste.