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Laura revient en essorant ses moustaches australes. Toute joyce de la belle troussée réconfortante.

— Des mois que je ne me suis pas envoyée en l’air comme ça, m’assure-t-elle en m’offrant ses vraies lèvres pour le baiser au vainqueur.

Tout en dégustant sa menteuse, je réfléchis, car le soleil brille toujours sur mes méninges, comme sur les Etats de Charles Quint, autrefois.

— Chérie, dans votre tournée des hôtels, avez-vous appelé le vôtre ?

Elle reprend sa menteuse vivement pour déclarer :

— Il fallait ?

— C’est un hôtel de Phuket, non ?

— Bien sûr, quelle linotte !

Et illico de sonner la réception pour placer son compliment au préposé.

Eblouissement total ! Féerie thaïe ! Feu d’artifice. Au bout de trois minutes, l’employé répond par l’affirmative.

En effet, M. et Mme Trembleur ont passé quatre jours et cinq nuits dans l’établissement. Ils venaient de Bangkok à bord d’une limousine de louage avec chauffeur et sont repartis par avion pour Kuala Lumpur.

Il est même en mesure de préciser qu’ils ont fait retenir une chambre à l’hôtel Nasi Briani. En apprenant cela, ma joie éclate comme un pétard du 14 Juillet et, pour témoigner ma gratitude à mon hôtesse, je lui fais minette, ce qui n’a rien de désobligeant.

Une paire de cuisses en guise d’écouteurs atténue ta perception auditive, c’est pourquoi je n’entends pas s’ouvrir la porte de l’appartement, si bien que je suis confus de découvrir le duc en sueur, s’épongeant le torse avec un linge-éponge sans perdre une miette de ma prestation.

— Very well ! me lance-t-il joyeusement, voilà du joli travail, my dear. J’adorais cette pratique avant mon asthme, mais il en résultait des crises d’étouffement fort pénibles car les poils pubiens me provoquent de l’allergie. Le grand âge est une plaie hélas inguérissable. Désormais, je dois me contenter de faire l’amour à ma jeune épouse avec les doigts. L’homme trouve toujours une forme de compensation à ses misères.

L’éminent noble nous laisse pour aller prendre une douche réparatrice. Au passage, il se permet une privauté avec Laura en promenant sa main décharnée dans ses plis intimes pour, ensuite, lui adresser de fougueux baisers de celle-ci.

— Exquis bonhomme, assuré-je à la dussèche humide.

— Un amour ! amplifie-t-elle.

Elle soupire, heureuse :

— Vous m’avez comblée !

— C’est extrêmement réciproque, ma chérie. Vous appartenez à cette sublime espèce de femmes dont la vue m’excite et la peau m’embrase. Vous avez la faculté de rendre mes performances sexuelles inépuisables. Maintenant, puisque, décidément, vous n’êtes pas seulement ma maîtresse, mais, de surcroît ma collaboratrice, accepteriez-vous de téléphoner à l’hôtel Nasi Briani de Kuala Lumpur afin de savoir quid du couple Trembleur ?

— Avec plaisir. Vous pouvez tout me demander.

— Vous m’avez déjà tout donné, je n’attends plus de vous que le superflu.

Pendant qu’elle accède à ma requête, comme on dit puis à Bourgoin-Jallieu, à Four, à Saint-Chef-en-Dauphiné et même jusqu’à La Tour-du-Pin, crois-je savoir, je mate le parking où la tire décapotable des deux infortunées Danoises est sagement remisée. Il me pousse alors une remémorance dont j’entends tirer profit.

Attends un peu, ça va viendre.

Le clic ! du téléphone raccroché, Laura m’apprend qu’après quarante-huit heures de séjour à l’hôtel Nasi Briani, la frangine d’Annie Versère et son tringleur ont disparu sans laisser de trace. Ils n’ont pas payé leur note et ont abandonné leurs bagages, vêtement, bijoux et passeports. La direction du palace a alerté la police malaise, mais cela n’a donné aucun résultat. Ce qui revient à dire que mon inquiétude à propos de ces deux touristes français s’est seulement transférée de Thaïlande en Malaisie.

Drôle de micmac, indeed !

— Vous avez tout de même progressé dans vos recherches, me fait valoir l’exquise Laura.

Elle caresse mon entresol trois-pièces.

— Je sens que vous avez encore des choses à me réclamer, mon beau San-Antonio.

— En effet, et je pense que ce sera la dernière, obligeante amie.

Je l’entraîne vers la fenêtre et lui désigne le parking.

— Apercevez-vous cette voiture décapotable blanche, à l’ombre de la haie de bambous ?

— Eh bien ?

— Dans le dossier du siège passager, se trouve une poche à soufflet ; dans cette poche il y a un pistolet. Prendriez-vous le risque d’aller le récupérer ?

— Il est à vous ?

— Il appartenait à un vilain bonhomme qui entendait me trucider et je m’en suis emparé. J’en possédais un autre, mais il est resté dans la chambre des deux filles. Or, par les temps qui courent, être armé constitue une sécurité.

Elle ne dit rien mais prend son sac de plage et quitte la suite.

Que de chance ai-je dans mon infortune ! Comme il est bon de trouver des êtres secourables lorsque l’adversité vous cerne. Cette petite Laura et son vieux duc moisi me réchauffent le cœur. Ils m’accordent si spontanément le couvert et le gîte que j’en suis ému plein partout.

Je suis du regard le déplacement de Laura à l’extérieur. Elle marche en direction du parking, son sac à l’épaule, avec nonchalance ; feint d’admirer la voiture, se penche dessus. Comme elle se tient de dos, ses gestes m’échappent, mais je devine leur prestesse. Le sac, d’une épaulée, passe devant elle. Et hop ! l’arme est engourdie.

Laura se met à admirer une Bentley, proche du cabriolet ; puis une Mercedes 600 identique à la mienne. La reverrai-je un jour, ma somptueuse tire acier métallisé, aux coussins de cuir noir ? Si je suis buté en cours d’opération, ma Félicie la revendra plus tard, et comme elle n’est pas douée pour les affaires, se fera empailler de première. Mais qu’importe les objets qui nous survivent ? Ils dérivent au fil du temps, comme des arbres arrachés par une crue dérivent au fil du courant.

Ne nous attachons pas aux choses matérielles. Elles ne constituent que des hochets dont elles possèdent la précarité.

* * *

Elle dépose fièrement le feu sur la table. Pour elle, il s’agit d’un trophée. Elle a eu peur d’effectuer ce larcin car elle est pâle sous son hâle et ses mains tremblent un peu.

Je retire le chargeur. Il contient quatre bastos. Pas de quoi attaquer la diligence d’Oklahoma City ! Enfin, c’est toujours ça !

Le duc réapparaît, superbissime dans une espèce de kimono dragonnesque. Les veines bleues qui escaladent ses vieilles jambes dans un mouvement hélicoïdal, ressemblent aux minces troncs de lierre qui dégradent une maison. Ce vieux gus est intemporel et risque d’être enterré par inadvertance, un jour qu’il fera une sieste trop prolongée.

Il se sert un doigt de son pur-malt-trente-ans-d’âge, m’en propose. Je refuse, alléguant que je dois rester sobre pour jouir pleinement de mes facultés en cas de coup dur. J’ajoute que je ne veux pas abuser de leur hospitalité et que demain, peut-être cette nuit, je partirai.

— Très dangereux ! objecte le bonhomme.

— Certes, mais je ne vais pas m’incruster dans vos vacances ; et puis l’immobilisme n’a jamais fait progresser une enquête.

— Où comptez-vous vous rendre, my dear ?