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C’est le gros lard rance, avec ses paupières dilatées, sa bouche en guidon de course, sa verrue gerbante et ses gants blancs dont les doigts ressemblent à des pattes de crabe en agonie.

— Yes ? je lui rétorque familièrement.

— Il se pourrait que j’aie une idée.

— Et moi, cinq billets de cent dollars, réponds-je.

J’ajoute, pas fou, le bourdon :

— Dans le cas où l’idée en question serait bonne, naturellement.

On est là, face à face, souriant comme deux adolescents qui se retrouvent chez une dame pute pour se faire briquer le pompon. Et puis le gros sac à riz est obligé d’aller accueillir des touristes japonais qui n’en finissent pas de rassembler leur matériel photographique.

Pendant que le portier s’active, je retourne voir ma standardiste. Elle a déjà préparé la liste demandée, cette exquise. Ils sont actifs, ces Jaunes ! Heureusement qu’ils ont des toutes petites bites, car ils nous le mettront dans le cul de plus en plus souvent, te préviens.

Elle m’explique que trois de ces numéros sont ceux de restaurants réputés et que le quatrième appartient à une agence de location de voitures. Concernant celui de Paris, il s’agit de celui des Editions du Perron.

— A quelle heure terminez-vous votre service ? lui gazouillé-je.

— Dans une heure.

— Venez jusqu’à ma chambre, je vous témoignerai ma reconnaissance pour votre précieuse collaboration.

Je la plante (grimpante) sans attendre une confirmation qui, peut-être, la gênerait, devant ses collègues.

A l’ombre odorante d’une cabine téléphonique, je prépare les 500 laxatifs du portier ; je consens volontiers cette avance à notre mission en attendant les « fonds ultra-secrets » dont m’a parlé Pépère. J’espère qu’il ne délire pas, le Dabe.

Le gros, il commençait à se fendiller du caberluche, croyant que j’avais fui devant mon engagement. Me voyant resurgir, il m’accorde un sourire dans lequel tu pourrais faire entrer Paris-Match sans avoir besoin de le plier en deux.

— L’auto des gens en question appartient à une agence, me dit-il.

— Oui, très bien…

Comme il rechigne pour en cracher davantage, j’élève jusqu’à son absence d’yeux mon poing d’où dépassent les biftons magiques.

Ça lui en remet pour un tour.

— Klong Rent-a-Car Agency, débite-t-il.

Je répète à l’intérieur de mon cerveau aussi vaste que le Grand Palais « Klong Rent-a-Car Agency ». Voilà qui est mémorisé à vie ! Quel phénomène, ce Sana !

J’ouvre mon poing-porte-monnaie, sélectionne trois biftons dont il s’empare comme s’il s’agissait d’un contrepoison pouvant le sauver d’une mort en cours et s’étonne de me voir garder le reste. Une sauvage réprobation se lit sur sa grosse motte de beurre rance à cheveux plats.

— Le solde après le chapitre chauffeur, déclaré-je. Dans un hôtel aussi fabuleux que celui-ci, le portier connaît tout ce qui travaille pour le tourisme. Alors, le nom du driver en question et vous pourrez emmener toute votre famille voir le prochain match de boxe thaïe.

Il regarde la pointe de ses pompes briquées à mort.

— Ne s’appellerait-il pas Sim ? demande-t-il.

— Il me semble, en effet, admets-je. J’ai en France un ami du même nom et qui doit avoir des origines thaïes, si j’en crois sa tête.

Il ponctionne le reliquat de sa pension ; la langue d’un caméléon gobeur de mouches n’est pas plus prompte.

Je le laisse d’un cœur léger parce que, tu sais quoi ? J’ai la preuve qu’il ne m’a pas bourré la coquille. Le nom de l’agence de location est celui que la petite standardiste m’a donné comme figurant parmi les appels téléphoniques de l’éditeur.

Joli, non ?

ÇA BICHE

Un mot glissé sous ma porte.

Le Vieux :

L’on vient de m’indiquer une officine, près de l’hôtel, où l’on vend des aphrodisiaques aux effets assurés. Je serai de retour d’ici une heure. A. H.

Pauvre cher homme ! Ça doit être abominable de courir après sa virilité. Ce merveilleux perchoir tendu aux petites pattes du désir (comme dit la dussèche Anne de Grande et Petite Bretagne) se met à pendre, et tout est dépeuplé. Tu n’es plus qu’un préservatif oblitéré, jeté après usage dans les gogues d’un cinéma spécialisé dans les films pornos. Ah ! si Confucius pouvait lui faire dénicher un élixir de longue verge, à Achille, un onguent sous-tendeur, un baume redresseur de torve, une potion ranimeuse : couilles de crapauds séchées, décoction de serpent, poudre de cantharide, n’importe, seules comptent les vertus de ces éléments dépravateurs (si l’on peut parler ainsi[6]).

Je branche la télé. Des danses folklos. Je referme aussi sec ! Vais voir au bar de la chambre. Me prépare un jus de pompe-le-mousse au rhum blanc (moitié, moitié), histoire de me colorier l’intérieur. J’aurais fait un bon barman, biscotte mon esprit d’initiative. Et puis j’aime les mélanges. Ils télescopent la vie.

Le décalage horaire se manifestant, je cloche. Mais la recette, pour surmonter rapidement ce handicap, c’est de t’aligner illico sur l’heure du bled où tu viens de débarquer, en tirant un bras d’honneur à la fatigue et au sommeil. N’empêche que j’en concasse bel et bien quand on sonne à la grille du parc. Réveil cardiaque. Adrénaline. Sens des réalités. Mémoire. L’heure ! C’est la standardiste probablement. Et oui, c’est bien elle. Elle a troqué sa tenue occidentale contre une robe fuseau moulante, fendue des deux côtés. Je me gourais en te disant, quelques déconnages plus avant, qu’elle possédait la taille d’un démonte-pneu. Avec ce nouveau vêtement, tu dirais un tournevis ; et pas un destiné à visser les roues de locomotive !

Une fille mince comme ça, si tu l’emmanches, elle a tout de suite l’air d’être enceinte de huit mois. Et pourtant, comme elle est tentante ! Si gracile ! Mon Dieu, merci de nous soumettre à la tentation ! Ce qu’on se ferait chier, sinon ! Moi, dans le Notre Père, j’ai carrément sauté la supplique : « Ne nous soumets pas à la tentation ». Oh ! que si : soumets-nous, Seigneur en qui je crois. Soumets-moi bien, car qui ne désire pas ardemment est impropre à la baise. Une femme, il faut l’avoir enfilée cent fois par la pensée avant de la prendre pour de bon et de la bien prendre. Alors pas d’hypocrisie, je t’en prie, mon frère ! Soumets ! Soumets, Dieu tout-puissant, afin que çà craque dans notre bénouze comme une cargaison mal arrimée dans la cale d’une goélette !

Son arrivée au creux de ma somnolence me plonge dans une timidité que je croyais depuis lurette avoir surmontée.

— Asseyez-vous. Puis-je vous proposer quelque chose à boire ?

— Non, merci, nous n’avons pas le droit de consommer avec la clientèle.

Ben voyons ! comme on dit dans les mauvais films au dialogue faiblard. C’est la réplique bateau par excellence, elle répond à toutes les nécessités, dans toutes les circonstances. Exemple :

« — Vous savez que je peux vous faire éclater la tête ? »

« — Ben voyons ! »

ou encore :

« — Tu as l’air de moins m’aimer, depuis quelque temps ? »

« — Ben voyons !

Des chiées commako, à l’infini. Deux mots bouche-trous. Je te jure qu’ils me font chier !

« — Ben voyons ! » me répondras-tu.

On tourne Devos.

Rends-toi à l’évidence, Antoine (c’est à deux pas d’ici). Cette fleur de bambou est venue me voir uniquement pour palper sa récompense.

Bon : cent pions, qu’est-ce qu’on risque, c’est la France avec tous ses cons et ses tribuables qui paie.

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6

Et moi j’y arrive d’une seule main !