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— En ce cas, ce sera deux bouteilles et trois verres, mon amour !

Là, elle rit. Son coquin tablier blanc, minuscule et endentelé, à la poche dilatée par l’un de ces énormes portefeuilles noirs dont usent les serveurs de café, en Suisse, s’agite sur son ventre dodu. Je lui donne une légère caresse à la tempe et lui propose un clin d’œil. Elle est aux anges et fait « aggrr aggre » du gosier pour roucouler son contentement.

Moi, fissa, je grimpe dans les chambres.

Comme un bonheur n’arrive jamais seul, Bérurier se trouve en compagnie de la tenancière qu’il a si vite et bien séduite. Il l’a invitée à s’accouder au montant du lit et l’a dépiautée de sa jupaille en remontant icelle au-dessus de la magnifique croupe poulinière qu’elle masquait. La dame, toujours très docile, a mis ses jambes en « V » à la renverse. Le Gravos lui masse les grandes Jorasses en débitant des mots d’amour :

— Bon Gu de merde, tout’ la journée j’ai pensé à ton cul, ma vache. Dieu d’ Dieu, ça d’v’nait un’ zobcession ! Dans ma tête, y avait tes miches, tes miches, et encore tes miches et pointe à la ligne ! Visez-moi c’prose, tonnerre d’andouille ! Salut, Mec, t’es d’r’tour ? J’ai du nouveau pour ta pomme. Mais vingt Gu de chaussette, faut d’abord qu’j’me temporise l’énerv’ment. C’te mère m’porte à l’épi du derme, mon pote ! J’m’en ressens si tell’ment pour elle que j’triquais d’y penser ! Qu’j’devais positiv’ment marcher t’au pas d’l’oie, s’y faut tout t’dire. C’te fois, ma pétasse, on f’ra sans Félisque, j’te promets. Bouge plus qu’je t’tâtasse du goupillon. Attends qu’y l’émerge de sa tanière, le Totor. L’est à c’point branché su’ la force qu’pour m’l’estrapoler, pardon : faudrait presque des démonte-pneus. Oh ! Tout beau l’ami, viens un peu prend’ l’air, ça t’donnera des couleurs ! T’vas pas cantonner dans c’bénouze, gaillard tel qu’t’v’là, merde ! Douc’ment ! C’qu’il fougue, l’animal ! T’es bien, la mère ? T’ankyloses ? Impatiente-toi pas, j’veux pas m’l’abîmer par trop d’précipitance. Une fois j’y suis été en force et j’m’ai esquinté la jugulaire. Lààààà… V’là la bête ! Qu’est-ce j’voulais t’dire, Tonio ? Ah ! m’oui… Konopoulos… J’y ai monté tout un vanne à propos d’c’te valoche. Qu’j’la t’nais à sa dispose moilliennant vingt mille balles suisses. Attends qu’j’insinue madame… Tu s’rais gentille si tu t’pencherais un peu plus davantage en avant, Mémère. Là, commak ! Stop ! Y a pas plus cogérante qu’c’te signorita. L’temps qu’j’vais reconnaît’ le parcours d’la main ! Note qu’son centre d’accueil a pas l’gabarit cabine téléphonique. Hier, la jolie Médème s’est ramassé l’chinois à Félisque sans app’ler sa mère, pas vrai, Prof ? Malgré sa matraque d’malandrin, il t’m’l’a incombée comme y s’rait passé sous la Porte Saint-D’nis, ça c’est vrai, ça, hein, Félisque ? Pour la combler, c’te douceur, faudrait des bottes de paille et un’ fourche, ou alors des sacs d’sab’. Ouf ! M’y v’là. D’puis le temps qu’j’attendais ça, ma Vache. C’est un peu comm’ si j’rentrais chez moi et qu’j’enfil’rais des pantoufles au lieu d’ton baigneur. Maint’nant tu peux r’muer si le cul t’en chante. Mais c’est pas ton fort, ta pomme, l’exercice, hein ? Ça n’fait rien, j’t’vas débuter peinardos. La p’tite séance d’dressage savant. Dans l’sens des aiguilles d’un’ breloque. Il est minuit, Maâme Chouettezair ! Ça t’évoque rien dans l’frifri, c’te manceuv’, ma Loute ? Si au moinss tu causerais un brin, just’ pour dire qu’a d’la joyce et qu’t’aimes mieux ça qu’être au dentisse. Parle en chleu, si c’est ton patois maternel, ma Gosse, mais articule, merde ! J’sus là à limer comme si j’voudrais agrandir la bonde d’une barrique ! Même si ça n’fait qu’d’te démanger, dis-y ! Montr’-nous qu’tu participes, bougu’ d’charognasse ! J’croye qu’c’est c’qui m’excite chez toi, Gredine : ta manière d’rester sans réac’. Ell’ est inertique, c’te Morue. Et pourtant, faut croire qu’ça n’y déplaît pas foncièr’ment puisqu’é me saute au paf sitôt qu’é m’voye ! Alors pour t’en rev’nir, Gars, ton Grec m’a donné rendez-vous et j’sus été lu porter la valtoque. Y m’a aligné vingt grands talbins violets après qu’il va aller mater l’intérieur de la valise. Y voulait bien sûr savoir qui qu’j’étais et d’où je t’nais la chose. J’y a rétroqué : « M’sieur Kono, j’sus un homme qu’avait b’soin de vingt tickets et qui sait écouter les converses téléphoniques à travers une cloison en posant un verre vide contre et en appliquant ma meilleure oreille cont’ le verre. Bon, v’s’avez la valise, moi l’fric. On s’connaît plus. Si slave n’vous conviendrait pas, dites-me-le.

« Il a s’hoché la tête.

« Non, non, c’est très bien.

« Qu’ensute j’sus reparti. J’avais emprunté l’vélo à Ninette, la p’tite serveuse pour aller jusque z’à la propriété du Gus. Mais tu penses que c’te bourrique m’a fait filocher en 2 CV par un d’ses péones. M’a pas fallu cinq cents mètres pour m’en aperc’voir. Alors moi, profitant d’un virage d’la route, je stoppe et me planque. La chignole arrive à mon hauteur… »

Le Mahousse se tait.

— Ah ! enfin, la v’là qui remue un peu son semi-remorque. Ça y est, tu pars, Poulette ? Les z’émois qui t’viennent ? Quoi ? Tu tousses seul’ment ? Ah ! j’avais cru. J’espérais… Ben tousse tout ton soûl, tousse à mort, ça crée l’illuse, ’spèce de fagot ! Pour qu’j’vais prend’ mon fade, faudrait qu’elle biche la coqueluche ! C’te Baronne, tel qu’vous voiliez, mes bonzes amis, j’sus capab’ d’lu sermonner le frifri jusqu’à vital-éternel, comme on dit en latin. J’la brosse comme fonctionne l’balancier d’un horloge. Ça d’vient machinal, c’te troncherie. Y a du plaisir, mais pas d’passion. Dites : on a frappé, non ? Entrez ! Ah ! c’est la chamelelière qu’apporte d’quoi se faire du muscle. Ecarquille pas tes chasses commak, fillette, c’est la nature qui cause en c’moment. Quand é réclame, faut répond’ présent, qu’autr’ment sinon tu d’viens un refoulé av’c un escarguinche en guise de chibre. Si t’es intéressée par les produits d’la ferme, passe ta commande, Mignonne, y en a pour tout l’monde.

« J’te conseille pas mon ami Félisque, parce que t’as beau être déberlinguée, si j’en croye ton regard polisson, tu dois pas encore avoir le trésor en forme d’lessiveuse, et cézigue, son corps du délit, pardon baronne ! C’est comme si tu prendrais un tabouret à traire pour t’en confectionner un Tampax. Mon pote l’Antonio, y n’a pas l’cœur à ça pour l’instant, mais si tu veux reviendre dans ma chambrette au p’tit matin, j’t’apprendrai des trucs qu’ont pas parvenu encore en Suisserie : la languette de Modane, le pouce à mod’ler, l’parcours du combattant viet, l’enfile indienne, le biberon géant, le tracteur suédois, le cador en folie, le veau glouton, lève-patoune, la giclée grand siècle, l’omelette baveuse, l’chant du guépard, la tortue magique, le gendarme qui déambule, les deux sœurs de Pâques, Madame semeuse, la Marseillaise vorace, le trou des Halles, la bagouze meurtrie, le rond du bey dur à dada et la pointe du baron.

« Sana, t’s’rais aimab’ d’me verser un godet de picrate, que j’réintégre des calories. Tu veux écluser un petit verre, ma tourterelle ? L’coup du milieu ? Non ! C’est vrai que ta pomme, pour c’qu’tu fatigues… Où qu’j’en étais, Tonio ? Oh, oui… Après l’virage… Je largue la bécane à Mam’zelle ici présente, mais sans la brusquer, rassure-toi, Ninette. Elle est là, c’te gosse, fascinée. Ça t’dirait d’me palper les clochettes du temps qu’j’embroque ta patronne ? Juste m’les agacer, pour qu’on mutine ? A veulent pas t’morde, t’sais. C’est du bronze, les claouis à Bérurier. Tu peux vérifier, mon ange. Donc, l’vélo posé, j’m’plante au mitan du ch’min. La 2 CV se pointe ; j’lu fais signe de stopper, é stoppe. Au volant, y avait un grand gus, pas mal malgré son air vachard, fringué d’une combinaison kaki.