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— Miguel Luca?

— Disparu lui aussi. C’était à prévoir.

— Vous croyez qu’il n’y a aucun espoir?

— Oui.

En raccrochant, Kovask se demanda si une table d’écoute pouvait surveiller les communications de la villa. Il aurait fallu une collusion entre le réseau allemand et la police espagnole. Ce n’était pas impossible, par l’intermédiaire de la Phalange. De toute façon, il ne pouvait quitter la villa et avait eu besoin de ces renseignements. L’avenir dirait s’il avait été imprudent.

On frappa à la porte et il s’écarta du champ de vision du trou de serrure.

— Ouvrez, c’est moi, dit la voix de dona Isabel.

— Excusez-moi, dit-elle en entrant, mais j’ai oublié de faire fonctionner l’inverseur. Tout le monde est parti.

Elle passa une main fatiguée sur son front.

— Ce n’est pas sans mal. Tous ces gens sont épuisants.

— Que feriez-vous si vous étiez seule?

— J’irais m’allonger un moment.

Il sourit :

— Allez-y. Vous récupérerez.

— Je comptais vous offrir à déjeuner.

— Ne vous faites pas de souci.

— Venez à la cuisine. Il y a tout ce qu’il faut dans le réfrigérateur.

Elle lui offrit un whisky, en prit un également additionné d’eau.

— Personne ne sait que je suis resté ici?

— Non. Ce serait un scandale. Comme je ne compte pas rester à Séville peu m’importe. La vieille femme d’hier m’a bien posé quelques questions. C’est une curieuse.

Elle but avec une sorte d’avidité, remplit à nouveau les verres.

— Vous croyez que la maison est surveillée?

— Certainement.

— Ils savent que vous êtes là dans ce cas.

— Peut-être pas. Des dizaines de personnes se sont succédé ici ce matin. Même un œil exercé ne peut toutes les observer.

Elle posa son verre.

— Je peux aller me reposer?

— Allez-y.

Sans appétit il grignota quelques olives, un bout de fromage. Il passa dans le hall, jeta un coup d’œil par le trou du microviseur à champ de vision intégral. Il découvrait tout le parc et la grille. L’avenue était déserte et blême de chaleur.

La sonnerie du téléphone retentit une demi-heure plus tard. Il se raidit, perplexe. Isabel sortit de sa chambre, un peignoir sur le corps. Elle avait certainement pris une douche car sa peau était plus fraîche.

— Je réponds?

— Bien sûr.

Il décrocha l’écouteur. Une voix d’homme parla :

— Passez-moi le señor Kovask, de la part de Duke Martel.

Il se sentit devenir livide. En même temps, il secoua énergiquement la tête.

— Je regrette, señor, mais le señor Kovask n’est pas ici.

Un court silence, puis la voix reprit :

— Vous savez où il se trouve?

— Absolument pas.

Kovask lui fit signe de raccrocher. Isabel le regarda, très pâle elle aussi.

— C’était un piège?

— Oui. Un peu grossier, peut-être, mais il aurait pu fonctionner.

— Ils connaissent Duke Martel? Votre nom aussi?

Une courte fureur le rendit muet pendant quelques secondes. Il se reprit.

— Ils sont très forts.

— Que va-t-il arriver?

— Je ne sais pas. Nous avons évité le pire, dit-il. Si je n’avais pas décroché l’écouteur, vous auriez été tenté de m’appeler. Du moins vous auriez hésité.

— Ils vont venir?

— Oui. Retournez vous reposer.

Elle secoua la tête.

— Non. J’ai peur.

CHAPITRE VI

Le soir tombait. L’après-midi avait été sinistre. À cause de cette chaleur infernale et de la lumière cruelle. Isabel, épuisée, sommeillait dans un fauteuil du hall. Kovask la regardait, les nerfs à fleur de peau. Il consulta sa montre alors qu’une pendulette en face de lui indiquait sept heures. Enfermé depuis le matin, avec l’impression de perdre son temps, de tout compromettre, il n’en pouvait plus mais réussissait encore à le cacher.

Une seule visite. La voisine fouineuse. Elle se doutait certainement de quelque chose. Isabel l’avait presque flanquée dehors.

Brusquement, elle se leva et revint avec deux verres de whisky.

— Vous buvez trop, dit-il.

— Je n’ai pas peur de mourir, dit-elle. C’est cette attente. Pourquoi attendent-ils?

— C’est moi qu’ils veulent pousser à bout. Ils ne sont pas certains que je sois là. Ils attendront jusqu’à la nuit.

— S’ils avaient la certitude que vous n’êtes pas là, croyez-vous qu’ils n’attendraient plus?

— Oui.

— Très bien, dit-elle. Je vais m’habiller et sortir.

Il fronça les sourcils.

— Je ne comprends pas.

— Je vais demander un taxi par téléphone et me rendre à votre hôtel. Là-bas, on m’apprendra que vous n’avez pas reparu depuis le matin. Je reviendrai ici. Après avoir été certainement suivie.

Il fit quelques pas en fumant une cigarette.

— Ils ne vont quand même pas me tirer dessus en pleine rue?

— Imaginez qu’ils aient une table d’écoute et que le taxi soit conduit par un de leurs hommes?

— Pedro en connaissait un qui stationne toujours en face d’un café où il allait souvent. Je peux appeler celui-là.

Kovask réfléchissait.

— Pour plus de vraisemblance, il faudra que vous attendiez un peu dans le hall de l’hôtel.

— Très bien.

Elle téléphona, et par chance le chauffeur était libre. Il s’annonça pour dix minutes plus tard. Isabel alla se changer et quand l’homme sonna à la porte elle était prête. Kovask suivit son départ. Aucune voiture ne les accompagna. Ils devaient être plus loin.

Pendant son absence il chercha une cachette facile d’accès, et d’où il pourrait surveiller l’entrée. Au fond du couloir il y avait un placard, mais la porte en était fermée à clé. Au dessus un espace plus petit, ouvert celui-là, contenait un vieil aspirateur et des cartons à chapeaux. Les empilant il se ménagea un espace.

La jeune femme revint au bout de trois quarts d’heure. Elle était moins nerveuse qu’au départ.

— J’ai été suivie, dit-elle. Une Dauphine noire. Aller et retour.

— Vous êtes-vous retournée?

— Non. J’avais une glace dans mon sac.

Il y avait encore pour une demi-heure de jour.

— Si vous étiez seule, que feriez-vous?

— J’irais dans son bureau.

— Allez-y.

Il lui montra la cachette.

— Je serai là.

— Si on sonne?

— Allez ouvrir normalement. Vous ne risquez pratiquement rien. Ils ne chercheront pas à vous assassiner froidement, mais voudront maquiller le crime en suicide.

Isabel frissonna. Il monta dans le réduit, s’installa le plus confortablement possible. Quand la sonnerie retentit, il sortit le petit 6,35 qu’il portait toujours sur lui.

Il comprit ensuite son erreur en entendant Isabel répondre au téléphone.

— Maintenant? S’étonnait-elle. Bien, si vous voulez.

Kovask avait entrouvert son réduit. Elle raccrocha et vint à lui.

— José Cambo me téléphonait.

Elle était pâle et tremblait un peu.

— Vous croyez que c’est lui? Il me dit qu’il a quelque chose de grave à m’annoncer.

— Il faut faire comme si c’était lui, dit Kovask.

Elle s’appuya contre le mur.

— Je ne peux pas. Je vais m’effondrer devant lui ou me mettre à hurler.