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— Dommage en effet. Alors?

Kovask conduisait, le visage fermé. Il laissa tomber :

— Laissez-moi voir la disposition des lieux.

— Vous n’avez pas pensé une seconde à vous incliner devant les prétentions de Cramer?

La voix de Brandt était grave et Kovask fut frappé du sérieux de cette demande.

— Votre opinion personnelle serait favorable à cette solution.

Le commander ne répondit pas tout de suite, comme s’il regrettait de faire part de son désaccord.

— C’est une solution prudente. Même si Cramer reste muet à ce sujet, nous retrouverons bien les principaux membres du réseau européen qui met nos bases au pillage.

— Ce sera long, fit Kovask d’un ton neutre.

— Bon sang, Kovask. Si jamais ça pète là-bas? Il faudra évacuer Séville, toute la région.

Il ralentit quand les phares éclairèrent les murs de la propriété.

— Ils n’ont pas refermé le portail.

Celui-ci béait sur l’intérieur de la propriété. Kovask appuya sur l’accélérateur.

— Cramer a parlé de deux hommes seulement. Je suppose que nos prédécesseurs les ont réduits à l’impuissance.

L’un d’eux gisait sur le perron, le crâne fracassé. Il était mort. L’autre fut retrouvé à l’intérieur, attaché par du fil électrique sur une épaisse table de cuisine. Kovask nota le procédé.

Encadré par les deux agents de L’O.N.I., Cramer arrivait.

— Où est la fosse?

— Au sous-sol. Le commutateur est dans le coin là-bas.

Seuls Kovask et Brandt descendirent. Le sous-sol de la bâtisse était voûté. La fosse leur apparut bientôt. En fait c’était un bloc de béton à moitié enterré dans le sol. Ils en firent silencieusement le tour. Brandt était pâle comme un linge, et Kovask pensait à l’infirme enfermé à l’intérieur, qui d’un seul geste pouvait les réduire à néant. Il passa sa main sur son visage, la retira humide de transpiration.

Il nota qu’un tuyau de cuivre amenait de l’eau jusqu’à la fosse, et que le fil du téléphone pénétrait par le même endroit. Le système d’aération, un gros tuyau, devait déboucher sur le toit.

Quand ils remontèrent, Cramer les regarda avec ironie.

— Des minutes désagréables, n’est-ce pas?

— Vous allez téléphoner à Hugo que tout va bien.

L’Allemand secoua la tête.

— Non. Je veux bien lui demander de rester tranquille une heure, mais c’est tout.

Kovask haussa les épaules.

— J’ai un excellent moyen de vous forcer à obéir. Un moyen unique d’éviter toute explosion. Je vous fais enchaîner auprès du téléphone. Vous ne vous sacrifierez pas aisément.

Pour la première fois, il nota un tressaillement sur le visage lisse de Cramer. Mais la voix de celui-ci resta assurée cependant :

— Cette situation ne pourrait se prolonger éternellement.

— C’est cependant ce que je vais faire, Cramer. Inutile de vous dire que je ne capitule pas. Même si c’est de mauvaise politique de vous mettre au courant de mes intentions. Votre présence auprès du téléphone sera ma sauvegarde.

Cramer lécha ses lèvres. Kovask l’aurait cru beaucoup plus invulnérable.

— Et pendant ce temps, Cramer, je réduirai Hugo à l’impuissance.

— Vous ne pourrez pas. La porte de la fosse ne peut être manœuvrée que de l’intérieur. Attaquer le béton avec un outil quelconque l’alerterait et il nous ferait tous sauter. D’ailleurs, il faudrait des heures pour y arriver de cette façon.

Sa voix était quelque peu haletante. Kovask le regarda pendant quelques secondes, puis haussa les épaules.

— Une chose que vous pouvez me dire. Que s’est-il passé au camp secret de la Sierra Morena, et qu’est-il arrivé à Juan Vico et Miguel Luca?

— Un accident idiot ! Nous avons voulu expérimenter ces rockets. Nous pensions en tirer deux. Le premier a éclaté dans une sorte de trou de blaireau. Juan Vico y était caché. Son compagnon est mort sur le coup, lui s’est rué à l’extérieur comprenant le danger. Un gars allait tirer un deuxième rocket. En voyant cet homme hurlant sortir du rocher, il s’est affolé et a tiré en l’air. Nous n’avons eu que le temps de fuir. Le rocket est tombé sur les caisses qui en contenaient d’autres, tout montés et prêts à être utilisés. Par chance, personne ne fut atteint, sauf un camion et ce Juan Vico.

— C’est pour lui que vous aviez convoqué le professeur Enrique Hernandez?

— Oui. C’est Lagrano qui l’avait fait venir. Nous étions inquiets et voulions l’interroger. Au fait, vous avez fait disparaître Julio Lagrano.

Kovask le toisa.

— Je suppose que Juan Vico n’est pas mort des brûlures radioactives. Julio Lagrano a bien été obligé de mettre la police au courant?

— Pas la police. L’armée. C’est là qu’il avait le plus d’amis. Il a essayé de minimiser l’affaire. Le territoire a été évacué et gardé militairement.

L’Américain entraîna Brandt dans un coin.

— Combien faut-il pour vous rendre à Cadix?

— Pas tout à fait trois quarts d’heure par l’hélicoptère. Vous voulez que j’y aille?

— Oui. Pour me ramener un équipement Isherwood.

Brandt sursauta.

— Vous voulez …?

— Tout l’équipement, y compris la combinaison isolante du plongeur. Tous les tubes plastiques que vous pourrez trouver. Et, évidemment, un spécialiste de l’affaire. Le groupe électrogène si c’est nécessaire.

Le commander passa la main sur son front. Il était livide.

— C’est le seul moyen? …

— Vous savez bien que oui, coupa Kovask. Une chose m’a surpris dans la cave. L’état hygrométrique très élevé de l’air. En quelques secondes, ce sera réalisé et en pleine sécurité. Téléphonez avant de prendre l’air. Que tout soit prêt à être embarqué à votre arrivée.

Cramer regarda le commander qui s’éloignait, puis reporta ses yeux sur Kovask.

— Vous feriez mieux de téléphoner à Hugo, dit ce dernier.

Maté, Cramer s’exécuta. L’appareil se trouvait dans son bureau, caché dans la bibliothèque. S’approchant, Kovask entendit une voix rauque s’exprimant avec soulagement et en allemand. Martin Cramer lui expliqua que tout allait bien, mais qu’il lui téléphonerait dans une heure.

Quand ce fut terminé, il se laissa tomber sur un siège, le regard sombre.

— C’est de la folie, Kovask ! Cela ne peut marcher. Je ne sais ce que vous envisagez, mais Hugo, lui, n’a qu’à étendre la main et à frapper violemment la tête du rocket sur le sol en ciment. Comment pouvez-vous lutter contre cette fraction de seconde?

Kovask se tourna vers l’un des deux hommes de Brandt.

— Montez vers le bois de pins où se trouvent vos deux collègues. N’oubliez pas de siffler « Stars and Stripes ». Dites-leur qu’ils peuvent venir ici. Ils doivent s’ennuyer là-haut.

Il revint auprès de Martin Cramer.

— Je suppose qu’il est inutile que nous fouillions ce bureau. Tout ce qui a quelque intérêt doit se trouver dans un coffre, dans la fosse bétonnée?

L’Allemand ne répondit pas. Après son coup de fil à Hugo, on lui avait à nouveau entravé les mains. Il paraissait déconcerté par la succession des événements. Il s’était cru suffisamment fort pour imposer ses vues, et l’obstination de l’Américain l’épouvantait. En même temps, il était curieux de savoir s’il oserait aller jusqu’au bout.

Les deux hommes de Brandt arrivèrent et firent leur rapport.

— Vers sept heures, la débandade a été totale. Les jeunes gens sont partis en masse et les gardiens de la propriété ont disparu. Nous étions inquiets, nous demandant ce qui allait se produire. C’est alors que la camionnette est arrivée. Il y avait cinq hommes à l’intérieur. Ils sont entrés sans trouver pratiquement de résistance. Un gars s’est fait assommer sur le perron. Ils sont repartis trois quarts d’heure plus tard environ.