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Pourtant, les marins ramenèrent au bateau de nombreux spécimens intéressants, mais nul d’entre eux ne put offrir d’idée pratique lorsqu’on en vint à savoir quoi faire de ces trouvailles. Dondragmer seul fit ce qu’on pourrait appeler une promenade fructueuse. Plus imaginatif que ses camarades, il avait pensé à regarder sous les objets et avait retourné nombre de pierres. Au début, il n’était pas tout à fait à son aise, mais sa nervosité avait enfin disparu complètement. Et un véritable enthousiasme pour ce nouveau sport le possédait. Il découvrit qu’il y avait des tas de choses même sous de très lourdes pierres. Et il s’en revint au navire en portant un certain nombre d’objets dans lesquels tout le monde s’accorda pour voir des œufs. Karondrasee s’en occupa — nul n’avait peur de manger de la nourriture animale, quelle qu’elle fût — et l’opinion générale fut confirmée. C’était bien des œufs, et très bons, de plus. Ce ne fut qu’après les avoir tous mangés que l’on pensa à en faire éclore quelques-uns pour savoir à quelle sorte d’animal ils pouvaient appartenir. Et cette pensée exprimée, Dondragmer la poussa un peu plus loin en suggérant que peut-être, ainsi, ils obtiendraient un animal pouvant servir en lieu et place du ternee disparu. L’idée souleva à nouveau l’enthousiasme et des équipes partirent aussitôt en quête d’œufs. Pratiquement, le Bree était devenu un incubateur lorsque Lackland s’éveilla.

S’étant assuré que tout l’équipage du Bree était revenu à bord, il relança la chenillette et reprit le voyage vers l’est. Les collines devinrent plus hautes les jours suivants, et deux fois ils croisèrent des torrents de méthane assez étroits par bonheur pour que le traîneau puisse les franchir. Il était bon que l’élévation des collines soit graduelle, car il courait un léger malaise parmi les marins chaque fois qu’il leur fallait regarder d’un peu haut. Mais cette gêne, selon Barlennan, diminuait peu à peu.

Et c’est alors, quelque vingt jours après le début de la seconde étape de leur voyage, que leur esprit fut libéré complètement de la terreur des altitudes par quelque chose qui s’empara, pour ne plus la lâcher, de l’attention de chaque être vivant sur les deux véhicules.

7

DÉFENSE DE ROC

Jusqu’à ce moment la plupart des collines avaient présenté des pentes douces, polies, leurs irrégularités étant érodées depuis longtemps par les intempéries. Aucun signe de ce trou, de ces crevasses dont Lackland avait craint la présence avant de partir. Le sommet des collines était mollement arrondi, et même si leur vitesse avait été beaucoup plus grande, les cahots dus aux dénivellations auraient à peine été sensibles. Cette fois, cependant, alors qu’ils débouchaient à un sommet et que le paysage s’étalait à nouveau devant eux, une différence dans la colline suivante frappa d’un coup tous les regards.

Elle était plus longue que les précédentes, une chaîne barrant leur route plutôt qu’un mamelon. Mais la grande différence était à son sommet. Au lieu de la courbe tendre, usée par le vent, qu’offraient les précédentes, au premier coup d’œil elle semblait déchiquetée. Vue de plus près, elle se montrait couronnée d’une rangée de rocs espacés avec une régularité ne pouvant signifier que le produit d’une intelligence dans leur disposition. Les blocs allaient de la taille monstrueuse de la chenillette de Lackland à des fragments gros comme un ballon de basket-ball. Et tous, bruts dans le détail, étaient d’une forme généralement sphérique. Lackland, instantanément, arrêta son véhicule et saisit ses jumelles. Il était partiellement en scaphandre et ne portait pas son casque. Barlennan, oublieux de la présence de son équipage, franchit d’un bond les vingt mètres séparant le Bree de la chenillette et s’installa fermement sur le toit. Une radio avait été disposée là pour son usage longtemps auparavant, et il n’avait pas encore atterri qu’il parlait.

— Qu’est-ce que c’est, Charles ? Est-ce une ville comme celles dont vous me parliez à propos de votre monde ? Cela ne ressemble guère à vos images.

— J’espérais que vous me l’apprendriez, fut la réponse. Ce n’est certainement pas une ville, et les pierres sont trop éloignées les unes des autres pour constituer un mur ou un fort, à ma connaissance. Pouvez-vous voir si quelque chose bouge par là-haut ? Avec ces jumelles je ne peux pas, mais j’ignore jusqu’où porte votre vue.

— Je peux seulement déceler l’irrégularité du sommet. Si ces choses sont des pierres séparées, je ne peux que vous croire sur parole tant que nous ne serons pas plus près. En tout cas, je ne vois rien bouger. Quelque chose de ma taille serait invisible à cette distance, de toute façon, selon moi.

— Je vous verrais, moi, sans jumelles, mais je ne pourrais compter ni vos yeux ni vos membres. Avec les jumelles je peux dire en toute certitude que le haut de la colline est désert. Quoi qu’il en soit, je garantirais que ces pierres ne sont pas arrivées là par accident. Nous ferions aussi bien de nous préparer à rencontrer ceux qui les y ont mises. Vous devriez avertir votre équipage.

Lackland prit mentalement note du fait que Barlennan avait une vue moins aiguë que la sienne. Il ne savait pas assez d’optique pour avoir prévu cela d’après la taille des yeux du natif.

Deux ou trois minutes, pendant que le soleil se déplaçait assez pour révéler la plupart des endroits jusqu’alors dans l’ombre, ils attendirent en observant. Mais les ombres seules bougeaient, et enfin Lackland relança la chenillette. Le soleil se coucha pendant qu’ils descendaient la pente. Le véhicule n’avait qu’un phare que Lackland dirigeait sans cesse sur le sol devant lui. Ce qui fit qu’ils ne purent rien voir de ce qui se passait parmi les rocs au-dessus … s’il s’y passait quelque chose.

L’aube les surprit alors qu’ils traversaient un ruisseau et la tension monta pendant qu’ils gravissaient la nouvelle colline. Une minute ou deux, rien ne fut visible car le soleil était droit devant les voyageurs, puis il s’éleva assez pour permettre une vision claire. Aucun des regards fixés sur le sommet de la colline ne put déceler de changement dans son aspect depuis la veille. Ils avaient la vague impression, dont Lackland découvrit qu’elle était partagée par les Mesklinites, que le nombre des pierres était plus grand. Mais comme nul n’avait essayé de les compter auparavant, ils n’en eurent aucune preuve. Il n’y avait toujours pas de mouvement visible.

Il fallut cinq à six minutes pour gravir la colline à la vitesse de sept kilomètres, ce qui fait que le soleil était exactement derrière eux quand ils atteignirent le sommet. Lackland vit que plusieurs des espaces libres entre les plus grosses pierres étaient assez larges pour laisser passer la chenillette et le traîneau, et il pivota vers l’un de ces vides en abordant la crête de la chaîne. Il écrasa au passage plusieurs des petits rocs et un instant, Dondragmer, sur le bateau, crut qu’une des pierres avait endommagé le véhicule, car la machine s’arrêta brutalement. On pouvait toujours voir Barlennan sur le toit de la chenillette, tous ses yeux fixés sur la scène au-dessous. Le Volant n’était pas visible, bien entendu, mais après un moment l’officier du Bree comprit que lui aussi devait être si intéressé par la vallée au-delà qu’il en avait oublié de conduire.