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— Si vous voulez prendre la responsabilité de croire que je vous manquerai parce que je n’ai jamais manié un de ces engins, allez-y ! J’aimerais le savoir moi-même. Si vous ne vous dirigez pas immédiatement par ici, toutefois, ce sera comme si vous aviez essayé de vous échapper. En avant !

Les derniers mots avaient été émis comme un rugissement, ce qui ôta à l’interprète la majeure partie de son indécision. Il n’était visiblement pas certain de l’incompétence de l’officier. Il poursuivit son demi-tour, se relança dans la baie et nagea vers le Bree. S’il eut l’idée de se cacher en plongeant alors qu’il avançait, il manquait évidemment du courage nécessaire. Comme il le savait bien, le méthane n’avait que quelques centimètres de profondeur aux alentours du bateau et le protégerait mal contre un trait projeté avec une force suffisante pour pénétrer huit centimètres de bois après une trajectoire de quarante mètres sous sept gravités. Il ne pensa pas tout ceci en ces termes, bien entendu, mais il savait très bien ce que ces projectiles pouvaient faire.

Il grimpa à bord, secoué par la rage autant que par la peur.

— Croyez-vous que cela va vous sauver ? demanda-t-il. Vous avez simplement rendu les choses pires pour vous-mêmes. Les planeurs vous bombarderont de toute manière si vous essayez de bouger, que je sois à bord ou pas.

— Vous allez leur ordonner de n’en rien faire.

— Ils n’obéiront à aucun ordre donné alors que je suis en votre pouvoir. Vous devriez savoir cela, si vous avez quelque chose qui ressemble à une armée.

— Je n’ai jamais eu beaucoup de contacts avec les soldats, répondit Barlennan.

Il avait repris l’initiative, comme il le faisait d’habitude lorsque les choses étaient lancées dans une direction définie.

— Toutefois, poursuivit-il, je vous crois pour le moment. Nous n’avons qu’à vous garder jusqu’à ce que nous aboutissions à un certain degré de compréhension sur cette absurdité de nous faire descendre à terre … À moins que nous ne puissions nous occuper de vos planeurs pendant ce temps. Il est regrettable que nous n’ayons pas apporté un peu plus d’armement moderne dans ces régions retardées.

— Vous pouvez arrêter cette « absurdité » dès maintenant, répondit le captif. Vous n’avez rien de plus que les autres sauvages du sud. J’admets que vous nous avez trompés un moment, mais vous vous êtes coupés il n’y a qu’un instant.

— Et qu’ai-je dit qui vous fasse penser à un mensonge ?

— Je ne vois pas de raison pour vous le dire. Le fait que vous ne le sachiez pas encore ne fait que confirmer mon point de vue. Il aurait mieux valu pour vous ne pas nous tromper aussi complètement. Alors nous aurions mis plus de soin à cacher nos informations secrètes, et vous n’en auriez pas appris assez pour nous contraindre à disposer de vous.

— Et vous, si vous n’aviez pas fait cette dernière remarque, vous auriez pu nous convaincre de nous rendre, coupa Dondragmer, mais j’admets que ce n’était pas très probable … Capitaine, je parierais que ce sur quoi vous vous êtes coupé était ce que je n’ai cessé de vous dire. Il est trop tard à présent ! La question est de savoir comment nous débarrasser de ces planeurs empoisonnants. Je ne vois pas de navire de surface dont il faille s’inquiéter, et les gars de la plage n’ont que les arbalètes des planeurs qui étaient au sol. J’imagine qu’ils laisseront les opérations aux avions, pour l’instant.

Il passa à l’anglais.

— Est-ce que vous vous rappelez avoir entendu les Volants mentionner quelque chose qui nous libérerait de ces machines énervantes ?

Barlennan rappela leurs limitations probables en altitude au-dessus de la mer ouverte, mais ni l’un ni l’autre ne virent là quoi que ce soit qui pût les aider en l’occurrence.

— Nous pourrions employer l’arbalète contre eux. Barlennan fit cette suggestion dans son propre langage, et Reejaaren ricana ouvertement. Krendoranic, l’officier munitionnaire du Bree, qui écoutait impatiemment comme le reste de l’équipage, fut moins méprisant.

— Allons-y, coupa-t-il rudement. Je voulais tenter cela depuis que nous avons quitté le village du fleuve.

— Quoi ?

— Vous ne voudriez pas que j’en parle alors que notre ami écoute ! Nous allons plutôt le lui montrer, si vous permettez.

Barlennan hésita un instant, puis donna son consentement. Il eut pourtant l’air contrarié lorsque Krendoranic ouvrit un des réservoirs des lance-flammes, mais l’officier savait ce qu’il faisait. Il sortit un petit paquet déjà enveloppé dans un matériau opaque, dévoilant ainsi un aspect de ses occupations durant les nuits qui avaient suivi leur départ du village riverain.

Le paquet était grossièrement sphérique et évidemment destiné à être lancé par la force des bras. Comme tous les autres, Krendoranic avait été grandement impressionné par les possibilités du nouvel art de lancer. Maintenant, il ne faisait que pousser cette idée un peu plus loin.

Il prit le paquet et l’attacha fermement à l’un des traits d’arbalète, enroulant une bande d’étoffe autour du paquet et de la flèche et liant les deux bouts aussi sûrement que possible. Puis il plaça le trait dans l’arme. Comme c’était son devoir, il s’était familiarisé avec l’engin durant le bref voyage et le rassemblement du Bree, et il n’avait aucun doute sur sa propre capacité à frapper un but immobile à une distance raisonnable. Il était un peu moins sûr de lui s’il s’agissait d’objets mouvants, mais au moins les planeurs ne pouvaient-ils virer rapidement que sur l’aile, et cela l’avertirait à temps.

Sur son ordre, l’un des marins qui faisait partie de sa section des lance-flammes se plaça près de lui avec l’appareil à feu et attendit. Puis, au grand ennui des observateurs terriens, il rampa jusqu’à la plus proche radio et plaça la fourche de l’arbalète sur l’appareil pour bien se caler lui-même, son arme dirigée vers le ciel. Ceci empêchait en effet les humains de voir ce qui se passait, car les radios étaient placées de façon à regarder à l’extérieur d’un point central, et aucune des autres ne couvrait la première.

Les planeurs en étaient encore à passer relativement bas, à quelque quinze mètres au-dessus de la baie, et venaient directement sur le Bree en ce qui pouvait instantanément se transformer en un raid de bombardement. De la sorte, un viseur beaucoup moins expérimenté que le munitionnaire aurait eu du mal à manquer une cible. Il aboya un commandement à son assistant au moment où une des machines approchait et se mit à la suivre avec soin. Au moment où il fut sûr de bien viser, il lança un nouveau commandement et l’assistant toucha de son enflammeur le paquet qui se trouvait au bout de la flèche inclinée. Dès que celui-ci eut pris, les pinces de Krendoranic se raidirent sur la détente, et une traînée de fumée marqua la piste du projectile parti de l’arbalète.

Krendoranic et son assistant s’aplatirent brusquement sur le pont et roulèrent vers le vent pour s’éloigner de la fumée qui traînait derrière le trait. Des marins qui se trouvaient sous le vent au point de départ sautèrent de l’autre côté. Quand ils furent tous en sécurité, ce qui se passait dans les airs était presque fini.

Le trait avait failli manquer son but, le viseur ayant sous-estimé la vitesse de la cible. Il avait atteint l’extrémité arrière du fuselage et le paquet de chlore en poudre brûlait furieusement. Le nuage de flammes s’étendait derrière le planeur en laissant une traînée de fumée que les machines suivantes ne firent aucun effort pour éviter. L’équipage du premier avion échappa aux effets de la vapeur, mais en une seconde son gouvernail de queue brûla totalement. Le nez du planeur s’inclina et il tomba en feuille morte sur la plage, le pilote et l’équipage sautant à terre juste avant l’écrasement. Les deux appareils qui avaient volé dans la fumée perdirent aussi leur contrôle alors que les vapeurs du chlorure d’hydrogène asphyxiaient leur personnel, et tous les deux s’abîmèrent dans la baie. Tout bien considéré, ce fut l’un des plus beaux tirs antiaériens de l’histoire.