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Elle couvrit une petite partie seulement de ce kilomètre avant que le soleil ne se couche, et les détails cessèrent d’être visibles. Esstes, le plus petit des soleils, était dans le ciel encore, plus brillant que la pleine lune de la Terre, mais les yeux de Barlennan avaient leurs limites. Un intense rayon de lumière projeté de la chenillette tout droit devant elle, en conséquence sur le dôme, ne facilitait pas les choses, tout au contraire. Barlennan se contenta d’attendre. Après tout, elle était trop loin encore pour qu’on pût, même à la lumière du jour, vraiment bien l’examiner. Et au lever du soleil, elle aurait atteint le dôme.

Même ainsi, il devrait sans doute attendre. Le Volant pourrait ne pas être d’accord avec le genre d’examen qu’il souhaitait faire subir, réellement, à leur machinerie.

3

LOIN DU SOL

Lackland sortant du sas principal du dôme, l’arrivée de la chenillette et le lever de Belne, tout cela prit place au même instant. Le véhicule stoppa à quelques mètres seulement de la plate-forme sur laquelle Barlennan était tapi. Son conducteur émergea aussi. Et les deux hommes restèrent là, à parler, tout près du Mesklinite. Ce dernier se demandait pourquoi ils ne rentraient pas à l’intérieur du dôme pour s’allonger, puisque tous les deux peinaient visiblement sous la gravité de Mesklin. Mais le nouvel arrivant refusa l’offre de Lackland.

— J’aimerais me montrer cordial, dit-il en réponse, mais honnêtement, Charlie, est-ce que vous resteriez sur cette affreuse saleté de boule plus longtemps que nécessaire ?

— Eh bien, je pourrais faire à peu près le même travail depuis Toorey, ou depuis un astronef en chute libre, répondit Lackland. Mais je pense que le contact personnel a une très grande importance. Je voudrais en apprendre plus sur le peuple de Barlennan … Il me semble que nous sommes loin de lui donner autant que nous en attendons, et il serait agréable de savoir s’il n’y a rien d’autre que nous puissions faire pour lui. De plus, il est dans une situation plutôt dangereuse lui-même, et la présence de l’un d’entre nous ici peut rendre tout différent … pour nous deux.

— Je ne vous suis pas.

— Barlennan est un capitaine de cargo … une sorte de marchand-explorateur à son compte. Il est absolument en dehors des régions normalement habitées et bien arpentées par ses semblables. Il reste ici durant l’hiver austral, quand la calotte polaire boréale s’évapore et cause de ces tempêtes dans les régions équatoriales, ici donc, qu’il faut avoir vues pour y croire … des tempêtes qui sont inouïes aussi bien pour lui que pour nous. Si quelque chose lui arrive, pensez aux chances que nous avons d’établir un autre contact !.. Rappelez-vous que, normalement, il vit dans un champ gravitationnel de deux cents à près de sept cents fois plus puissant que celui de la Terre. Nous n’allons certainement pas le suivre chez lui pour qu’il nous présente à ses parents ! En outre, sa race ne comporte peut-être pas une centaine d’êtres qui non seulement travailleraient dans la même branche, mais seraient assez intrépides pour s’éloigner autant de leur milieu naturel. Et sur ces cent, quelle chance avons-nous d’en rencontrer un autre ? En admettant que cet océan soit l’un des plus fréquentés, ce bras de mer négligeable, dont la baie que voici est un rejeton malingre, a neuf mille kilomètres de longueur et bien le tiers en largeur … avec un rivage tortueux. Quant à en repérer un, en mer ou échoué, depuis le ciel … Eh bien, le Bree de Barlennan mesure environ douze mètres de long et trois ou quatre de large. Et c’est un de leurs plus gros navires transocéaniques. De plus, c’est à peine s’il dépasse le niveau de l’eau de plus de huit centimètres … Non, Mack, rencontrer Barlennan était la plus improbable des coïncidences et je n’en espère pas une autre. Rester à trois gravités pendant cinq mois, jusqu’au printemps austral, vaut certainement la peine. Bien sûr, si vous voulez jouer nos chances de recouvrer pour presque deux milliards de dollars d’appareils, vous n’avez qu’à vous lancer à la découverte d’une bande planétaire de quinze cents kilomètres de largeur et d’un peu plus de deux cent quatre-vingt mille kilomètres de longueur !

— Vous avez gagné, admit l’autre humain, mais je suis quand même heureux que ce soit vous et non pas moi. Evidemment, peut-être que si je connaissais mieux Barlennan …

Les deux hommes se tournèrent vers la forme minuscule, comme une grosse chenille juchée sur la plate-forme, à hauteur de leur poitrine.

— Barl, dit Lackland, j’espère que vous me pardonnerez mon incorrection. Je ne vous ai pas présenté Wade McLellan. Wade, voici Barlennan, capitaine du Bree, et maître marin dans son monde … Il ne m’a pas dit cela, mais le fait qu’il soit ici en est une preuve suffisante.

— Je suis heureux de vous connaître, Volant McLellan, répondit le Mesklinite. Il n’est pas utile de vous excuser, car j’ai supposé que votre conversation était aussi destinée à mes oreilles.

Il ouvrit ses pinces en un geste classique de bienvenue.

— J’ai déjà apprécié l’heureux hasard que représente pour nous deux notre rencontre. Mais je ne peux qu’espérer, dans notre marché, remplir ma partie comme, j’en suis sûr, vous remplirez la vôtre.

— Vous parlez anglais à la perfection, commenta McLellan. Et vous ne l’avez étudié que pendant un mois à peine ?

— Je ne sais pas exactement combien dure votre « mois », mais il y a moins de trois mille cinq cents jours que j’ai rencontré votre ami, répliqua le commandant. Je suis bon linguiste, évidemment … C’est nécessaire pour mes affaires. Et les films que Charles m’a montrés m’ont beaucoup aidé.

— Il est très heureux que votre voix puisse prononcer tous les sons de notre langue. Nous avons parfois des ennuis sur ce point.

— C’est grâce à cela, surtout, que j’ai appris votre anglais au lieu de vous enseigner ma langue. Beaucoup des sons que nous utilisons sont bien trop aigus pour vos cordes vocales, à ce que je sais.

Barlennan se retint avec soin de mentionner que la plus grande partie d’une conversation normale était trop suraiguë pour des oreilles humaines. Après tout, Lackland ne l’avait peut-être pas encore remarqué, et le plus honnête des commerçants réfléchit à deux fois moins avant de révéler tous ses avantages.

— J’imagine cependant que Charles aura appris un peu de notre idiome, en nous regardant et en nous écoutant par la radio qui est à présent sur le Bree.

— Très mal, avoua Lackland. Il semble que vous ayez, d’après le peu que j’ai vu, un équipage fort bien entraîné. La plupart de vos activités sont accomplies sans que vous donniez un ordre, et je ne peux rien tirer des conversations que vous entretenez parfois avec certains de vos hommes, lorsqu’elles ne sont pas suivies d’un effet immédiat.

— Vous faites allusion à Dondragmer ou Merkoos ? Ce sont mes premier et second officiers, et ceux auxquels je m’adresse le plus souvent.

— J’espère ne pas vous offenser, mais je suis tout à fait incapable de voir une différence entre vos gens. Je ne suis pas assez familier avec vos caractères distinctifs.

Ce fut presque en riant que Barlennan répondit :

— Dans mon cas, c’est encore pire : je ne sais pas très bien, tels que je vous vois en général, si vous avez ou n’avez pas de vêtements.