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Te la finis à la baïonnette ! Te lui démantèle le bastringue ! Te lui désorganise le système nerveux ! L’embroussaillé ! La submerge ! La confine ! La dévaste ! La rectifie ! Lui fais toucher les deux et Paul ! L’emporte dans de sauvages éblouissements !

Qu’à la fin, Mam’selle La Liche en évanouit d’apothéose. S’engloutit dans son trésor comme une qui plongerait dans sa propre faille et s’y anéantirait totalement, tant il est vrai, comme l’écrivait récemment le professeur Lucien Saillet dans son traité sur la Déconnection du bouton de chaglaglate dans le coït moderne, tant il est vrai (je cite) « que le meilleur moment de l’amour c’est pas quand on monte l’escalier, mais quand on lâche la rampe » (fin de citation, ajouterait Léon Zitroën).

La porte de la chambre s’ouvre fougueusement. J’ai pas le temps de me rajuster, comme on dit dans les romans libertins du xiie siècle et du 16e arrondissement : Berthe s’avance, les mains jointes, comme une miraculée de frais.

— Santonio, glabouille-t-elle, Ah ! Oh ! J’ai tout vu par le trou du judas. Tout ! Bravo ! Magnifique ! Je ne savais pas que ça pouvait exister. Je m’en doutais sans y croire vraiment ! Mon Dieu que c’était beau ! Plus beau que le Gaullisme ! Je n’en reviens pas ! N’en reviendrai jamais ! Quel tempérament exceptionnel ! Quelle vitalité ! Est-ce que cette petite conne a bien apprécié, au moins ! J’eusse donné n’importe quoi pour être à sa place ! Qu’est-ce que je raconte, n’importe quoi ! Tout ! ! ! Béru, ma vie ! Mes économies ! Ma bague de fiançailles ! La photo de maman ! Quand je pense que j’admirais Alfred, notre ami le coiffeur ! Petite folle que j’étais ! Innocente ! Santonio, mon ami, mon chéri, mon roi, mais je viens de m’apercevoir d’une chose terrible : je connais encore rien de l’amour ! Je sus neuve ! J‘sus vierge !

Comme elle prétend m’enlacer, je la refoule d’un geste blasé.

— Merci pour vos compliments, ma bonne. Venant de vous ils me touchent profondément.

— Putain ! crie une voix dans le couloir.

Je regarde. La mère Pinaud qui a pris la relève pour ce qui est de coltiner Antoine défrime Berthe d’un œil haineux. Elle a le visage inondé de larmes et une estafilade sur la joue gauche.

— Que vous est-il arrivé, chère vous ? exclamé-je.

— Laissez, gronde la Gravosse. Cette pie rance voulait regarder aussi par le judas, seulement comme il était qu’à une place y a fallu que je la bousculasse.

Je refoule les deux commères.

— Faites la paix, leur recommandé je, nous approchons de la conclusion et il ne faut pas laisser le lecteur sur une mauvaise impression. C’est une simple question de probité professionnelle.

* * *

— Alors, Rebecca, si tu te mettais à jour, à présent ?

Elle amorce un début de pleurnicherie pour m’amadouer. Elle se dit qu’en ajoutant quelques larmiches bien venues à nos transports, elle achèvera de m’annexer, ce qui est d’une puérilité que je me réserve de lui démontrer, le moment venu.

— Chéri, mon amour, murmure-t-elle, d’une voix rauque, en me contemplant avec des yeux soulignés de reconnaissance ; c’est si délicat à expliquer…

— Bon, allons-y. Primo tes relations avec ton patron.

Elle détourne les yeux. V’là que je lui embouteille déjà le plan d’action.

— T’es de Lesbos par adoption, hein ? je ricane. En fait t’as déjà tâté du julot, ma fille. Je devine qu’il t’a fait le coup du grand vizir, Just, non ? Il est beau gosse, il a de l’allure… Bref, tu étais sa maîtresse ?

Vous savez ce qu’elle me répond ? Ah non, ce que les gonzesses sont désarmantes… Elle me dit :

— Un petit peu.

Un petit peu ! Ces dames couchaillent du bout des fesses, ou bien en grand. Elle, c’était pour ainsi dire ses obligations de secrétaire. La radadasse professionnelle.

— Tout a commencé avec ton histoire de neveu, n’est-ce pas ?

— En effet.

— Un truc qu’on ne peut pas t’enlever : tu as l’esprit de famille. Lorsque le môme s’est évadé, il est venu te relancer pour que tu l’aides ?

Un silence. Mais ma perspicacité a raison de ses réticences. Alors elle approuve d’un léger signe de sa tête de linotte.

— Tu l’as planqué chez vous en cachette de Nini ?

— Oui.

— Où ça ?

— Sur la terrasse, elle n’y monte jamais.

— Il a fait du camping ?

— Pour ainsi dire.

— Longtemps ?

— Quelques jours.

— La suite ?

Elle hausse les épaules.

— Ah non ! m’emporté-je, la période des pimbêchages est terminée. On bivouaque sur le perron de la cour d’assises, ma gosse, essaie de comprendre ! La Vérité, que tu ergotes, que tu minaudes, que tu pleurniches ou non, te sera arrachée mot après mot, comme on plume une volaille. D’autres types que moi t’entreprendront, et ça ne sera pas de la meringue !

— Un jour, Charles m’a téléphoné au bureau. Il était épouvanté. Il m’a raconté qu’un homme venait de s’introduire chez nous en passant par les toits. Pris de peur, il l’avait tué d’un coup de hallebarde.

Ah, bien… Donc, le môme est l’assassin de Kelloustik ! L’histoire de la hallebarde décrochée en hâte plaide effectivement pour l’affolement.

— Je vois. Cette nouvelle t’a « révolutionnée », ma pauvre toute, et tu t’es confiée à Just, exact ?

— Oui.

— Tu lui avais déjà parlé du neveu, ce qui a facilité les choses… Il t’a dit de ne pas perdre le nord et il t’a accompagnée quai d’Orléans pour aviser sur place.

J’en suis à cette période, si essentielle pour un agenceur où « je vois » les choses. La vérité passe au loin, dans la nuit, comme les lettres de feu d’un journal lumineux. En regardant bien, en exerçant son œil et son esprit, on parvient à déchiffrer. On remplace approximativement les mots sautés. On trouve en lisant ce qui est lisible le sens des phrases manquantes. C’est un jeu. Une voltige mentale.

Ainsi, l’affaire de l’île Saint-Louis, je la conçois parfaitement maintenant.

Rebecca noire de trouille radine au bras de son patron-amant. Il y a là un mort et un délinquant en fuite qui claque des dents parce qu’il a sauté le pas.

Just Huncoudanlproz est un homme calme qui sait dominer les situations fâcheuses. Il réfléchit, décide, impose un plan d’action. Primo : se débarrasser du cadavre en le virgulant dans la cour. Ensuite faire disparaître dans la mesure du possible les traces du drame : sang, tapis, hallebarde. Tout rectifier pour que Nini ne s’aperçoive de rien… Il se chargera de planquer le garnement meurtrier. Tu parles, parallèlement à ses occupations officielles, il a d’autres activités nécessitant une main-d’œuvre d’un genre particulier ! Charles Naidisse peut être une recrue intéressante dans son « équipe »…

Le bouton de blazer ?…

C’est lui qui l’a arraché de la veste du môme pour le carrer entre les dents du mort. Sans doute même a-t-il persuadé Charly qu’il fallait agir ainsi pour, le cas échéant, pouvoir plaider la légitime défense. Prouver aux autorités qu’il avait dû se colleter avec sa victime.

Bon, la fîloche. Le blanc-bec est amené dans la maison de Nogent. On l’embrigade. C’est un petit gars prêt à tout. Il a franchi la ligne désormais. Il a tué !