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Sa bagnole de merde continue de tohuboter sur l’infernal chemin. Alors moi, tu veux que je te dise ? Culotté, l’artiste. A un moment qu’elle ralentit pour passer entre deux flaques dont on ignore la profondeur, je coupe le contact. Son taxoff s’arrête. Ma main gauche dévale jusqu’à son épaule et l’attire contre moi.

— Slovana, je roucoule, ô Slovana…

Et y a mes lèvres contre les siennes.

Elle les garde fermées, les siennes, cette peau de conne de chiotte ! Faut tout lui dire, tout leur apprendre, merde ! Des gens qui vont faire les zouaves pendant près de cinq mois en stratosphère, tu te rends compte ? Un pays de glace qui ignore tout du patin.

Pas de ça, l’abbé ! Je lui cramponne la frime et lui investis les muqueuses d’autorité.

Elle biche.

Seconde phase de l’opération : la paluche. Reçu cinq sur cinq, comme presque toujours.

Putasse, la frénésie à madame ! Ce démêlé ! Cette partie de soubresauts ! Elle geint, elle jappe, elle gratte, elle pleure. C’est bon ! Elle aime ! Je lui pratique la fiche-banane. Tu verrais son bahut ! On se croirait sur une gondole au passage d’un hors-bord. Jamais vu ça : la taxeuse pâme en deux coups de cuiller à peau. Le fade express. Ah ! Ah ! Ah ! Les vocalises superbes. Lili Pons (pilate), la Callas, Ninon Vallin, la clinique du Belvédère ! Tout ça réuni. Qu’on a pas le temps de piger. Elle part en éclats. Slovana. Vraouffffff ! Les ongles enfoncés dans ma chair. Ceux de droite dans celle de ma nuque, ceux de gauche dans l’onctueux de mes aumônières. Lance une grande gueulée comme la louve dans la toundra ! Puis tombe, inerte sur son volant, laissant l’Antonio avec son tricotin surgelé, espèce de vache ! Ça va où, ça ? Moi, je me dis qu’une fifille qui décarre aussi rapidos à la manœuvre doit être congestionnée par trop de ressources en friche. Attends que je la dispose quelques heures, et elle va voir ce boulot, la sœur ! Dedieu de foutre, je serai l’aubaine de sa vie !

Pour la calmer, en homme qui sait vivre, et pratique les usages en vigueur à la cour de Louis XIV et à celle des Miracles, je lui bisotte la tempe tout en caressant ses mamelons.

Elle retrouve vie et vigueur.

Me dit du bien en russe.

Alors je m’informe de sa vie. Elle est mariée à un technicien de je-comprends-pas-quoi qui se trouve en déplacement dans l’Oural pour deux mois. Non, elle n’a pas d’enfants. Elle vit seule. Oui, je peux aller chez elle passer quelques heures. Elle m’adore. Elle en reveut !

LUNDI DES CENDRES

Krazpeck 8 h 10.

Trente heures.

Montre en poignet !

Trente heures de baise intensive. De déburnage absolu. Trente heures de folie furieuse, ou douce à certains moments. Le pied ! Des pieds ! Le mille-pattes, quoi ! Qu’elle avait congé, précisément, ce jour-là, Slovana-mon-amour ! Et qu’on s’est donc trouvés seulabres dans son coquet logement d’une pièce qu’elle partage avec deux autres familles, mais l’une est en vacances au goulag de Crimée et l’autre vient d’être déplacée dans les mines de pierre ponce des marais de la Vassiougan. Un bol, non ? Si bien qu’on a ces douze mètres carrés pour nous tout seuls ! Tu juges de l’aubaine frivole ?

Alors là, je pense, très franchement, que ça restera dans les anales (hé ! l’imprimeur, ne fous pas deux « n » à anales, surtout !).

Trente z’heures de liesse physique. D’explosion charnelle. D’enculade monstre, quoi ! Entrecoupées de petits sommes ponctuateurs. De mini-repas : un concombre, une pomme, un coup de vodka, la moindre, comme on dit en Helvétie. Et vite, hop là, hop là là, à l’établi, mon neveu ! La grande limance. Les trucs rarissimes ! L’envolée. Ce que cette donzelle raffole du radaduche, c’est rien de l’écrire. Faut le vivre. Elle brosse en bourrasque, Slovana.

Vouloir te résumer serait folie.

Tout te raconter, folie plus grande encore. On existe dans un bain de sueur, dans des gluances ponctuelles, des enivresses à tout casser. Elle râle son bonheur. Tout juste si elle a le temps de m’apprendre que son gazier se prénomme Igor. Tiens, fume, julot ! Elle bénit le ciel de notre rencontre. Enfin, pas le ciel : le métro. A Leningrad, les églises sont fermées, le culte c’est le métro. Drôlement bathouze avec ses stations de marbre et de bronze, bourrées de statues, bas-reliefs, hauts-reliefs, médaillons. Du porphyre en pagaille, de l’albâtre, tout ça bien, à profusion, perfusion, apothéotique. Saint Métro, notre Seigneur ! Chapelle Sixteen nouveau genre. Lénine mit uns  !

Oui, et comment te le bénit, le Sauveur métro, de ce concours de circonstances : ses colocataires à dache, son vieux en mission extraordinaire, et jusqu’à ses doches qu’elle avait la semaine passée, vous dire, la fortuité bienheureuse. Moi qui me pointe tout de suite after par une notte peu lunée. La queue raide, le slip en fête. Plus ardent qu’un chaudron de confiture en ébullition. C’est pas du nanan, ça, madame ? Alors que je traînais une sacrée déforme, le long de cette voie mal ferrée, comme un qui vient d’apprendre qu’il a le crabe. Et puis : hep taxi ! Et elle, ses jupons troussés, la chatte qui réclamait la becquée ! Et nous autres, tous les deux, dans l’immense appartement solitaire et chauffé : hop ! Au septième métro ! Ce ramdada, ce ramadanleculabalayette ! Poum ! Zinnng ! Encore. Tu la veux, la voici ! Trente heures, bordel, j’évertue en ténor. Lalala ! Le grand air de l’Acné ! Rigole-étau ! La tronche dans le ciseau magique. Je te tiens, tu me tiens, par la barbichette, le premier qui jouira se fera une tapette !

Trente plombes. Et des heures soviétiques, hein ! Donc d’authentiques, pas frelatées le moins. Un peu archaïques : soixante fois soixante secondes. Secondes soviétiques itou, garanties.

Elle brame tout ce qu’elle sait de françouze, Slovana, par gratitude. Langue magique, le franquillon, pour rendre grâce d’une bite survoltée. Paxif géant avec cadeau Bonux à la clé, merci. Quand elle a épuisé son français, force l’est de dire le reste en ruscoff. Alors là, elle va bon train, mistress ! Tu croirais la basse noble dans du Borodine. La grande revue avec, en tête, le général Dourakine ! La charge des cosaques ! Hardi ! Hardi ! Les bâtonniers de l’avocat, comme dit Béru. Tumiala… giiite ! Un foin, mes aïeux ! Un foin…

Trente heures !

Et moi, fraise et dispos. Prêt à remettre le couvert.

Quand t’es parti pour le marathon de la tringle, rien ne peut plus te stopper. Ça t’arrive trois quatre fois par vie, l’inépuisance. Tu te sens drôlement caïd. Maître de tes sens, semeur d’émois en tout genre.

On clappe une côtelette pojarsky qui glandait dans son réfrigérateur à pédales, modèle 1927. Un corniche à la russe, un quignon de pain noir, solide comme du mastic. Lichée de vodka, et ça repart.

J’en suis à la j’sais plus combien t’est-ce d’embroquée quand v’la qu’on frappe méchamment à la lourde.

Merde, c’était trop beau pour que ça dure. Moi, dans tout ce mimosa, j’avais biffé la situasse de mes préoccupances. Je voulais rien savoir de mon avenir. Je baisais, somnolais, me laissais turlupiner le frère Karamazov, et vogue la galère !

Et puis, violents, impérieux, ces coups dans le panneau de la lourde.

Slovana se cambre. Je déjante.

— Qu’est-ce que c’est ? doit-elle questionner. Et ce mot si international, ce mot qui se traduit lui-même :

— Police !

En russe, tu le comprends aussi bien qu’en angliche, en rital ou en espingo.

Elle me le traduit dans un chuchotis, mais c’est bien inutile. Bon, fallait que ça arrive. Je me coiffe de mon slip, puis je bondis à pieds disjoints dans le carrefour de mon bénouze.