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— Moi aussi, madame, moi aussi !…

— Je sais, je sais Ferdinand !… Mais c’est pas la même chose… T’es encore un môme heureusement !… Rien est trop triste à ton âge ! Maintenant, tu vas la faire ta vie… C’est qu’un commencement… Tu peux pas comprendre…

— Il vous aimait aussi… que j’ai dit… Il me l’a raconté souvent… Comment qu’il tenait fort à vous et que sans vous il était plus rien… qu’il existait pas… “ Tu vois bien ma femme ? ” qu’il me disait… » Je forçais un peu sur la note… Je faisais de la consolation… Je faisais ce que je pouvais… Alors elle tournait en fontaine…

« Pleurez pas, Madame ! Pleurez pas !… C’est pas encore le moment… Il faut vous durcir au contraire… Vous avez pas encore fini !… Là-bas, vous aurez à causer… à Beauvais… Peut-être qu’il faudra vous défendre ! Ça les agace quand on pleure… Vous l’avez bien vu !… Moi aussi il faudra me défendre. Vous le disiez vous-même…

— Oui ! T’as raison Ferdinand !… Hi ! Hi ! Oui c’est vrai… Je suis marteau… Je suis qu’une vieille folle !… Elle essayait de résister… Elle se séchait les châsses…

— Mais toi, tu sais, il t’aimait bien… Ah ! Ça je t’assure Ferdinand ! Je dis pas ça pour te faire plaisir… Tu le savais bien sûr n’est-ce pas ?… Tu te rendais bien compte du cœur qu’il avait au fond… malgré quelquefois qu’il était dur… difficile un peu avec nous…

— Oui ! Oui ! Je savais, Madame !…

— Et maintenant qu’il s’est tué comme ça… C’est épouvantable ! Tu te rends compte ?… J’y crois pas moi !… C’est pas croyable !… » Elle pouvait pas s’en détacher de cette abomination…

« Ferdinand ! qu’elle recommençait… Ferdinand ! Écoute !… » Elle me cherchait les mots exacts… Il en venait aucun… « Ah ! Oui !… Il avait confiance Ferdinand !… J’ai confiance… Et tu sais lui hein ?… N’est-ce pas ? Il croyait plus à personne… »

Notre bois, il flambait plus du tout… Il enfumait toute la crèche… Il éclatait, sautait en l’air… Il s’éteignait au fur et à mesure… Je lui dis à la vieille… « Je vais en chercher de l’autre qui brûle ! » J’allais piquer vers le hangar… si je trouvais pas un fagot sec… j’arracherais un peu de la cloison… celle de l’intérieur… J’oblique un peu dans la cour… Je me détourne en passant devant le puits, je regarde du côté de la plaine… J’aperçois quelque chose qui bouge… On aurait dit un bonhomme… « C’est pas possible que c’est le gendarme ?… Il rentrerait pas si tôt ?… que je me fais la réflexion… C’est encore un traînard quelconque… Un mec qui fait du razzia… Eh bien je me dis… Il a le bonjour !… »

« Hé là ! Hé là ! que je lui crie… Qu’est-ce que vous cherchez bonhomme ?… » Il répond rien… Il se sauve… Du coup, je me détourne, je vais même pas jusqu’au hangar… Je me goure tout de suite d’un drôle d’afur… Je me dis : « Merde ! Merde ! Replie Toto… » J’arrache vite un bout de barrière… « Ça suffira »… que je me dis… Je me précipite… Je rentre… et je lui demande à la vioque :

« Vous avez pas vu personne ?…

— Mais non !… Mais non !… » qu’elle me fait…

Alors juste au même moment, dans le carreau d’en face, à pas deux mètres de distance… Je vois une tête qui me fixe… en transparence… une grosse tronche… je vois le chapeau aussi… et les lèvres qui bougent… Mais je peux pas entendre les mots… Je me rapproche avec la bougie, j’ouvre la fenêtre toute grande comme ça sur le fait… C’était brave !… Je le reconnais tout de suite alors !… Mais c’est notre chanoine Nom de Dieu !… C’est le Fleury. C’est lui !… Le maboul !… très exactement !… Merde !… D’où qu’il arrive ?… D’où qu’il vient !… Il me bafouille… il me postillonne. Il est tout gesticuleur !… Il a l’air complètement heureux de nous retrouver en chœur !… Ses amis !… Ses frères !… Il escalade la petite croisée… Le voilà franchement dans la crèche… Il jubile !… Il gambade !… Il trémousse autour de la table… La vieille elle se rappelait plus de son blaze, ni de son nom, ni des circonstances !… Un petit lapsus de la mémoire…

« C’est Fleury !… Voyons ! C’est Fleury !… Le Fleury de la Cloche ! Vous le voyez pas ?… Regardez-le bien !…

— Ah ! mais c’est bien vrai ma foi… Ah ! mais oui c’est bien exact !… Ah ! M. le Curé !… Ah ! pardonnez-moi !… Ah ! alors vous avez appris ? Ah ! mais oui c’est vous !… Ah ! mais je deviens folle !… Ah ! je vous remets ! Ah ! je vous remettais plus !… Vous savez pas l’horrible chose ?… »

Lui s’arrêtait pas pour si peu !… Il continuait à gambader ! Sautiller !… Gambiller !… Il prêtait pas attention… Il faisait de la grande cabriole ! et puis encore d’autres petits bonds !… des petites saccades en arrière… Il a sauté sur la table… Il a frétillé encore… Il est redescendu d’un seul coup… Sa soutane était toute plaquée blindée de crottes et de bouse… jusqu’aux aisselles… jusqu’aux oreilles !… Ah ! Oui sûrement c’était bien lui qu’était dans le champ tout à l’heure !… On s’était fait peur tous les deux !… Ah ! il était harnaché !… Il en avait lourd sur les os… Tout un attirail de troufion, un paquetage complet… avec deux musettes ! deux bidons ! trois gamelles ! et par-dessus un cor de chasse… un immense, un magnifique en bandoulière !… Tout ça clinquait à chaque geste… Il arrêtait pas !… C’est son chapeau qui l’énervait le plus… qui lui godaillait dans les châsses… un grand raphia comme pour la pêche… Et puis il s’était décoré ! admirablement aussi le mec !… Il en avait plein sa soutane de tous les ordres et les médailles… Et plusieurs Légions d’Honneur… Tout ça était pétri de mouscaille, et puis un lourd crucifix, un Jésus d’ivoire, tout battant au bout d’une grande chaîne… Tellement qu’il était rincé notre joli chanoine, il dégoulinait plein la piaule… Il se promenait comme un arrosoir… sa soutane elle s’était fendue de haut en bas par-derrière… il avait encore les ronces…

La vieille, elle voulait plus qu’il bouge… Elle voulait encore le convaincre… C’était sa passion… Je lui faisais moi des signes… qu’elle l’emmerde pas !… Qu’il s’en irait peut-être tout seul !… qu’il fallait pas l’exalter… mais elle voulait pas me comprendre… Elle était contente de le revoir… Elle le cadrait dans les petits coins… Il grognait alors comme un fauve… Il se butait pile contre le mur, tête inclinée, prêt à la charge… Il l’écoutait plus… Il pressait ses doigts sur sa bouche… « Chutt ! Chutt ! » qu’il lui recommandait… Il jetait des regards alentour et pas bien aimables !… Il était traqué le mironton…

« Vous ne savez pas, M. le Chanoine ?… Je vois que vous ne savez pas !… Ah ! Si vous aviez pu voir !… Ah ! Si vous saviez ce qu’il y a eu !…

— Chutt ! Chutt !… M. le Pereires ?… M. le Pereires ? C’est lui maintenant qui réclamait… « Hein ? M. le Pereires ?… » Il l’a saisie par les épaules, il lui reniflait dans la figure et très violemment… Un tic lui prenait toute la bouche… Il restait crispé après… Il se détendait en saccades…