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« Mais je l’ai pas, M. le Curé !… Mais non !… Moi je l’ai pas ! Vous savez donc rien ?… Il est pas ici le pauvre homme !… Il est plus ici le malheureux !… Voyons !… On vous l’a pas dit ?…

— Pressez !… Pressez vite !… » Il la chahutait tant et plus !…

« Mais il est mort voyons !… Il existe plus !… Je vous l’ai dit tout de même… » Elle avait trouvé un fias qu’était encore plus résolu…

« Je veux le voir moi !… Je veux le voir !… » Il démordait pas de sa marotte… « C’est bien urgent !… Chutt ! Chutt !… Chutt !… Presto ! Presto !… » Il a refait le tour de la table sur la pointe des pieds ! Il a regardé dessus et dessous et puis encore dans la hotte… Il a rouvert les deux armoires… Il a arraché les clefs… Il a déglingué le coffre à bois… retourné les gonds… Il était furieux… Il blairait plus la résistance… Son tic lui retroussait toute la lèvre !…

« M. le Curé !… M. le Curé !… Faites pas ça !… » Elle essayait de le convaincre…

« Ferdinand ! Je t’en supplie ! Dis-le à M. le Curé !… N’est-ce pas mon petit, qu’il est mort ?… Dis-lui à M. le Curé !… » Elle se raccrochait à sa musette…

« Allez regarder sur la porte, c’est écrit pourtant !… Dis c’est pas vrai Ferdinand ?… “ Bonne chance ” »… Elle l’agrafait au cor de chasse !… Il emportait tout à la traîne… La rombière, la table, et les chaises, les assiettes !…

« Assez ! Assez ! Vos effronteries ! Effrontés ! Effrontés tous !… C’est le Directeur !… Génitron Courtial !… Vous m’entendez pas ?… Lui tout seul !… Vous m’entendez ?… Il sait ! Il sait !… Génitron ! Là ! Là !… Je suis attendu !… Il veut me voir immédiatement !… Rendez-vous !… Rendez-vous !… » Il s’est dépêtré en furie… Elle est allée rebondir dans le mur…

— Assez ! Assez ! Je veux lui causer !… On m’empêchera pas !… Qui ?… » Il en retroussait toute sa soutane… Il farfouillait dans toutes ses poches… Il en sort des petits papiers… des miettes, des coupures de journaux… Il est resté comme ça à genoux, en pleine fiévreuse confusion !… longtemps, longtemps ! Il bafouillait, il recomptait… tous les papelards un par un… et les a tous défroissés… Il les a encore raplatis… Il en a remis d’autres en boulettes…

« Chutt ! Chutt !… » Il recommençait… Il voulait plus nous qu’on bouge. « En voilà !… Ça c’est de l’authentique !… Hein ça ? Tu vois bien !… Le pur manuscrit pharaon !… Oui !… » Il m’en remet une pincée…

« Voilà ! jeune garçon !… » Il me pressait dans le creux de là main… une boulette !… deux boulettes… « M. le Directeur ! M. le Directeur !… »

Merde ! Ça le reprenait… Ça lui remontait sa colère !… Il s’est recabré d’un seul élan… Il a ressauté sur la table… Il réclamait encore Courtial à tous les échos !… Il a embouché le cor de chasse. Il a soufflé dedans un grand coup et puis des rauques crevaisons… encore des couacs et des petits râles !…

« Il va venir… Il m’entend !… » Dix fois, vingt fois de suite… Il m’agrippe par le costard, il me bave nettement dans la fiole, il me souffle dans les yeux… Il pue bien, la vache… Par bouffées alors qu’il me renseigne comment qu’il est venu jusque-là… Il est descendu à Vry-Controvert, la halte du « Départemental » à vingt-deux kilomètres de Blême ! Les « autres » le poursuivent, les « autres » qu’il ajoute… Il me tarabuste pour me prouver…

« Chutt ! Chutt !… qu’il me refait encore… Les Puissants !… Oui ! Oui ! » Il retourne à la fenêtre… Il regarde si ils viennent ?… Il se cache, il grogne à l’abri du volet… Il rebondit encore… Il scrute les approches… Il va pisser dans la cheminée… Il se boutonne plus… Il revient tout de suite à la persienne… Il a dû les voir les Puissants… Il rumine… il râle comme un sanglier…

« Ah ! Ah ! qu’il me fait… Jamais !… Rouah !… Rouah !… Jamais !… » Il se retourne sur moi… Il me brandit ses poings devant la face… Comme il a pu changer ce mec-là, depuis notre Palais-Royal… Comme il est devenu féroce !… Ils y ont fait bouffer des scorpions ! dans l’internement… Merde ! Il est devenu intraitable !… Il a pompé du vitriol !… Il arrête plus !… Il déambule !… Il carambole contre les murs… Il menace… Il provoque !… On se parle plus la vieille dabe et moi… On est atterrés finalement… Il commence à bien me courir… ce curé brouilleur… Je l’étendrais bien d’un coup derrière !… Je vise un bath pieu près de la fenêtre… Il nous sert à nous de tisonnier… avec un embout bien maous… un beau manche de fonte… ça suffirait pour sa gueule… Ça va faire encore un crime… Je fais signe à la daronne qu’elle se trisse un peu, une seconde… qu’elle se replie le long du mur !… Merde ! J’aimerais mieux quand même qu’il se taise… Que j’aye pas besoin d’y toucher… Nom de Dieu, Bon Dieu d’enfoirure !… Comme il est moche !… Comme il est con !… Qu’il s’arrête de nous enculer ce sale fumier-là… sa marotte… Il croit pas à ce qu’on lui raconte… Il a la bille qu’on le lui cache… C’est infernal à la fin !… Je le dis à la vieille !

« Tant pis ! Ça suffit ! Y en a chiotte !… Because ! moi je vais lui montrer quand même…

— Fais pas ça ! Ferdinand !… Fais pas ça ! Je t’en supplie !…

— Si ! Si ! Peut-être que ça va le doucher… Il se rendra peut-être compte !… C’est un bourreur ce sale con-là… C’est ça qu’il est dingue… Après on le foutera dehors !… » Il arrêtait plus de se débattre, de se cogner dans tout !… Il soulevait la table tout entière… qui était pourtant un monument !… Il était fort le canaque !…

« Le Directeur !… Le Directeur !… qu’il recommençait à beugler… J’ai tout donné ! moi !… » Il s’est reprosterné à genoux, il embrassait son crucifix… Il faisait des mille signes de croix… Après il restait en extase… Les bras étendus de chaque côté… Il faisait le crucifix lui-même !… Et puis debout comme par un ressort… Sur la pointe des pieds, il repartait… Les yeux fixes comme ça, au plafond !… Il rempilait au baratin…

Elle me tirait, elle voulait pas que je lui montre l’autre… dans la cuisine… Elle me faisait des gestes. « Non ! Non ! » La comédie ça suffisait… J’en avais ma tasse…

« Viens par ici !… » que je l’attrape par son cor de chasse… et hop ! que je le hale vers la cuisine… Ah ! la sale tante !… Il nous croit plus !… Non !… Eh ben il va voir ma vache… Tous les dingos c’est du même… C’est leur joie qu’on les contrarie… « Allons ! Allons !… Viens ma tronche !… » J’y déclare un coup dans le pot !… Et que je te le fais un peu rebondir !… C’est lui maintenant qui en veut plus !… Ah ! Je devenais méchant moi aussi !… Il ramène ! Il groume ! Je le ramponne encore dans le fond du couloir…

« Hop là !… Prenez la bougie, Madame, prenez-en donc deux… Faut qu’il voye absolument bien… Qu’il s’en mette un coup plein la vue… Faudra plus qu’il vienne nous faire chier !… » Arrivé dans la cuistance, je me fous à genoux… et je me baisse encore… Je lui montre là bien sous son nez le corps dans l’enveloppe par terre… Il peut bien se rendre compte… Je mets à côté l’autre bougie…

« Là, tu regardes bien ?… dis, bourrique ?… Tu viendras plus nous entreprendre… ? Hein ? C’est bien lui ?… Tu reconnais ?… Pas ?… » Il se rapproche… il renifle… Il se méfie… Il souffle tout du long des jambes… Il se prosterne… Il fait une prière… Il arrête plus. Et puis il se retourne… Il me regarde encore… Il reprend son oraison !…