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— Er’perrhenne », ai-je dit, en faisant de mon mieux pour la prononciation.

Je suis habituée à ce que les gens aient peur de moi, mais je n’aime pas vraiment ça. Je suppose que même Tibère n’aimait pas ça. Mais au bout d’un instant angoissant son visage s’est adouci. « Ça doit juste nous avoir trouvés pour toi. Il n’est pas possible que tu aies tout changé, a-t-il dit en prenant son Vinto qu’il a vidé d’un trait.

— Je voulais te le dire, parce que si c’est à cause de ça que tu m’aimes bien, ça pose une question d’éthique », ai-je dit, pour que ce soit parfaitement clair.

Il a ri, d’un rire un peu forcé. « Il va falloir que j’y réfléchisse. »

Nous sommes retournés à la gare par les rues détrempées, sans nous tenir par la main. Mais dans le train, qui était beaucoup plus vide qu’à l’aller, nous nous sommes assis ensemble, épaule contre épaule et, au bout d’un moment, il a mis son bras autour de moi. « C’est beaucoup à avaler, a-t-il dit. J’ai toujours voulu qu’il y ait de la magie dans le monde.

— Je préférerais les vaisseaux spatiaux, ai-je répondu. Ou s’il doit y avoir de la magie, qu’elle soit moins déroutante, de la magie avec des règles simples, comme dans les livres.

— Parlons de quelque chose de normal, a-t-il dit. Par exemple, pourquoi as-tu les cheveux si courts ? J’aime ça, mais c’est vraiment inhabituel.

— Ce n’est pas normal. Nous avions de longues tresses. Gramma nous tressait les cheveux, et après sa mort, nous nous les tressions l’une l’autre. Quand Mori est morte, je n’ai plus pu le faire et, dans un accès de… de fureur et de chagrin, je les ai coupées avec des ciseaux. Ensuite, mes cheveux étaient horriblement inégaux et mon amie Moira a essayé de les égaliser, en en coupant un peu de chaque côté, jusqu’à ce qu’il ne reste pratiquement plus rien. Depuis, je les ai gardés courts. Juste pour qu’ils soient partout de la même longueur. Pour éviter qu’ils fassent des épis.

— Pauvre petite, a-t-il dit en me serrant contre lui.

— Pourquoi as-tu les cheveux longs ? Pour un garçon, je veux dire.

— J’aime ça, tout simplement », a-t-il répondu en passant une main dans ses cheveux couleur de miel, ou de gâteau au miel.

À Gobowen, il a détaché son vélo. « À samedi, a-t-il dit.

— Dans le petit salon de thé à côté de la librairie ?

— Chez Mario, que je puisse boire un café correct. »

Je crois qu’il est important pour Wim d’être vu en public avec moi. Je suppose que ça a un rapport avec l’histoire de Ruthie et son sentiment d’être un paria.

Nous nous sommes encore embrassés avant que je monte dans le bus. J’ai eu un frisson jusque dans les doigts de pied. C’est aussi de la magie, en un sens, comme le « chi ».

Vendredi 8 février 1980

Aujourd’hui, rien.

On jouait aux devinettes au déjeuner, aujourd’hui, et j’ai demandé aux autres si elles préféraient rencontrer un elfe ou un Plutonien. Deirdre ne savait pas ce qu’était un Plutonien. « Un habitant de la planète Pluton. Comme un Martien, mais en mieux.

— Alors un elfe, a-t-elle dit. Et toi, Morwenna, qu’est-ce que tu préférerais être ? »

C’était typique de Deirdre de confondre « rencontrer » et « être », mais en un sens ça rend la question plus difficile. Qui vous préférez rencontrer concerne votre vision de monde, le passé et le présent, la fantasy et la science-fiction. Qui vous préférez être est… je ne peux pas m’empêcher de penser à la nouvelle de Tiptree Je me suis éveillé sur le flanc froid de la colline, qui réussit à être à la fois de la fantasy et de la science-fiction.

Lundi, j’ai rendez-vous chez le docteur.

Samedi 9 février 1980

Wim semble être toujours en avance, à part la fois où il avait crevé et était en retard au club de lecture, le premier soir. Il attendait chez Mario quand je suis arrivée, et m’avait même commandé un café.

Il a regardé mes livres de la bibliothèque, hochant la tête ou faisant des bruits désapprobateurs. L’Enfant perse de Mary Renault était arrivé et il a voulu savoir quel intérêt je trouvais à la fiction historique et, quand j’ai dit que je l’avais déjà lu, ce que je lui trouvais. Plusieurs filles que je connaissais étaient dans le café, avec des garçons du coin, y compris Karen, qui n’arrêtait pas de nous regarder avec un sourire narquois.

« Pouvons-nous aller autre part ? ai-je dit au bout d’un moment quand Wim a eu fini son café.

— Où ça ? a-t-il demandé. Il n’y a nulle part où aller. À moins que tu veuilles retourner à la chasse aux fantômes ?

— Ça ne me dérange pas, si tu veux. »

Juste à cet instant, Karen s’est approchée de notre table. « Viens aux toilettes avec moi, Coco », a-t-elle dit.

Wim a haussé les sourcils en l’entendant m’appeler ainsi, mais j’étais soulagée qu’elle ne m’ait pas appelée « La Boiteuse » ou « Bancroche » devant lui.

« Pas tout de suite, ai-je protesté.

— Si, viens », a-t-elle dit en faisant une mimique. Elle a posé la main sur mon bras et m’a pincée très fort. « Allez. »

C’était plus simple d’y aller que de faire une scène. Karen n’était pas exactement mon amie, mais était l’amie de Sharon et de Deirdre. J’ai soupiré et l’ai suivie. Les toilettes étaient peintes en rouge et il y avait un miroir surmonté d’une rangée d’ampoules nues. Karen a vérifié son maquillage – bien que ce soit tout aussi strictement interdit le samedi que les autres jours, elle en était tartinée.

« Craig, mon petit ami, dit qu’il a vu ton petit ami avec une autre fille à la discothèque hier soir : Shirley, celle qui travaille à la blanchisserie de l’école.

— Merci, ai-je dit. Je pourrais difficilement aller à la discothèque avec lui, non ?

— Ça ne te fait rien ? » Elle avait l’air incrédule.

Ça me faisait quelque chose, bien sûr, mais je n’allais pas le laisser voir. J’ai simplement souri, poussé la porte et suis retournée à ma table.

Wim était toujours là, ce qui m’avait brièvement inquiétée. Je me suis assise et lui ai pris la main, parce que je savais que Karen allait nous surveiller. « Partons, ai-je dit.

— Qu’est-ce qu’elle t’a raconté ? a-t-il demandé.

— Tu sais mieux que moi que, dans cette ville, tout le monde surveille tout le monde. » Je me suis levé et ai mis mon manteau.

Son visage s’allongea, mais il avait aussi l’air calculateur. « Mori, je…

— Viens », ai-je dit. Je n’allais pas en parler là, devant tout le monde.

« Comment cela peut-il marcher, de toute façon, si je ne te vois qu’au club de lecture et le samedi après-midi, plus quelques heures le jeudi à traîner à Shrewsbury ? » a-t-il demandé agressivement alors que nous montions la colline, passant devant Smiths et BHS. « Tu ne pourrais jamais aller à une fête avec moi.

— Je vois ça. Je n’y suis pour rien si je suis coincée à l’école. Tu as raison, ça ne va peut-être pas marcher.

— Alors tu pourrais rompre avec moi parce que je suis allé danser avec Shirley ? » Il m’a regardée d’un air interrogateur.

« Plus parce que je n’ai pas envie d’être humiliée qu’à cause de ce que tu as fait. Je veux dire que, manifestement, même si je n’étais pas coincée à l’école, je ne pourrais pas aller danser.