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J’ai écrit à tante Teg pour lui dire que je serais là dimanche prochain. Je n’avais pas acheté de carte pour Grampar l’année dernière, et pas non plus la semaine dernière, parce que Wim m’a distraite les deux fois. J’en apporterai une avec moi.

Mon nouveau souci avec Wim, c’est que ce ne soit pas vraiment moi qui l’intéresse, mais la magie que je peux lui apprendre.

Lundi 11 février 1980

L’Enfant perse est admirable. C’est peut-être le meilleur roman de Mary Renault. Stimulée, non pas directement par sa lecture, mais par la pensée générale de ses livres, j’ai aussi dévoré Phèdre et commencé Les Lois, mais j’ai vite été un peu perdue.

Miss Carroll semble approuver que je lise autre chose que de la SF. Elle m’a parlé de la Grèce antique et a évoqué la possibilité que je passe un O Level de grec en même temps que mes A Levels. Je ne sais pas si je vais préparer mes A Levels ici, mais si je le fais, ce serait un très bon plan. Je ne pense pas qu’on me laisserait faire comme Wim et continuer à mélanger les arts et les sciences. En plus, j’aimerais prendre l’anglais, l’histoire et le latin, ce qui est un ensemble d’options très conventionnel. J’aimerais aussi continuer la physique ou la chimie, mais comme l’a fait remarquer Miss Carroll, ne pas faire de maths rendrait ça difficile. Je pourrais réussir de justesse en maths, avec de la chance, mais c’est le mieux que je puisse espérer.

Chez le docteur, j’ai demandé si je m’entretenais en toute confidentialité et il m’a répondu bien sûr. J’ai alors demandé s’il pouvait me faire une ordonnance pour la pilule. Il m’a demandé si j’étais sexuellement active, j’ai dit pas encore, mais que je l’envisageais. Il a regardé ma date de naissance et fait la moue, mais il m’a donné l’ordonnance. Il a dit qu’il fallait la prendre pendant un cycle entier avant que ça marche, que je devais commencer à la prendre le premier jour de mes règles et que si je l’oubliai un jour, mais pas davantage, ça irait, et qu’il fallait la prendre tous les jours à la même heure. Je suis passée à la pharmacie au retour. J’ai acheté aussi une boîte de préservatifs (histoire d’être prête) et une barre Cadbury’s Dairy Milk, plus pour déguiser le reste que parce que j’en avais envie, même si je l’ai quand même mangée.

Je garde les pilules et les préservatifs dans mon sac, parce que c’est l’endroit le plus sûr.

Mardi 12 février 1980

Deirdre s’est presque fait prendre à copier ma version de Virgile, aujourd’hui. Il y a deux verbes, progedior et proficiscor, tous deux bizarrement utilisés tout le temps à la forme passive, en plus le préfixe pro veut dire dans un cas « en avant », dans l’autre « hors de », et je les confonds toujours, ce que j’avais fait dans mon brouillon que Deirdre avait copié. Miss Martin, qui n’est pas bête, nous a regardées toutes les deux d’un air sévère en disant que les erreurs sur les verbes passifs semblaient contagieuses, quand Deirdre a lu ce passage à haute voix, puis elle l’a fait venir au tableau pour traduire la suite, qu’on ne nous avait pas demandé de préparer. Elle ne s’en est pas trop mal tirée, je pensais donc que nous allions nous en sortir. Puis Miss Martin m’a fait analyser la suite, encore sans l’avoir préparée. Après la classe, pendant que la cloche sonnait et que tout le monde partait en courant dans le couloir pour le cours de physique, elle m’a arrêtée et a demandé : « Morwenna, Deirdre et toi, vous avez un peu coopéré sur ce passage de Virgile ?

— Elle était un peu bloquée », ai-je répondu, ce qui était vrai, et semblait plus prudent que d’avouer qu’elle avait tout copié.

« Elle n’apprendra jamais, si elle n’apprend pas à apprendre par elle-même », a dit Miss Martin, ce qui ressemble à un aphorisme – peut-être même un aphorisme latin, mais il aurait tenu en beaucoup moins de mots !

Une lettre de Daniel pour dire qu’il passera me prendre vendredi et qu’il est d’accord pour que j’aille dimanche à Aberdare, et aussi que je pourrais avoir une surprise avant ça. Je me demande ce qu’il veut dire. Il m’a peut-être envoyé des livres séparément ?

Club de lecture ce soir, où nous devons parler de Pavane.

Mercredi 13 février 1980

Hussein animait la rencontre et nous n’avons pas parlé seulement de Pavane, mais aussi du génial roman de Brunner, À perte de temps, du Maître du Haut Château de Dick (que je n’ai pas lu), d’Autant en emporte le temps de Ward Moore et du concept d’histoire parallèle. Nous avons aussi évoqué Les Temps parallèles, Les Gardiens du Temps et Futur intérieur (à commander !) de Christopher Priest, que Wim assure être génial. La question s’est posée de savoir si c’était vraiment de la SF, ce que c’est manifestement, et s’il y avait une différence entre le genre d’histoire de « paratemps », comme Kalvan d’Outre-temps, et un livre comme Pavane qui se situe entièrement dans un univers où l’histoire a suivi un autre cours.

Nous revenions sans cesse à Pavane et à la façon dont l’histoire se déroule sur un tel laps de temps, ce qui lui donne de la perspective et en fait de la SF, d’après Greg. Puis Brian a mentionné les histoires de Lord Darcy (j’adore Randall Garrett !) et a demandé si c’était de la SF, ce qui serait de l’escroquerie, parce que c’est manifestement de la fantasy, sauf qu’elles ne sont pas du tout comme de la fantasy, elles sont comme de la SF. Harriet trouvait qu’elles entraient plutôt dans la même catégorie que les Contes de Dunsany, elles étaient baroques. J’ai dit que je n’étais pas d’accord (peut-être trop véhémentement), parce que je pense que la façon dont elles sont de la SF est le contraire du baroque, elles prennent la magie et la traitent comme un autre aspect de la science, en particulier dans Tous des magiciens !

Janine a l’air de ne pas vouloir me parler, et Pete non plus. Ça leur passera, d’après Wim. Je l’espère.

Hugh avait l’air un peu désorienté. Greg croit – il me l’a dit dans la voiture – qu’il pensait sans doute que lui et moi allions automatiquement nous mettre ensemble, parce que nous avions le même âge. Je n’ai jamais rien entendu d’aussi stupide de toute ma vie, parce que si j’aime bien Hugh, je n’ai jamais pensé à lui deux secondes de cette façon. Greg s’est contenté de rire et a dit que ces choses s’arrangent d’elles-mêmes, et avais-je lu McCaffrey ? Je ne sais pas quel peut être le rapport, mais nous avons parlé d’empreindre des dragons tout le reste du trajet.

Wim me rejoint encore demain à Gobowen. Il a l’air de trouver que ce n’est pas nous voir très souvent, mais je pense que c’est beaucoup. J’ai besoin de temps entre deux rencontres pour réfléchir… et pour tout écrire ! Je suppose que ce n’est pas son cas.

J’ai pensé un peu tard que demain c’est la Saint-Valentin. Mais il n’y fera sans doute pas attention… ou bien si ? Je n’en ai pas la moindre idée. Miss Carroll pense que c’est possible et que je devrais avoir quelque chose à lui offrir s’il me fait un cadeau. Le problème, c’est que je n’ai rien. Elle a suggéré un livre, et ça serait une super idée, si j’avais le temps de passer dans une librairie. Je pourrais lui dessiner une carte. Enfin, sauf que personne ne voudrait d’une carte que j’aurais dessinée. Je pourrais écrire un poème, ou plus exactement écrire joliment un des poèmes que j’ai déjà écrits sur lui. Mais s’il ne l’aime pas ? Nous n’avons jamais parlé poésie, je ne sais pas s’il aime ça ou non. S’il ne détestait pas Heinlein, je pourrais lui offrir The Number of the Beast, mais c’est exclu. Je n’ai rien d’autre de neuf, et il a probablement tout ce que j’ai ici.