Выбрать главу

— Un peigne dans un marais ? a-t-il répété. Qu’est-ce que ça a fait ?

— Ça a fait s’éloigner quelqu’un qui en est mort », ai-je dit en détournant les yeux, regrettant de l’avoir mentionné.

« Tu vas faire ce genre de trucs tout le temps ? a-t-il demandé.

— Je ne sais pas. Je l’ai toujours fait. Mais je leur suis moins utile maintenant. Et je crois… je crois que les enfants sont meilleurs pour ça parce qu’ils sont moins nuancés.

— Je peux t’aider, a-t-il dit.

— Je verrai. Si je pense que tu pourrais m’aider, je te le ferai savoir et tu pourras accourir. »

Il s’est calmé, Dieu merci.

Nous sommes revenus au Vieux Manoir à travers champs. Il y a un sentier, que Daniel m’avait montré sur la carte et qui était facile à trouver, à l’exception d’un passage où un panneau avait été abattu. Tout autour, il n’y a que des cultures.

Les tantes ont été très gentilles avec Wim, quoique d’une condescendance révoltante. Elles lui ont demandé ce que faisait son père. J’ai été surprise de découvrir qu’il était fermier. Wim ne ressemble pas du tout à l’idée que je me faisais d’un fils de fermier. Sa mère travaille comme cuisinière à mi-temps à l’hôpital. Il a deux petites sœurs de huit et six ans qui s’appellent Katrina et Daisy. Je ne savais rien de tout ça, alors qu’il sait tout de ma drôle de famille. Je savais que je parlais trop !

Le thé a été un désastre, cake indigeste, scones desséchés, thé insipide et, parce que c’était un thé dînatoire, tranches de jambon racornies. Le pain était bon, Daniel l’avait rapporté de Shrewsbury.

Elles n’ont pas essayé d’user de magie contre Wim, je suis sûre que je l’aurais remarqué. Elles l’approuvaient. C’était normal, c’était ce qu’elles attendaient de moi. La Gentille Nièce avait son amoureux, et s’il n’était pas exactement ce qu’elles escomptaient, Wim pouvait faire l’affaire. Du moment que j’allais grandir, m’en aller et ne pas perturber leur monde, elles pouvaient me supporter. Elles n’étaient pas méchantes, tout compte fait, elles étaient juste bizarres d’une façon très anglaise.

Je suis allée raccompagner Wim à la gare avec Daniel. « N’oublie pas, téléphone tous les jours, et si tu as besoin de moi, j’arrive de suite. Je peux être là en trois heures et demie », a-t-il dit. C’est si gentil de sa part, vraiment gentil. Je le revois dans un peu plus d’une semaine.

Dimanche 17 février 1980

Dans le train.

Le Monde inverti est bizarre. Je ne suis même pas sûre que ce soit de la science-fiction. Au début, j’ai pensé que j’aimais vraiment, mais maintenant je n’en suis plus sûre du tout.

Tante Teg doit me retrouver à la gare de Cardiff. Mais si elle n’est pas là, ce n’est pas grave. J’ai 6,72 livres. D’une certaine façon, l’argent, c’est la liberté, ou plutôt l’argent veut dire qu’on a le choix. Je crois que c’est ce à quoi pensait Heinlein.

Ce train suit tout le temps la frontière galloise. Un jour, il faut que j’aille en Galles du Nord, ou même de l’autre côté de la frontière que Wim dit n’être qu’à quelques miles d’Oswestry. C’est marqué sur ma carte, je le sais maintenant. Je voudrais qu’on nous apprenne la cartographie, en cours de géographie, au lieu de cette stupide ère glaciaire tout le temps. Quoique je suppose que ça aide à voir le paysage, ou du moins où se trouvaient les glaciers. Dans certaines parties du monde, il y a eu si longtemps des glaciers qu’ils ont complètement usé les montagnes et que tout est comme le fond plat d’un lac, à part d’anciennes cheminées volcaniques dégagées par l’érosion. Ça doit être super à voir, mais je suis contente que ce ne soit pas arrivé ici. J’aime les montagnes comme elles sont.

En dépassant Abergavenny (et en passant la frontière du pays de Galles), il y eut une soudaine floraison de primevères sur le talus. Il faudra que je pense à le dire à Grampar. Les jonquilles seront à Cardiff bien en avance pour la Saint-David.

J’ajoute ceci chez tante Teg, juste avant d’aller au lit.

Nous sommes passées voir Grampar à l’heure de la visite. À ma grande horreur, quand nous sommes arrivées, tante Flossie était là, ce qui aurait été très bien, mais elle était accompagnée de tante Gwennie, une des personnes que j’aime le moins au monde. Il n’y a guère pire qu’une salle commune pleine de vieillards séniles et mourants, et elle était là. Tante Gwennie n’a aucun tact, ni aucune gentillesse. Elle est brutale et agaçante, et se glorifie de dire ce qu’elle pense. Elle a quatre-vingt-deux ans, mais ce n’est pas parce qu’elle est vieille et intolérante, Gramma disait qu’elle était déjà comme ça à l’âge de six ans.

« Alors, pourquoi t’es-tu enfuie de chez Liz ? m’a-t-elle lancé en guise de salut.

— Parce qu’elle est folle et qu’il est impossible de vivre avec elle », ai-je répliqué. Il faut lui tenir tête, sinon elle vous marche dessus. « Pourquoi la famille a-t-elle pensé que c’était un endroit judicieux où m’envoyer vivre ?

— Peuh. Et comment apprécies-tu de vivre avec ton bon à rien de père ?

— Je ne le vois pas beaucoup, je suis toujours à l’école », ai-je répondu, ce qui était une façon de me défiler, je l’avoue.

Nous avions, bien sûr, réussi à cacher à Grampar que Daniel m’avait recueillie, mais cela éclatait maintenant au grand jour. Pour essayer de revenir à un sujet moins polémique, tante Teg a parlé des plans qu’elle envisageait pour faire sortir Grampar de Fedw Hir pendant les grandes vacances, quand elle pourrait prendre le relais si on ne trouvait pas d’autre arrangement. Tante Gwennie a suggéré immédiatement qu’elle arrête l’enseignement et vende son appartement pour retourner à Aberdare et s’occuper de Grampar à plein-temps. Quelle idée ! Imaginez un peu quand il mourra ! Je n’arrive pas à croire que des gens égoïstes comme tante Gwennie pensent que les autres devraient se sacrifier. Elle dit des choses, et vous restez simplement là parce que vous ne pouvez pas croire que ce qu’elle a dit est vraiment sorti de sa bouche. Grampar lui a interdit de dire de telles absurdités, c’est ma seule satisfaction.

Mais tante Gwennie a raconté comment elle avait perdu son permis de conduire, et c’est vraiment drôle. Elle a quatre-vingt-deux ans, vous vous souvenez ? Elle allait de Manchester, où vit son horrible fille, à Swansea, où elle habite. Elle était sur la route des vallées, qui est une nationale à deux fois deux voies, mais pas une autoroute, donc la vitesse est limitée à soixante miles à l’heure. Elle roulait à quatre-vingt-dix. Elle s’est fait arrêter par un policier – « un jeune blanc-bec de policier », a-t-elle dit. « Savez-vous à quelle vitesse vous alliez, madame ? a-t-il demandé.

— Quatre-vingt-dix », a-t-elle répondu, sans aucune honte et sans chercher à se cacher.

« Vous êtes consciente que sur cette route la vitesse est limitée à soixante ?

— Jeune homme, a répliqué tante Gwennie, je roulais à quatre-vingt-dix sur cette route avant même que vous soyez né.

— Alors il est grand temps de vous retirer votre permis », a-t-il répondu du tac au tac. Il le lui a confisqué et depuis elle doit prendre le train !

Contrairement à moi, elle n’aime pas ce moyen de transport. « Je ne peux pas supporter ça. Je déteste la gare de Crewe. Je ne supporte pas d’y changer de train. Il faut aller jusqu’au quai no 12, monter un escalier et puis redescendre ! Je ne ferai plus jamais ça ! Non, Luke, c’est la dernière fois que tu me vois. Je ne descendrai plus en Galles du Sud jusqu’à ma mort, et alors ce sera mon cercueil qui fera le changement à Crewe ! »