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Une fois là, j’ai pu me tenir aux barreaux de la grille pour m’aider à marcher. C’était presque aussi bien qu’une canne. Je n’avais qu’à aller jusqu’à l’arrêt de bus. Ma vieille canne était dans la maison de Grampar. Puis j’ai vu que j’étais exactement comme cette idiote de Fanny Robin, dans le livre stupide de Hardy, à me traîner le long de la grille, et j’ai éclaté de rire.

Quand je suis arrivée au bout de la grille, à côté de l’arrêt de bus, riant toujours un peu, je les ai vus en face de moi.

J’ai été légèrement surprise de voir Wim, étonnée de voir Daniel (comment s’était-il éclipsé ?) et complètement éberluée de voir Sam. Tous trois avaient apparemment surgi du néant comme la Trinité, mais, bien sûr, l’explication était simple. Wim avait décidé de venir et il avait téléphoné à Daniel qui avait appelé Sam. Ils ne m’avaient pas vue me changer en flamme et transformer les pages en arbres, du moins pas Daniel. Je pense que Wim avait peut-être vu quelque chose du coin de l’œil. Je ne sais pas ce qu’avait vu Sam. Il souriait simplement.

Je n’avais pas besoin de leur raconter quoi que ce soit, mais c’était merveilleux de les voir.

Mercredi 20 février 1980

Nous sommes montés en voiture pour aller chercher ma canne, puis nous sommes tous allés voir Grampar à Fedw Hir. Il n’est pas près de pardonner à Daniel, mais c’est comme ça. Tante Teg a fait à dîner pour tout le monde, avec mon aide, puis nous avons décidé de passer la nuit dans la maison de Grampar, parce qu’il n’y avait pas vraiment la place dans l’appartement. C’était comme un de ces rêves où tout le monde est au mauvais endroit. Grampar aime bien Wim. Il a toujours voulu un fils. Et Wim aime vraiment bien Sam. C’est si étrange de les voir tous réunis ici.

Et je suis là, toujours en vie, toujours de ce monde. J’ai bien l’intention de continuer à vivre dans ce monde, jusqu’à ma mort. À Pâques j’irai à Glasgow et je verrai à quoi ressemblent les fans de science-fiction. En juin je passerai mes examens, qui me donneront des qualifications. Puis je préparerai au mieux mes A Levels. J’irai à l’université. Je vivrai, et je lirai, et j’aurai des amis, un karass, des gens à qui parler. Je grandirai et j’évoluerai et je serai moi-même. Je fréquenterai les bibliothèques partout où j’irai. Je finirai peut-être par fréquenter des bibliothèques d’autres planètes. Je parlerai aux fées que je vois et je pratiquerai la magie quand ça se présentera pour empêcher le mal – je ne vais rien oublier. Mais je n’y aurai pas recours pour tricher ou rendre ma vie meilleure ou aller contre l’ordre naturel. Il se passera des événements que je ne peux imaginer. Je changerai et grandirai dans un futur inimaginablement différent du passé. Je vivrai. Je serai moi. Je lirai mes livres et ne les jetterai jamais à l’eau, ni ne casserai ma canne. J’apprendrai tant que je vivrai. Enfin viendra la mort et je mourrai, et par la mort j’accéderai à une nouvelle vie, ou au ciel, ou à ce qu’il est censé arriver d’inconcevable aux gens quand ils meurent. Je mourrai et je pourrirai et je rendrai mes cellules à la vie, conformément au schéma, quelle que soit la planète sur laquelle je me trouverai être.

C’est la vie, et j’ai l’intention de vivre comme ça.

Les Portes d’Ivrel est vraiment excellent.