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— Alors comme cela, commença le chargé de relations presse, vous souhaitez faire un reportage sur ce jeune marin mexicain décédé ce matin, pour Le SeinoMarin ?

En dépit des relations qu’il devait avoir avec les plus grandes revues du monde, Maline ne perçut aucun mépris dans sa voix.

— Oui. C’est cela. Mieux le connaître. Lui rendre hommage.

— C’est juste. Je n’ai aucune raison de ne pas vous aider en ce sens. De toutes les façons, votre patron est certainement le journaliste le plus influent de toute l’Armada. J’ai appris depuis dix jours que personne ne lui refusait rien ici.

Maline rougit. Le beau gosse était habile, en plus. Elle cherchait à éviter de se laisser hypnotiser par ses yeux, par sa chemise ouverte quand il se penchait vers la table basse. Elle se sentait toujours troublée. Ce type avait pris l’avantage sur elle. Dès le départ. Elle tourna son regard vers la chambre. Olivier Levasseur l’avait laissée ouverte.

Volontairement ?

Dans l’angle, elle apercevait un coin de lit, des draps froissés, la fameuse serviette qui lui avait épousé les fesses, jetée en boule. Elle se dit que si elle penchait encore la tête, elle ne manquerait pas de tomber sur une cravate, un caleçon, des haltères… La tanière du fauve !

Olivier Levasseur avait suivi son regard :

— Excusez-moi, mademoiselle Abruzze. Je campe un peu ici. Je ne suis là que pour dix jours. Ça doit vous sembler terriblement prétentieux, mais comme j’ai tendance à beaucoup voyager et à devoir être opérationnel très rapidement entre deux vols, j’intègre toujours dans mes contrats de pouvoir étaler le plus de travail possible dans ma chambre d’hôtel. Notamment la plupart des interviews, des réunions… De toutes les façons, je travaille surtout pour l’international, je dois jongler en permanence entre les fuseaux horaires, alors, presque tout se fait par webcam ou par Blackberry maintenant…

Il attrapa sa tasse d’un mouvement de poignet racé et continua

— Mais, mademoiselle Abruzze, vous n’êtes pas là pour m’écouter. Je vous ai déjà assez fait perdre votre temps. Qu’est-ce que vous attendez exactement de moi ?

Deux lasers vert clair se plantèrent dans la chair de Maline. Elle frissonna. Il ne pouvait pas ne pas l’avoir remarqué. Elle parvint tout de même à répondre :

— Vous parlez espagnol je crois. Et vous devez connaître le capitaine du Cuauhtémoc. Pourriez-vous m’organiser un rendez-vous avec lui ? Avec lui et quelques-uns des amis de ce jeune Mexicain défunt.

— Cet infortuné Carlos Jésus Aquileras Mungaray, prononça Levasseur d’un seul trait.

Le chargé de relations presse se leva, dominant encore un peu plus la journaliste :

— Aucun problème, mademoiselle Abruzze. C’est un service que je me ferai un plaisir de vous rendre. Je suppose que c’est urgent ?

Maline hocha la tête. Levasseur prit le temps de la réflexion.

— Bien. Je dois recevoir cet après-midi une télévision chinoise, un consortium de presse scandinave et un magazine people canadien à très gros tirage. Tous ceux-là, je ne peux pas les déplacer… Mais les autres pourront attendre. Si on se donne rendez-vous cet après-midi, devant le Cuauhtémoc, vers dix-sept heures, cela vous convient ?

— Parfait !

Maline se leva à son tour.

Olivier Levasseur la raccompagna avec élégance jusqu’à la porte. Dans le couloir, elle dut à nouveau effleurer le corps cuivré du chargé de communication, sentir son odeur, sans aucun artifice, serrer sa main ferme.

La lourde porte de chêne se referma sur elle.

Elle respira profondément. Il y avait longtemps qu’un homme ne l’avait pas troublée à ce point.

Elle tenta de se raisonner.

Ce type était un communicant de haut vol, un séducteur professionnel. Toute sa mise en scène était parfaitement rodée, des tentures indiennes à la serviette en boule.

Elle n’était plus une gamine, elle n’allait pas tomber dans le panneau. Elle descendit l’escalier en pierre et se retrouva place de la Pucelle. Elle s’installa en terrasse et commanda un Perrier. Terminé, le café ! Elle avait du travail, des articles à écrire, à relire, elle avait pris beaucoup de retard.

Elle travaillait depuis une demi-heure lorsque son portable l’interrompit.

C’était Sarah Berneval.

Elle tenait à l’informer que le téléphone de Mungaray avait sonné une nouvelle fois, au commissariat. Elle lui retranscrit le message en espagnol.

«No puedo permanecer lejos ti más mucho tiempo.»

Maline possédait quelques notions d’espagnol. Elle pouvait à peu près traduire. Comme après le premier SMS, elle eut l’impression lancinante que ces mots lui étaient familiers.

Elle les avait déjà entendus quelque part.

Quelque part enfouis dans la mémoire lointaine de son enfance.

13. Arrêt sur image

11 h 17, commissariat de Rouen, 9, rue Brisout-de-Barneville

Raynald Marsac faisait la gueule. Logiquement, il devait être de repos. On l’avait rappelé chez lui il y avait près de deux heures.

Ordre formel du commissaire.

Convocation !

Tout cela pour s’asseoir sur une chaise et regarder dix heures de film d’une caméra fixe sur les quais de Rouen. Passionnant ! Quand il pensait à la terrasse qu’il avait à finir dans son pavillon, ça le déprimait. Pour une fois qu’il était de repos en semaine, un jour où il faisait beau. La poisse. C’était toujours la même chose. En plus, l’inspectrice Cadinot, la pète-sec, l’avait prévenu. Il avait hérité de la bande la plus importante, celle de la caméra la plus proche du Cuauhtémoc, le voilier mexicain en face duquel on avait retrouvé le cadavre.

Il lui fallait ouvrir l’œil. Elle lui avait répété au moins cinq fois. Il n’était pas con, il avait compris. Elle lui avait conseillé de regarder en priorité la tranche horaire entre deux et six heures du matin.

Rien que cela !

Elle lui avait donné une photo du pauvre gars mexicain, et c’était tout. La seule consolation, c’était qu’il avait aussi ordre d’essayer de repérer une fille blonde, plutôt bien roulée, qui théoriquement accompagnait la victime.

Sacré métier ! Il y aurait de quoi écrire un livre. Etre payé à mater les filles ! Quand il raconterait cela aux copains… Bon, allez, il fallait rester concentré !

Trois quarts d’heure plus tard, alors que l’horloge lumineuse de la bande affichait deux heures trente-sept du matin, Raynald Marsac écarquilla les yeux. Un détail l’intrigua. Les quais étaient quasiment déserts, maintenant. Pourtant, il apercevait un homme passant devant le Cuauhtémoc, pour s’arrêter un peu plus loin, presque à l’endroit où le corps du mexicain avait été retrouvé, devant l’embarcadère fermé d’un bateau-promenade, le Surcouf. Il attendit quelques instants, et un autre homme le rejoignit, sortant du bateau-promenade. Un marin, sans doute, ou le capitaine. Les deux individus parlaient, vivement apparemment.

Bizarre !

Bizarre, parler affaires à plus de deux heures du matin. D’autant plus bizarre que le premier homme avait une attitude un peu louche. Raynald Marsac était habitué à repérer ce genre de comportement. Le type sur la bande avait l’attitude d’un homme inquiet qui a quelque chose à se reprocher et cherche à ne pas se faire repérer.

Il saisit la télécommande, revint en arrière et repassa la bande, se positionnant plus près de l’écran. Il guetta le court moment où l’inconnu tournait son visage vers la caméra et stoppa l’image. La résolution n’était pas excellente, mais cela suffisait.