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Il approcha encore ses yeux.

Nom de Dieu !

Il connaissait ce visage !

Il ne manquait plus que cela !

Il regarda à nouveau. Après tout, cela pouvait être quelqu’un qui lui ressemblait. Il insista quelques longues secondes. Non, pas de doute. L’image était formelle. Il pensa un instant aller sur internet pour vérifier, mais il savait que ce n’était pas la peine. Il lisait les journaux. Il avait une bonne mémoire.

Une bouffée de chaleur monta en lui : il allait devoir annoncer sa découverte au commissaire. Ça risquait de remonter jusqu’en haut lieu, en très haut lieu même. Est-ce que son nom allait apparaître quelque part ? Il espérait que non. Ça allait faire du grabuge, il n’avait aucune envie d’être mêlé à tout cela.

Il se dit qu’avant de tout déclencher, deux avis valaient mieux qu’un. Et puis, au moment d’annoncer la nouvelle au commissaire, être plusieurs ne serait pas plus mal. Il alla chercher le collègue, qui dans la pièce d’à côté était consigné au visionnage d’une autre caméra.

14. Miss en Seine

12 h 37, place de la Pucelle

Toujours confortablement installée en terrasse, place de la Pucelle, Maline avait commandé une bière et relisait la fin de son article sur les Miss Armada. Une tradition ! Toutes les communes de la vallée de la Seine pouvaient concourir. Une Miss par commune ! Plus d’une vingtaine de jeunes filles s’étaient lancées dans la compétition, dimanche dernier.

Maline avait essayé de faire preuve d’humour. Un peu, pas trop. Miss Petit-Couronne, Miss La Bouille ou Miss Vieux-Port, c’était certain, on pouvait vite tomber dans le second degré. Maline essayait juste de trouver un angle décalé. Ça faisait aussi partie du jeu, de la fête. Ce n’était pas une vieille fille comme elle qui allait donner des leçons à ces jeunes filles pleines de vie, qui prendraient mari, enfants et pavillon avec vue sur le fleuve bien avant elle. Elle chercha une conclusion amusante pour son article. Elle mordillait son stylo plume en cherchant l’inspiration. Le pauvre capuchon n’avait presque plus de forme…

Elle s’envola dans ses pensées. Son père lui avait offert ce stylo plume pour ses trente ans. Elle s’en servait encore : un record ! C’est vrai, que de plus en plus souvent, elle rédigeait directement sur son ordinateur portable. Mais son stylo plume, avec plume d’or, « hyper résistante », son père avait été formel, ne la quittait jamais. Il lui arrivait souvent de griffonner une idée, sur un ticket, une facture, ou n’importe quoi se trouvant à sa portée. Ses pensées passaient par ce vieux stylo plume, comme un lien indirect avec son père. A défaut de savoir renouer plus directement le contact.

Cela donna envie à Maline de consulter sa messagerie. Rien ! Elle fut presque déçue. Son père devait en avoir eu assez de laisser des messages sans réponses. Elle hésita un instant à l’appeler. Que pouvait-il faire en ce moment ?

Comme toujours, elle finit par remettre cela à plus tard. Elle avait la tête trop embrouillée, elle n’avait pas envie de répondre à ses questions indiscrètes, elle avait peur de ne pas trouver de place dans son agenda pour passer le voir. Toutes les excuses étaient bonnes. Elle se fit intérieurement la promesse de l’appeler avant la grande parade des voiliers de Rouen jusqu’au Havre pour lui proposer de l’emmener sur les bords de Seine. Comme au bon vieux temps !

Un serveur passa. Maline commanda une salade au hasard, la dernière sur la liste, sans même regarder la composition. Elle adorait au restaurant ne pas savoir ce qui allait arriver dans son assiette. C’est un plaisir rare, finalement, quand on y pense.

Les terrasses de la place commençaient à être prises d’assaut. Maline appréciait beaucoup le charme de la place de la Pucelle, son admirable restauration, mélangeant immeubles modernes et édifices Renaissance. Elle jeta un regard vers la tourelle de l’hôtel de Bourgtheroulde. Olivier Levasseur travaillait derrière l’une de ces fenêtres. Décidemment, elle avait du mal à se remettre de cette rencontre. Maline avait eu l’impression que toute cette mise en scène n’était qu’un jeu, un jeu pour la déstabiliser ; toute cette histoire d’appartement transformé en bureau n’était qu’une géniale idée de marketing. Ainsi, Levasseur imposait immédiatement sa personnalité aux visiteurs, prenait l’ascendant, bien plus que dans n’importe quelle autre salle de réunion. Tout ceci n’était que du bluff ! Ce type, avant toute chose, était un joueur. Maline se surprit à sourire toute seule : cela tombait bien, elle aussi, elle était joueuse ! Et si le bel Olivier avait joué le match aller à domicile, Maline allait choisir le terrain du match retour… Elle commença à échafauder son plan dans sa tête pendant que le serveur lui apportait sa salade.

Salade balinaise, annonça-t-il.

Pendant l’Armada, les restaurants faisaient preuve d’imagination pour proposer des cartes aussi exotiques que les voiliers amarrés. Maline détailla : crevettes, pousses de bambou, concombre, jambon cuit, champignons, céleri.

Maline sourit pour elle-même. Original ! Le hasard avait bien fait les choses ! En plus, elle commençait à avoir une idée assez précise de sa tactique pour jouer le match retour. Il fallait simplement qu’elle repasse chez elle, mais elle avait le temps avant dix-sept heures.

En attaquant sa salade, elle repassa dans sa tête la liste des choses qu’elle avait à faire. Trouver une idée de cadeau d’anniversaire, pour elle ! Trouver des idées de cadeau de mariage. Elle connaissait trois couples qui allaient se marier avant la fin du mois. Les fous ! Pourquoi avaient-ils tous cette envie suicidaire de se marier ? C’était sans doute une banalité de magazine féminin, mais c’était néanmoins la vérité : tous les mecs bien étaient déjà casés. Certes, quelques divorcés revenaient un jour ou l’autre sur le marché ; mais les seuls qui avaient du plomb dans la cervelle avaient forcément des mômes. Les plus intéressants les avaient même en garde alternée. Maline grimaça pour elle-même. Elever les gosses d’une autre, non merci ! Déjà qu’élever les siens, elle ne le sentait pas… Si jamais elle en avait un jour.

Merde ! Ce n’était pas le moment de déprimer… Maline décapita rageusement une innocente crevette, prétendument indonésienne. La liste de mariage de ces crétins attendrait après l’Armada ! L’urgence, c’était ce meurtre. Son boulot ! Il fallait qu’elle arrive à se concentrer sur cette affaire. Trouver un peu d’empathie pour ce malheureux matelot mexicain. Elle n’avait pas la moindre idée d’article.

Elle restait stupidement obsédée par ces SMS en espagnol.

Maline avala péniblement un bâton de céleri et grimaça.

Très original ma grande, pensa Maline pour elle-même, le coup de la salade surprise. Le céleri donne un goût infâme à tout le reste !

Elle essaya encore d’avaler quelques bouchées…

Rien à foutre, se répondit-elle tout en repoussant sa spécialité balinaise. Cet après-midi, je me fais Olivier Levasseur !

15. Nicolas Neufville

13 h 18, commissariat de Rouen, 9, rue Brisout-de-Barneville

Le commissaire Paturel entra dans le couloir comme une tornade.

— On ne pouvait pas me prévenir plus tôt ?

— J’ai essayé, plaida Sarah Berneval en essayant de suivre son rythme, ce qui n’était pas facile avec ses talons aiguilles.

— J’étais retourné chez moi pour faire à manger à mes gosses. C’est pas un crime, tout de même ? Je n’ai même pas eu le temps de mettre les barquettes dans le micro-ondes ! Allez plutôt me chercher un sandwich, Sarah.