Elle espère que le moment venu, Barb aura autant de chance.
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« Oh doux Jésus en culottes courtes », dit Holly, et elle se frappe le front de la paume de la main. Elle en a terminé avec le Poste 1 de Brady — pas grand-chose dedans — et s’est déplacée devant le Poste 2.
Jerome lève les yeux du Poste 5, qui semble avoir été exclusivement dédié aux jeux vidéo, la plupart du genre de Grand Theft Auto et Call of Duty. « Quoi ?
— C’est juste que de temps en temps je tombe sur des gens plus tarés que moi, dit-elle. Et ça me réconforte. C’est horrible, je sais, mais je peux pas m’en empêcher. »
Hodges se lève de l’escalier en grognant et s’avance pour regarder. L’écran est rempli de petites photos. À première vue, ça ressemble à d’inoffensives pin-up comme celles sur lesquelles lui et ses copains bavaient dans des magazines comme Adam et Spicy Leg Art dans les années cinquante. Holly en agrandit trois et les dispose en ligne. Voici Deborah Hartsfield en robe transparente. Et Deborah Hartsfield en nuisette. Et Deborah Hartsfield en string et soutien-gorge assortis roses à dentelle.
« Mon Dieu, mais c’est sa mère », dit Jerome. Son visage reflète un mélange de répulsion, de stupeur et de fascination. « Et on dirait qu’elle a posé. »
Hodges a la même impression.
« Ouaip, dit Holly. Docteur Freud, j’écoute. Pourquoi est-ce que vous n’arrêtez pas de vous frotter l’épaule, monsieur Hodges ?
— Je me suis froissé un muscle », dit-il.
Mais il commence à en douter.
Jerome jette un bref regard vers l’écran du Poste 3, tourne à nouveau les yeux vers les photos de la mère de Brady Hartsfield, puis y regarde à deux fois. « Wouah, dit-il, regardez ça, Bill. »
Posée dans le coin inférieur gauche du bureau du Poste 3, il y a l’icône du Parapluie Bleu.
« Ouvre-le », dit Hodges.
Il l’ouvre, mais le dossier est vide. Aucun message en attente d’envoi, et, comme ils le savent désormais, tous les anciens messages postés sur le Parapluie Bleu de Debbie sont automatiquement expédiés dans les limbes des données électroniques.
Jerome s’assoit devant le Poste 3. « Ça doit être sa bécane de recherche, Hols. À tous les coups. »
Elle le rejoint. « Je pense que les autres sont là pour l’effet — pour lui donner l’impression d’être au poste de contrôle du vaisseau spatial Enterprise ou un truc dans le genre. »
Hodges montre du doigt un dossier marqué 2009. « Jetons un coup d’œil à ça. »
Un clic de souris fait apparaître un sous-dossier intitulé CITY CENTER. Jerome l’ouvre et ils se retrouvent face à une longue liste d’articles sur ce qui s’y est passé en avril 2009.
« La revue de presse de ce salopard, dit Hodges.
— Vérifie tout ce qu’il a dans celui-là, dit Holly à Jerome. Commence par le disque dur. »
Jerome l’ouvre. « Oh, merde, regardez ça. » Il montre du doigt un dossier intitulé EXPLOSIFS.
« Ouvre-le ! dit Holly en lui secouant l’épaule. Ouvre-le, ouvre-le, ouvre-le ! »
Jerome obéit, révélant un autre sous-dossier bourré de fichiers. Des tiroirs dans des tiroirs, se dit Hodges. Un ordinateur n’est vraiment rien d’autre qu’un bureau victorien à cylindre, avec compartiments secrets et tout.
Holly s’exclame : « Hé les gars, regardez. » Elle tend le doigt. « Il a téléchargé tout le Livre de recettes anarchistes avec BitTorrent. C’est illégal !
— Ah bon ? » fait Jerome, et elle lui balance une bourrade dans le bras.
La douleur empire dans l’épaule de Hodges. Il retourne s’asseoir lourdement sur l’escalier. Jerome et Holly, agglutinés sur le Poste 3, ne le remarquent pas. Il pose ses mains sur ses cuisses (mes grosses cuisses, se dit-il, mes trop grosses cuisses) et commence à inspirer à longues et lentes bouffées. Le pire qui pourrait arriver maintenant serait d’avoir une crise cardiaque dans une maison où il est entré par effraction avec un mineur et une femme légèrement à l’ouest. Une maison où la pin-up préférée d’un assassin complètement taré est étendue raide morte à l’étage.
Non, mon Dieu, pas une crise cardiaque. Par pitié.
Il inspire à longs traits. Il étouffe un rot et la douleur commence à diminuer.
La tête baissée, il peut voir sous l’escalier. Quelque chose luit à la lumière des néons. Hodges se met à genoux et rampe sous les marches pour voir ce que c’est. C’est une bille en acier inoxydable, plus grosse que celles qu’il a dans son Happy Slapper, lourde dans la paume de sa main. Il observe le reflet déformé de son visage dans sa surface courbe et une idée commence à germer. Non, elle ne germe pas véritablement : elle fait surface, comme le corps boursouflé d’un noyé.
Plus loin sous les marches, il y a un sac-poubelle vert. Hodges rampe jusqu’à lui en serrant la bille métallique dans sa main, sentant les toiles d’araignées caresser son front et son début de calvitie. Jerome et Holly jacassent avec excitation mais il n’y fait pas attention.
Il attrape le sac-poubelle de sa main libre et commence à ressortir à reculons. Une goutte de sueur coule dans son œil gauche, brûlante, et il cligne pour la chasser. Il se rassoit sur les marches.
« Ouvre sa boîte mail, dit Holly.
— Oh, ce que vous êtes autoritaire, dit Jerome.
— Ouvre-la, ouvre-la, ouvre-la ! »
À qui le dis-tu, pense Hodges, et il ouvre le sac-poubelle. Il contient des bouts de fil électrique et ce qui ressemble à un circuit imprimé grillé, le tout posé sur un vêtement couleur kaki qui ressemble à une chemise. Il brosse de la main les bouts de fil, retire le vêtement et le tend devant lui. Ce n’est pas une chemise mais un gilet de randonnée, le genre avec tout un tas de poches. La doublure a été tailladée en une dizaine d’endroits. Il plonge la main dans l’une de ces entailles, tâte le fond et en retire deux autres billes d’acier. Ce n’est pas un gilet de randonnée, enfin, ça ne l’est plus. Il a été customisé.
C’est maintenant un gilet-suicide.
C’était. Pour une raison quelconque, Brady l’a vidé. Parce qu’il a changé ses plans en vue de la Journée des Carrières de samedi ? Ça doit être ça. Les explosifs doivent se trouver dans sa voiture, à moins qu’il en ait déjà volé une autre. Il…
« Non ! » s’écrie Jerome. Puis il le hurle : « Non ! Non, non, OH MON DIEU NON !
— Pitié, faites que non, gémit Holly. Faites que non. »
Hodges lâche le gilet-suicide et se précipite vers la rangée d’ordinateurs pour voir ce qu’ils ont trouvé. C’est un e-mail d’un site appelé FanTastic qui remercie Mr Brady Hartsfield de sa commande.
Vous pouvez télécharger votre billet imprimable immédiatement. Ni sac à dos ni contenant ne seront admis dans l’enceinte de la salle de spectacle. Merci d’avoir fait confiance à FanTastic : les meilleures places pour les meilleurs concerts en un seul clic.