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Et en dessous : ’ROUND HERE AUDITORIUM MINGO MIDWEST ART & CULTURE CENTER 3 JUIN 2010 19 HEURES.

Hodges ferme les yeux. C’est le putain de concert, en fait. On a commis une erreur compréhensible… mais inexcusable. Par pitié Seigneur, ne le laissez pas entrer. Par pitié Seigneur, faites que les gars de Brutus l’interceptent à l’entrée.

Mais ça aussi, ça pourrait virer au cauchemar, parce que Larry Windom croit être à l’affût d’un agresseur d’enfants, pas d’un kamikaze fou. S’il repère Brady et tente de le ceinturer avec sa délicatesse habituelle…

« Il est dix-huit heures quarante-cinq, dit Holly en montrant du doigt l’horloge digitale sur l’écran du Poste 3 de Brady. Il se pourrait qu’il soit encore dans la file d’attente mais il est probablement déjà entré. »

Hodges sait qu’elle a raison. Avec tous ces gosses à caser, l’ouverture des portes n’a pas dû se faire plus tard que dix-huit heures trente.

« Jerome », dit-il.

Le garçon ne répond pas. Il regarde fixement le reçu du billet sur l’écran et quand Hodges lui pose une main sur l’épaule, il croit toucher de la pierre.

« Jerome. »

Lentement, Jerome se retourne. Ses yeux sont immenses. « On a été tellement idiots, chuchote-t-il.

— Appelle ta maman. » La voix de Hodges reste calme, ce qui ne représente même pas un grand effort, car le choc qu’il ressent est profond. Il revoit les billes. Et le gilet lacéré. « Fais-le tout de suite. Dis-lui de prendre Barbara et ses copines et de se sauver en vitesse. »

Jerome détache son portable de son clip de ceinture et appelle sa mère. Holly le dévisage, les bras étroitement croisés sur son buste, grimaçant de ses lèvres mordillées.

Jerome attend, marmonne un juron et dit : « Il faut que tu sortes tout de suite, m’man. Prends les filles et tire-toi. Ne me rappelle pas et ne pose pas de questions, partez, c’est tout. Ne courez pas. Mais sortez de là ! »

Il raccroche et leur dit ce qu’ils savent déjà. « Messagerie. Ça a sonné plein de fois, donc elle n’est pas en communication et elle ne l’a pas éteint. Je comprends pas.

— Et celui de ta sœur ? demande Hodges. Elle a bien un portable ? »

Jerome est déjà en train de pianoter. Il écoute durant ce qui paraît à Hodges une éternité, même s’il sait que ça ne doit pas faire plus de dix ou quinze secondes. Puis il dit : « Barb ! Pourquoi tu décroches pas, bon sang ? Toi, maman et les autres filles, il faut que vous sortiez de là ! » Il coupe la communication. « Je comprends pas. Elle le quitte jamais, ce truc est pratiquement greffé à elle, et elle devrait au moins le sentir vib… »

Holly le coupe : « Oh crotte. » Mais comme ce n’est pas suffisant, elle rajoute : « Oh merde  ! »

Ils se tournent vers elle.

« Combien y a-t-il de places dans cette salle ? Combien de personnes peuvent entrer ? »

Hodges tente de se souvenir de ce qu’il sait de l’auditorium Mingo. « Quatre mille places assises. Je ne sais pas s’ils acceptent des spectateurs debout, je ne me souviens pas de cette clause du code incendie.

— Et pour ce concert, la plupart des spectateurs sont des fillettes, dit-elle. Des fillettes rivées à leurs portables. Presque toutes au téléphone en attendant que le concert commence. Ou en train d’envoyer des textos. » Elle a les yeux agrandis par la consternation. « Ce sont les réseaux. Ils sont surchargés. Tu dois essayer encore, Jerome. Tu dois essayer jusqu’à ce que ça passe. »

Jerome hoche faiblement la tête, mais il regarde Hodges. « Vous devriez appeler votre ami. Celui de la sécurité.

— Ouais, mais pas d’ici. Dans la voiture. » Hodges consulte sa montre. Dix-huit heures cinquante. « On va au MACC. »

Holly serre ses deux poings contre son visage. « Oui », dit-elle. Et Hodges se souvient de ce qu’elle a dit tout à l’heure : Ils ne peuvent pas le trouver. Nous on peut.

Malgré son désir d’affronter Hartsfield — de refermer ses mains sur le cou de ce salaud et de voir les yeux lui sortir des orbites lorsqu’il s’asphyxiera —, Hodges espère qu’elle se trompe sur ce point. Parce que si c’est à eux de jouer, il est peut-être déjà trop tard.

32

Cette fois, c’est Jerome qui est au volant et Hodges à l’arrière. La Mercedes d’Olivia Trelawney prend lentement son élan mais une fois que le moteur douze cylindres est lancé, elle file comme une fusée… et avec la vie de sa mère et de sa sœur en ligne de mire, Jerome la pilote comme une fusée, naviguant d’une voie à l’autre sans tenir compte des coups de klaxon de protestation des autres véhicules. Hodges estime qu’ils peuvent être au MACC dans vingt minutes. Du moins si le gamin ne les met pas dans le décor.

« Appelez le type de la sécurité ! ordonne Holly depuis le siège passager. Appelez-le, appelez-le, appelez-le ! »

Pendant que Hodges sort son Nokia de la poche de son veston, il indique à Jerome d’éviter le centre et de prendre le périphérique.

« J’ai pas besoin de copilote à l’arrière, dit Jerome. Occupez-vous d’appeler et c’est tout. Et faites vite. »

Mais lorsqu’il essaie d’accéder au répertoire de son téléphone, le putain de Nokia émet un petit pépiement fragile et s’éteint. Quand l’a-t-il chargé pour la dernière fois ? Hodges ne s’en souvient pas. Il ne se souvient pas non plus du numéro du bureau de la sécurité. Il aurait dû le noter sur son calepin au lieu de dépendre du téléphone.

Foutue technologie, se dit-il… mais franchement, à qui la faute ?

« Holly. Faites le 555-1900 et passez-moi votre téléphone. Le mien est mort. » Dix-neuf cent, c’est le numéro du département. Il peut rappeler Marlo et récupérer le numéro de Windom.

« OK, c’est quoi votre code régional ici ? Mon téléphone est sur… »

Elle s’interrompt quand Jerome déboîte pour doubler une camionnette et fonce droit sur un 4 × 4 venant en sens inverse, faisant des appels de phares et hurlant : « Laisse-moi passer ! » Le 4 × 4 fait un brusque écart et Jerome passe la Mercedes en force en y laissant une couche de peinture.

« … sur Cincinnati », termine Holly. D’un ton aussi froid qu’une glace à l’eau.

Hodges, qui ne dirait pas non à l’un des tranquillisants qu’elle prend, récite le code régional. Elle compose le numéro et lui passe le téléphone par-dessus le siège.

« Commissariat central, que puis-je faire pour vous ?

— Je dois parler à Marlo Everett aux archives, tout de suite.

— Je suis désolé, monsieur, mais Mrs Everett est partie il y a une demi-heure.

— Avez-vous son numéro de portable ?

— Monsieur, je ne suis pas autorisée à communiquer ce genre d’infor… »

Il n’a aucune envie de se lancer dans une discussion interminable et probablement vaine alors il raccroche juste au moment où Jerome s’engage sur le périphérique à plus de quatre-vingt-dix.

« Qu’est-ce qui se passe, Bill ? Pourquoi vous…

— Ferme-la et conduis, Jerome, dit Holly. Mr Hodges fait du mieux qu’il peut. »

La vérité, c’est qu’elle ne tient vraiment pas à ce que je joigne quiconque, se dit Hodges. Parce que c’est censé être nous et rien que nous. Une idée folle lui vient : que Holly est en train d’user d’un étrange fluide psychique pour faire en sorte que ça reste eux et rien qu’eux. Et ça pourrait bien marcher. Vu comment conduit Jerome, ils seront au MACC avant que Hodges ait pu mettre la main sur quiconque en situation d’autorité.