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Selon les termes du testament de Janey, l’appartement en copropriété avec sa fabuleuse vue sur le lac devenait la propriété conjointe de Tante Charlotte et d’Oncle Henry. Quand Holly avait demandé si elle pouvait y habiter, au moins pour commencer, Charlotte avait refusé tout net. Et son frère n’avait pu la faire changer d’avis. C’était Holly elle-même qui y avait réussi, annonçant son intention de s’installer en ville et que si sa mère ne cédait pas pour l’appartement de Sugar Heights, elle s’en trouverait un à Lowtown.

« Dans la partie la plus mal famée de Lowtown, avait-elle précisé. Où je paierai tout en cash. En montrant ostensiblement mes liasses de billets. »

Et ça avait marché.

La nouvelle vie de Holly — sa première longue période loin de sa mère — n’est pas toujours facile. Mais sa psy la soutient énormément et Hodges lui rend fréquemment visite. Plus important, Jerome lui rend fréquemment visite et Holly est plus souvent encore invitée chez les Robinson dans leur maison de Teaberry Lane. Hodges a la conviction que c’est là qu’a lieu la véritable guérison, pas sur le divan de la psy. Et Barbara s’est mise à l’appeler Tante Holly.

« Et vous, Bill ? s’enquiert Jerome. Des projets ?

— Eh bien, dit-il en souriant, on m’a offert un poste chez Vigilant Guard Service, qu’est-ce que vous dites de ça ? »

Holly presse ses mains contre sa poitrine et se trémousse sur le banc de pique-nique comme une enfant. « Vous allez dire oui ?

— Non, pas possible, dit Hodges.

— Le cœur.

— Non, non. Il faut être cautionné pour être vigile, et le juge Silver m’a laissé entendre ce matin que mes chances de l’être étaient à peu près égales à celles qu’ont les juifs et les Palestiniens de s’unir pour construire la première station spatiale interreligieuse. Mes rêves d’obtenir une licence de détective privé tombent à l’eau eux aussi. Mais un marchand de liberté de mes amis m’a proposé un poste de dépisteur à mi-temps, et pour ça pas besoin d’être cautionné. Et je peux travailler principalement de chez moi, sur mon ordinateur.

— Je pourrais vous aider, propose Holly. Pour ce qui est de la partie ordinateur, je veux dire. Je n’ai plus aucune envie de pourchasser quiconque. Une fois m’a suffi.

— Des nouvelles de Hartsfield ? demande Jerome. Du nouveau ou statu quo ?

— Statu quo, répond Hodges.

— Cela m’est égal », déclare Holly. Il y a du défi dans sa voix, mais pour la première fois depuis son arrivée au stade McGinnis, elle se mord les lèvres. « Si c’était à refaire, je le referais. » Elle serre les poings. « Encore et encore et encore ! »

Hodges prend l’un de ses poings et le desserre doucement. Jerome fait de même avec l’autre.

« Bien sûr que vous le referiez, dit Hodges. C’est pour cela que le maire vous a remis une médaille.

— Sans parler des transports et des entrées gratis au musée », ajoute Jerome.

Elle se détend. « Pourquoi irais-je prendre le bus, Jerome ? J’ai des tonnes d’argent placé et la Mercedes de ma cousine Olivia. C’est une voiture formidable. Et presque pas de kilomètres au compteur !

— Pas de fantômes ? » demande Hodges.

Ce n’est pas une plaisanterie : il est franchement curieux.

Holly reste longtemps silencieuse, elle regarde la grande berline allemande garée à côté de la petite japonaise d’importation de Hodges. Au moins, elle a arrêté de se mordiller les lèvres.

« Au début, si, dit-elle, et j’ai pensé la vendre. Et puis je l’ai fait repeindre en bleu. C’était mon idée, pas celle du Dr Leibowitz. » Elle les prend fièrement à témoin. « Je ne lui ai même pas demandé son avis.

— Et maintenant ? »

Jerome lui tient toujours la main. Il a appris à aimer Holly, si difficile soit-elle parfois. Ils ont appris à l’aimer tous les deux.

« Le bleu est la couleur de l’oubli, dit-elle. J’ai lu ça dans un poème une fois. » Elle se tait. « Vous pleurez, Bill ? Vous pensez à Janey ? »

Oui. Non. Les deux.

« Je pleure parce que nous sommes ici, dit-il. Par une belle journée d’automne qui ressemble à l’été.

— Ça fait du bien de pleurer dit le Dr Leibowitz, déclare Holly sans détour. Elle dit que les larmes lavent les émotions.

— Elle a peut-être bien raison. » Hodges repense à la façon qu’avait Janey de porter son chapeau. Comment elle lui donnait juste la bonne inclinaison. « Bon, on se le boit maintenant ce champagne ou quoi ? »

Jerome fait sauter le bouchon et Holly emplit les verres. Ils trinquent.

« À nous », dit Hodges.

Deux échos lui répondent. Et ils boivent.

2

Par une soirée pluvieuse de novembre 2011, une infirmière remonte précipitamment le couloir de la Clinique des Traumatisés du Cerveau de la région des Grands Lacs, une annexe du John M. Kiner Memorial, l’hôpital principal de la ville. La clinique accueille une demi-douzaine de patients indigents dont l’un est tristement célèbre… même si avec le temps cette célébrité a commencé à s’estomper.

L’infirmière craint que le neurologue en chef de la clinique soit parti, mais non, il est encore là, dans le salon des médecins, à parcourir quelques dossiers de patients.

« Docteur Babineau, je crois que vous allez vouloir venir. C’est Mr Hartsfield. Il est réveillé. » À ces mots, le médecin lève à peine les yeux, mais ce que l’infirmière dit ensuite le met debout. « Il m’a parlé.

— Après dix-sept mois ? Extraordinaire ! En êtes-vous sûre ? »

L’infirmière est toute rose d’excitation. « Oui, docteur, absolument.

— Et que vous a-t-il dit ?

— Qu’il a mal à la tête. Il réclame sa mère. »

14 septembre 2013

Note de l’auteur

Le « vol à la volée » existe bel et bien, cependant il serait tout à fait impossible de le pratiquer sur aucun des véhicules mentionnés dans ce livre, y compris la Mercedes-Benz SL500 conçue à l’ère des systèmes d’ouverture sans clé. Les SL500, comme toutes les Mercedes, sont des voitures haut de gamme pourvues de dispositifs de sécurité haut de gamme.

Mes remerciements pour leur assistance à la recherche vont à Russ Dorr et Dave Higgins. Également à mon épouse, Tabitha, qui en sait plus sur les téléphones portables que moi, et à mon fils, le romancier Joe Hill, qui m’a aidé à résoudre les problèmes pointés par Tabitha. Si tout est juste, dites merci à mon équipe logistique. S’il y a des trucs qui clochent, c’est moi le coupable : j’ai pas dû bien piger.

Nan Graham, chez Scribner, a fait comme à l’accoutumée son splendide travail éditorial, et mon fils Owen a relu le tout. Mon agent, Chuck Verrill, est un fan des Yankees, mais je l’aime quand même.