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— Jésus le ressuscité m’a guéri cette nuit ! s’exclama-t-il. Que béni soit son nom ! Toute ma vie, je veux glorifier Dieu qui l’a envoyé.

Encore à moitié endormi, le garçon ôta le bandage de sa tête : la blessure, complètement guérie, n’avait laissé sur son front qu’une cicatrice. Debout sur ses deux jambes, il ne ressentait plus la moindre douleur ; voyant les attelles qui immobilisaient sa jambe, il se baissa pour les enlever et frotta la partie ainsi dégagée.

— Ma jambe n’est plus cassée, affirma-t-il plein de surprise.

Simon Pierre renchérit :

— Il a guéri cette nuit tous ceux qu’il avait appelés parmi le peuple pour rendre témoignage de sa résurrection. Tous ensemble, nous avons pu le contempler. Et il ne s’est point contenté de rendre la vue aux aveugles, l’ouïe aux sourds et l’usage de leurs membres aux infirmes, il nous a également lavés de nos fautes et ouvert les portes de la vie éternelle.

« Nous ne connaissions point ces deux-là et ne les avions point appelés, mais le maître les a guéris de leurs maux. D’autres parmi la foule sont ici qui ne furent point invités, mais Jésus n’en a renvoyé aucun cette nuit.

Il tendit un doigt accusateur dans ma direction et poursuivit :

— Mais je connais cet homme ! À Jérusalem, il nous importunait sans répit de ses questions pleines de malice, égarant les femmes et induisant en tentation Simon de Cyrènes, ainsi que Zachée ! C’est lui que Thomas fut contraint de visiter afin de lui interdire d’abuser du nom de notre rabbin ! C’est l’idolâtre Marc, le Romain ! Comment peut-il bien se trouver ici ?

Simon Pierre sursauta et, brandissant son poing, s’écria :

— Ainsi donc, il y a un traître parmi nous !

Mais Jean et l’autre lui saisirent le bras.

— N’attirons point l’attention, dirent-ils en guise d’avertissement. Mieux vaut l’amener à l’écart, sinon le peuple apeuré le lapiderait et l’on devrait rendre compte de son sang car il est citoyen romain.

Pierre, hors d’haleine, posa sur moi un regard lourd de menaces.

— Nombreux sont les fanatiques parmi la multitude. Que dirais-tu, ô Romain, si je te livrais entre leurs mains ? Ils te conduiraient dans une grotte et plus jamais tu ne verrais la lumière du jour !

— Je ne te crains pas, ni toi ni aucun homme au monde, répliquai-je fermement. Pourquoi aurais-je peur quand ton maître ne m’a point rejeté cette nuit ? Douterais-tu par hasard qu’il eût pu m’interdire de venir jusqu’ici ?

Les trois hommes, en proie à l’inquiétude, nous firent pénétrer dans le bois où nous avions attaché nos ânes ; là, ils se concertèrent pour décider de l’opportunité d’appeler les autres disciples. Je déduisis de leurs propos que Nicomède, Simon de Cyrènes ainsi que Zachée, que je connaissais tous, se trouvaient en ces lieux parmi la foule.

Jean dit enfin :

— Plus nous appellerons de gens, plus grand sera le désordre inutile ! Le Romain a raison, le Seigneur ne l’a point chassé, je ne comprends pas pourquoi, mais c’est ainsi ! Est-ce que par hasard le serviteur pourrait avoir plus de sagesse que son maître ?

Une fois à l’écart de la foule, le vieil homme et son fils intervinrent en notre faveur, expliquant ce qui s’était passé et comment, les prenant en pitié, je les avais conduits jusqu’à la montagne.

— Ainsi donc, coupa Simon Pierre avec violence, la chute du garçon sous les pieds des chevaux et sa jambe cassée n’étaient point des signes suffisants pour vous ? Vous n’étiez point invités et le Seigneur ne voulait pas de vous sur la montagne !

Le jeune homme, blessé au cœur par ces paroles, se mit à genoux devant le disciple.

— Pardonnez-moi, ô justes ! supplia-t-il. Je n’avais point de mauvaises intentions et n’agissais que pour mon père. Je n’ai rien demandé au Seigneur pour ma jambe, je n’y songeais même pas ! Il m’a touché et guéri dans son infinie bonté et m’a de la sorte tout pardonné. Faites de même pour moi et pour mon père !

Il ne me coûtait guère de m’humilier moi aussi devant ces hommes si remplis d’angoisse et d’inquiétude.

— Si tel est votre désir, ô hommes de Dieu, je me jetterai à vos pieds, dis-je. Accordez-moi votre pardon, je vous en supplie, ô vous qui êtes les plus grands de son royaume. Je ne suis pas un traître et ne vous veux nul mal ! Si vous le jugez nécessaire, ma bouche restera close à jamais sur tout ce que j’ai vu. Mais si vous le désirez, je suis prêt à rendre témoignage de sa résurrection devant le monde entier et devant l’empereur lui-même.

Simon Pierre palpait sa tunique comme pour déchirer ses vêtements.

— Tais-toi, insensé ! ordonna-t-il. Que dirait le peuple si un Romain idolâtre venait porter témoignage du royaume ? Mieux vaudrait que tu n’eusses jamais entendu parler du chemin ! Car si tu as échappé au mal cette nuit, tu retourneras au mal et au monde comme le chien retourne à son vomi ! Tu n’es guère plus à nos yeux que la vomissure d’un chien !

Puis, se tournant avec colère vers Nâtan, il dit sur le ton de l’accusation :

— Je t’ai vu à Capharnaüm et t’ai fait confiance ! Mais tu nous a trahis en amenant un païen à la fête de la vie éternelle !

— Écoute, Simon, ô toi le pêcheur d’hommes, répondit Nâtan en se frottant le nez, ne t’ai-je point prêté un âne à Capharnaüm pour te permettre de transporter jusqu’ici ta vieille belle-mère ?

Pierre se troubla et jeta un regard coupable vers ses deux compagnons.

— Que vient faire cela ? grommela-t-il. Suzanne a parlé en ta faveur et je me suis fié à toi !

— Cet âne appartient au Romain, poursuivit Nâtan sans se hâter. Marc est un homme pacifique mais si tu le fâches, il reprendra son âne, même si par ailleurs il se montre plein de miséricorde ; de sorte que tu seras obligé de demeurer assis sur la montagne avec ta belle-mère, et Suzanne vous tiendra compagnie, elle qui est venue montée sur l’autre âne du Romain.

Simon Pierre, visiblement indécis, frappa le sol de ses pieds avant d’admettre :

— Ma belle-mère est une femme acariâtre ; jadis, elle maugréait même contre Jésus qu’elle accusait de m’entraîner dans une vie de paresse, puisque j’avais abandonné mes filets pour le suivre. Mais, depuis qu’il l’a guérie de fièvres dont elle a failli mourir, elle ne dit plus un mot. Je ne voudrais point la laisser ici, mais nous devons absolument rejoindre Jérusalem avant la fin des quarante jours. Il nous faudra marcher jour et nuit et attendre là-bas que la promesse s’accomplisse. Alors, si ma belle-mère ne dispose plus de son âne pour se rendre à Capharnaüm, me voilà bien embarrassé !

— Je ne rendrai pas le mal pour le mal, le rassurai-je. Je te laisserai l’animal de bon cœur, même si je ne suis à tes yeux que de la vomissure de chien. Tu peux également prendre ces deux autres-là pour les femmes, nous n’en avons plus besoin car nous pouvons marcher. Ainsi donc garde-les, et Nâtan les récupérera à Capharnaüm. Quant à moi, je quitterai ces lieux sans bruit et sans déranger personne. Ne profère nulle malédiction à mon endroit et ne dépêche pas tes fanatiques à ma poursuite car je doute qu’une telle attitude soit conforme à vos lois.

Jean intervint alors pour tenter d’apaiser les esprits.

— Comprends-nous, ô Romain ! pria-t-il. Tout n’est point encore éclairci pour nous et la promesse n’est pas accomplie. Nous savons seulement ceci, le chemin et la porte sont étroits et nous n’osons les élargir de notre seule autorité.

Le troisième disciple ajouta :

— Il nous a donné l’ordre de convertir tous les peuples, mais nous ignorons encore comment et quand cela sera possible. Il devrait avant toute chose construire un royaume pour Israël. C’est à Jérusalem que tout nous sera expliqué.