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(Silence … si tu ne veux pas dire la vérité.)

« La Terre sera détruite comment, à ton avis ? reprit enfin Insigna.

— Je ne sais pas, mais je crois que toi, maman, tu le sais.

— Notre conversation tourne au dialogue de sourds, Marlène, et il vaut mieux en rester là. Comprends bien que je n’ai jamais parlé à personne de ton père, ni de cette absurde histoire de destruction de la Terre.

— D’accord, sauf qu’elle n’est pas absurde du tout.

— Tout le monde pensera que c’est absurde. »

Marlène hocha la tête. « Je pense que je vais visionner un livre, dit-elle d’un air indifférent. Et puis, j’irai me coucher.

— Bien ! » Insigna regarda sa fille sortir.

Coupable, pensa Insigna. Je me sens coupable. J’arbore cela sur mon visage comme une bannière. Toute personne qui me regarde peut le voir.

Non, pas tout le monde. Juste Marlène. Elle a un don pour cela.

Il fallait bien que Marlène ait quelque chose pour compenser tout ce qui lui manquait. L’intelligence ne suffisait pas ; elle avait le don de lire les expressions, les intonations et tous les petits mouvements du corps que personne ne remarque ; on ne pouvait rien lui cacher.

Depuis combien de temps savait-elle qu’elle avait ce dangereux talent, sans en rien dire à personne ? Était-ce une faculté qui s’était développée avec l’âge ? Pourquoi acceptait-elle maintenant de révéler ce qu’elle avait caché si soigneusement ? Pourquoi l’utilisait-elle comme une arme contre sa mère ?

Était-ce parce qu’Aurinel l’avait définitivement repoussée et qu’elle avait lu cela en lui ? Lançait-elle, en réaction, des coups à l’aveuglette ?

Coupable, pensa Insigna. Pourquoi ne me sentirais-je pas coupable ? Tout est de ma faute. J’aurais dû le savoir dès le début, dès l’instant de ma découverte … mais je ne voulais pas savoir.

Chapitre 6

L’approche

11

Depuis quand savait-elle ? Depuis qu’elle avait baptisé l’étoile Némésis ? Avait-elle senti ce que signifiait cet astre ? Avait-elle choisit inconsciemment le nom qui s’imposait ?

La première fois qu’elle avait repéré l’étoile, seule la découverte avait compté à ses yeux. L’immortalité pour elle ! C’était son étoile, l’Étoile d’Insigna. Elle avait d’abord eu envie de l’appeler ainsi. Comme cela sonnait bien, même lorsqu’elle écartait la tentation avec la fausse modestie qui convenait. Et combien ce serait devenu insupportable si elle était tombée dans le piège !

Ensuite, Pitt avait exigé le secret, il avait fallu se préparer au départ, et tout cela avait suffi à la mobiliser. (Comment allait-on l’appeler dans les livres d’histoire ? Le Départ ? Avec une majuscule ?)

Pendant deux ans, le vaisseau avait effectué des sauts réguliers dans l’hyper-espace … et elle avait dû fournir les données astronomiques nécessaires aux calculs interminables qu’impliquait l’hyper-assistance. Rien que la densité et la composition de la matière interstellaire …

Pendant ces quatre années écoulées depuis la découverte, elle n’avait pas eu une minute pour penser à Némésis en détail ; pas une fois, elle n’avait mis le doigt sur l’évidence.

Était-ce possible ? Ou avait-elle simplement rejeté ce qu’elle ne voulait pas voir ? Avait-elle délibérément cherché refuge dans le secret, le tourbillon du départ et l’excitation qui s’offraient à elle ?

Puis, ils étaient définitivement sortis de l’hyper-espace et durant un mois, ils avaient décéléré en traversant une averse originelle d’atomes d’hydrogène, qu’ils avaient heurtés à une vitesse suffisante pour les convertir en particules de rayons cosmiques.

Aucun véhicule spatial ordinaire n’y aurait résisté, mais Rotor était entouré d’une épaisse couche de terre qu’on avait renforcée pour le voyage et qui avait absorbé les particules.

Quand l’effroyable vérité lui tomba dessus, Insigna se précipita dans le bureau de Pitt. Il n’avait plus guère le temps de la recevoir et elle le comprenait. L’excitation du début avait fait place à une certaine tension quand les gens avaient pris conscience que, dans quelques mois, ils arriveraient dans le voisinage d’une autre étoile. Durant une longue période, il leur faudrait survivre en orbite autour d’une étrange naine rouge, sans aucune garantie qu’il y avait une planète capable de leur fournir des réserves de matières premières, sans parler d’un endroit où s’installer.

Janus Pitt n’avait plus rien d’un homme jeune, bien que ses cheveux soient toujours noirs et son visage dépourvu de rides. Il y avait quelque chose de tourmenté dans son regard, toute joie semblait l’avoir abandonné, seules ses responsabilités laissaient des traces visibles.

Il avait été élu gouverneur. C’était peut-être cette lourde charge qui lui pesait, mais comment savoir ? Insigna n’avait jamais connu le vrai pouvoir.

Pitt lui sourit d’un air absent. Le secret partagé les avait rapprochés. Ils pouvaient se parler sans se tenir sur leurs gardes, et ils étaient les seuls. Cependant, après le Départ et la fin du secret, ils s’étaient éloignés l’un de l’autre.

« Janus, il faut que je vous parle. Il s’agit de Némésis.

— Il est arrivé quelque chose ? Elle est bien là, à moins de seize milliards de kilomètres de nous. Elle est visible à l’œil nu.

— Oui, je sais. Mais quand je l’ai découverte, nous étions à un peu plus de deux années-lumière et j’ai cru que c’était une étoile double, que le Soleil et Némésis tournaient autour d’un centre de gravité commun. Il le fallait bien, pour que les deux étoiles soient si proches. C’était tellement spectaculaire.

— Bon. Pourquoi est-ce que cela ne l’est plus ?

— Il apparaît maintenant que Némésis est un peu trop éloignée pour être une compagne du Soleil. L’attraction gravitationnelle entre elles est si faible que les perturbations gravitationnelles produites par les étoiles voisines rendraient l’orbite instable.

— Mais Némésis est bien là.

— Oui, entre le Soleil et Alpha du Centaure.

— Qu’est-ce qu’Alpha du Centaure vient faire là-dedans ?

— Le fait est que Némésis n’est pas beaucoup plus loin de cette étoile que du Soleil. Elle pourrait être la compagne d’Alpha du Centaure comme du Soleil. Mais si elle forme un système avec l’une des deux étoiles, la présence de l’autre ne peut que la perturber. »

Pitt regarda pensivement Insigna en tapotant du bout des doigts l’accoudoir de son fauteuil. « Némésis met combien de temps pour faire le tour du Soleil … en supposant qu’elle en soit la compagne ?

— Je ne sais pas. Il faut que je calcule son orbite en détail.

— Bon, faites-moi une estimation.

— Si c’est une orbite circulaire, il faudrait à Némésis plus de cinquante millions d’années pour tourner autour du Soleil, ou plus exactement, autour du centre de gravité du système dont le Soleil fait partie. La ligne tracée de l’une à l’autre passerait forcément par ce centre. Si Némésis suit une orbite très elliptique et se trouve maintenant en son point le plus éloigné — comme c’est peut-être le cas, car si elle s’aventurait plus loin, elle serait certainement une étoile solitaire — ce chiffre s’abaisserait à vingt-cinq millions d’années environ.

— Alors, la dernière fois que Némésis était dans cette position, Alpha du Centaure se trouvait dans une région très différente. Selon qu’on opte pour vingt-cinq ou cinquante millions d’années, cela ferait quelle différence ?

— Une bonne partie d’une année-lumière.