Выбрать главу

Fisher savait que le DN, c’était le détecteur neuronique. Lui aussi était excité. Détecter de l’intelligence, ce serait savoir qu’ils étaient tombés sur quelque chose d’infiniment plus important que les métaux, les rochers, les glaciers et les vapeurs qu’ils pouvaient découvrir.

« Vous pourriez, d’ici ? demanda-t-il.

— Non. Il faudra se rapprocher plus. Si nous restions à cette distance, nous ne pourrions qu’avancer sur notre lancée. Cela nous prendrait environ un an. Une fois que le capitaine aura fait les observations nécessaires au point où nous sommes, nous effectuerons une autre transition. J’espère donc que dans deux jours, au plus, nous serons à une ou deux unités astronomiques de l’Étoile voisine et que je pourrai commencer à faire mes observations et me sentir enfin utile. C’est dur de sentir qu’on est un poids mort.

— Oui, répliqua sèchement Fisher. Je sais.

— Je suis désolée, Crile. Je ne parlais pas de vous.

— Vous auriez pu. Je ne servirai peut-être à rien, quelle que soit la distance qui nous séparera de l’Étoile voisine.

— Vous serez utile si nous détectons de l’intelligence. Vous pourrez leur parler. Vous êtes rotorien et nous avons besoin de vous.

— Un Rotorien seulement pendant quelques années, dit Fisher en souriant tristement.

— C’est assez, n’est-ce pas ?

— Nous verrons. » Il changea volontairement de sujet. « Êtes-vous certaine que le détecteur neuronique fonctionnera ?

— Absolument sûre. On peut suivre n’importe quelle colonie en orbite juste par sa radiation de plexons.

— Qu’est-ce que c’est, des plexons ?

— C’est un nom que j’ai inventé, pour nommer le complexe/photon caractéristique du cerveau des mammifères. On pourrait détecter des chevaux, vous savez, si on n’était pas si loin, mais on peut détecter des cerveaux humains en masses à des distances astronomiques.

— Pourquoi plexons ?

— A cause de ‘‘complexe’’. Un jour, vous verrez, on se servira des plexons, non seulement pour détecter la vie, mais aussi pour étudier le fonctionnement du cerveau. J’ai inventé un nom pour cela … la plexophysiologie. Ou peut-être la plexoneuronique.

— Vous pensez que les noms, c’est important ?

— Oh, oui. Cela vous permet de parler avec concision. Vous n’êtes pas obligé de dire, ‘‘ce domaine de la science qui concerne la relation entre ceci et cela’’. Vous dites ‘‘la plexoneuronique’’ … oui, cela sonne mieux. C’est un raccourci. Cela gagne du temps pour réfléchir à des sujets plus importants. Et puis … » Elle hésita.

« Oui ? Et puis ? »

Les mots jaillirent brusquement. « Si j’ai inventé un nom et qu’on l’adopte, cela suffit pour que j’aie droit à une note dans l’histoire des sciences. Vous savez : ‘‘Le mot ‘plexon’a été utilisé pour la première fois en 2237 par Merrilee Augina Blankowitz lors du premier vol plus-vite-que-la-lumière du Supraluminal.’’ Je ne serai probablement pas nommée ailleurs, ou pour une autre raison, mais je m’en contenterai.

— Et si vous détectiez vos plexons, Merry, et qu’il n’y ait aucun être humain présent ?

— Vous voulez dire, de la vie extra-terrestre ? Ce serait encore plus excitant que de repérer des gens. Mais il n’y a guère de chance. Nos espoirs d’en rencontrer une ont toujours été déçus. Nous pensions qu’il pourrait y avoir des formes de vie primitives sur la Lune, sur Mars, sur Callisto, sur Titan. Nous n’avons jamais rien trouvé. Beaucoup de gens se sont interrogés sur des formes de vie bizarres — les galaxies vivantes, les nuages de poussières vivants, la vie à la surface d’une étoile à neutrons, toutes sortes de choses. Il n’existe aucune preuve de tout cela. Non, si je détecte quelque chose, ce sera de la vie humaine. J’en suis convaincue.

— Ne pourriez-vous pas détecter les plexons émis par les cinq personnes à bord du vaisseau ? Est-ce que nous n’occultons pas tout ce qu’on peut détecter à des millions de kilomètres à la ronde ?

— Cela complique les choses, Crile, c’est vrai. Il faut équilibrer le DN de façon à nous éliminer et c’est un travail délicat. Même une petite fuite effacerait tout ce que nous pourrions détecter ailleurs. Un jour, Crile, on enverra des DN robots dans l’hyper-espace, à toutes sortes d’endroits, pour détecter des plexons. Il n’y aura pas d’êtres humains dans le voisinage et cela suffira à les rendre au moins deux ou trois plus sensibles que ce que l’on peut obtenir d’eux maintenant, avec nous dans le coin. Nous saurons dans quel système il y a de l’intelligence avant d’y arriver nous-mêmes. »

Chao-Li Wu apparut. Il regarda Fisher avec un peu de répugnance et dit d’un ton neutre : « Comment est l’Étoile voisine ?

— On ne voit pas grand-chose à cette distance, répondit Blankowitz.

— Eh bien, nous allons probablement effectuer une autre transition demain ou après-demain, et alors nous verrons.

— Ce sera excitant, non ?

— Si nous trouvons les Rotoriens. » Il jeta un coup d’œil à Fisher. « Mais, les trouverons-nous ? »

Si c’était une question destinée à Fisher, celui-ci ne répondit pas. Il se contenta de regarder Wu avec un visage dépourvu de toute expression.

Les trouverons-nous ? pensa-t-il.

La longue attente tirait à sa fin.

Chapitre 35

Convergence

80

Comme nous l’avons déjà constaté, il était rare que Janus Pitt s’offrît le luxe de s’apitoyer sur lui-même. Chez quelqu’un d’autre, il aurait considéré cela comme un signe méprisable de faiblesse et de sybaritisme. Cependant, il se révoltait parfois avec tristesse contre cette tendance qu’avaient les Rotoriens à lui laisser prendre toutes les décisions déplaisantes.

Il y avait un Conseil, oui, et dûment élu, qui s’appliquait méticuleusement à voter des lois et à prendre des décisions … sauf les plus importantes, celles qui portaient sur l’avenir de Rotor.

Cela, on le lui laissait.

Même pas consciemment, du reste. On ignorait simplement les questions importantes ; c’était un accord mutuel tacite qui les rendait inexistantes.

Ils étaient là dans un système vide, en train de construire, sans se presser, de nouvelles colonies, convaincus que le temps s’étendait à l’infini devant eux. Présumant tous calmement qu’une fois qu’ils auraient rempli cette nouvelle ceinture d’astéroïdes (dans plusieurs générations, et cette question ne concernait donc aucun de ceux qui vivaient actuellement) la technique de l’hyper-assistance aurait suffisamment progressé pour qu’on puisse sans trop de difficultés aller chercher ailleurs de nouvelles planètes à occuper.

On avait tout le temps. Le temps se fondait en éternité.

Pitt était toujours le seul à comprendre qu’on manquait de temps, qu’à tout moment, sans avertissement, la catastrophe pouvait fondre sur eux.

Quand le système solaire découvrirait-il Némésis ? Quand une colonie déciderait-elle de suivre l’exemple de Rotor ?

Cela arriverait forcément un jour. Némésis, s’avançant inexorablement vers le Soleil, finirait par atteindre ce point — encore lointain, mais assez proche tout de même — où il faudrait que les gens du système solaire soient aveugles pour ne pas la voir.

L’ordinateur de Pitt, avec l’aide d’un programmeur convaincu qu’il ne travaillait que sur un problème théorique, avait estimé que dans un millier d’années, la découverte de Némésis serait inévitable et que les Colonies commenceraient à se disperser.