— Tu veux dire que c’est une géante gazeuse.
— Bien entendu. Son absence m’aurait plus étonnée que sa présence.
— Mais si c’est une grande planète, il peut y en avoir aussi de plus petites.
— Peut-être, concéda Wendel, mais guère habitables. Soit elles seraient trop froides, soit leur rotation serait bloquée par la force des marées et elles présenteraient toujours la même face à l’étoile, ce qui les rendrait trop chaudes d’un côté et trop froides de l’autre. Tout ce que Rotor a pu faire — s’il est là — c’est de se mettre en orbite autour de l’étoile, ou peut-être autour de la géante gazeuse.
— C’est peut-être exactement ce qu’ils ont fait.
— Pendant tant d’années ? » Wendel haussa les épaules. « C’est concevable, je suppose, mais tu ne peux pas compter là-dessus, Crile. »
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Les coups suivants furent plus stupéfiants.
« Un satellite ? dit Tessa Wendel. Eh bien, pourquoi pas ? Jupiter en a quatre assez gros. Qu’y a-t-il d’étonnant à ce que cette géante gazeuse en ait un ?
— Ce n’est pas un satellite comme ceux du système solaire, dit Henry Jarlow. Il a presque la taille de la Terre, d’après les mesures que j’ai pu faire.
— Eh bien, dit Wendel en gardant son indifférence, qu’est-ce qui en découle ?
— Rien, mais ce satellite présente des caractéristiques étranges. Je voudrais bien être astronome.
— Moi aussi, je voudrais bien qu’il y en ait un à bord, mais je vous en prie, continuez. Vous n’êtes pas complètement ignorant en astronomie.
— Puisqu’il gravite autour d’une géante gazeuse, il lui montre toujours la même face, alors qu’au cours de sa révolution, il se présente sous toutes les coutures à l’Étoile voisine. Et la nature de l’orbite est telle que, autant que je puisse le dire, la température de ce monde permet l’existence d’eau à l’état liquide. Et il a une atmosphère. Mais je ne suis pas astronome et je ne connais pas les subtilités sur le bout du doigt. Pourtant, il me semble qu’il y a des chances pour que ce satellite soit habitable. »
Crile Fisher reçut la nouvelle avec un large sourire. « Cela ne me surprend pas. Igor Koropatsky a prédit l’existence d’une planète habitable. Il l’a fait sans aucune donnée, juste par déduction logique.
— Vraiment ? Et quand t’a-t-il dit cela ?
— Un peu avant notre départ. Il m’a dit qu’il y avait peu de chances pour que quelque chose soit arrivé à Rotor au cours du voyage et que, puisqu’ils n’étaient pas revenus, ils avaient sans doute trouvé une planète à coloniser. Et voilà qu’il y en a une.
— Pourquoi, au juste, t’a-t-il dit cela, Crile ? »
Fisher se tut, réfléchit et répondit : « Il voudrait bien que nous explorions cette planète afin que la Terre puisse l’utiliser, quand viendra l’heure de l’évacuation.
— Et pourquoi ne m’a-t-il pas dit cela à moi ? As-tu une idée là-dessus ?
— Je suppose, Tessa, répondit Crile avec précaution, qu’il pensait que de nous deux, ce serait moi le plus facile à convaincre de l’urgence d’explorer la planète …
— A cause de ta fille.
— Il connaît la situation.
— Et pourquoi toi, tu ne m’en as pas parlé ?
— Je n’étais pas sûr qu’il y ait quelque chose à dire. Je pensais qu’il valait mieux attendre de voir si Koropatsky ne s’était pas trompé. Puisque ce n’est pas le cas, je te le dis, maintenant. La planète doit être habitable, si l’on en croit son raisonnement.
— C’est un satellite, dit Wendel, visiblement en colère.
— Une distinction, mais pas une différence.
— Écoute, Crile. Personne ne semble prendre ma position en considération. Koropatsky te raconte des âneries afin de nous obliger à explorer le système, puis à revenir sur Terre avec cette bonne nouvelle. Wu voulait nous obliger à revenir avant même que nous l’atteignions. Tu ne penses qu’à retrouver ta famille, sans te soucier du reste. Dans tout cela, personne ne semble accorder la moindre attention au fait que je suis le capitaine et que c’est moi qui vais prendre les décisions. »
La voix de Fisher se fit cajoleuse. « Sois raisonnable, Tessa. Quelles décisions as-tu à prendre ? Quel choix as-tu ? Tu dis que Koropatsky m’a raconté des âneries, mais pas du tout. Il y a une planète. Ou un satellite … si tu préfères. Il faut l’explorer. La survie de la Terre pourrait dépendre de son existence. C’est peut-être la future patrie de l’humanité. En fait, il se pourrait qu’il abrite déjà des humains.
— Toi aussi, sois raisonnable, Crile. Une planète peut avoir la bonne dimension, et la bonne température, et être tout de même inhabitable pour des tas de raisons. Après tout, suppose qu’elle ait une atmosphère irrespirable, ou une activité volcanique incroyable, ou un haut niveau de radioactivité. Elle n’a qu’une naine rouge pour l’éclairer et la chauffer, et elle est au voisinage immédiat d’une géante gazeuse. Ce n’est pas un environnement normal pour un monde du type Terre et en quoi un environnement aussi anormal l’affecte-t-il ?
— Il faut tout de même l’explorer, même si c’est pour découvrir qu’elle est inhabitable.
— Pour cela, il ne sera peut-être pas nécessaire d’atterrir, dit Wendel d’un air maussade. Nous nous approcherons d’elle pour mieux juger. Crile, essaie, je t’en prie, de ne pas excéder les données. Je ne pourrais pas supporter ta déception. »
Fisher hocha la tête. « J’essaierai … Pourtant, Koropatsky a prévu, par le raisonnement, l’existence d’une planète habitable alors que tous les autres disaient que c’était totalement impossible. Toi aussi, Tessa, tu me l’as dit et redit. Mais il y a une planète et elle est, peut-être, habitable. Alors, laisse-moi espérer tant que je le pourrais. Peut-être les Rotoriens sont-ils sur ce monde et ma fille aussi. »
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Chao-Li Wu dit d’un air un peu indifférent : « Tessa Wendel est vraiment furieuse. La dernière chose que voulait le capitaine, c’était trouver une planète ici — plutôt un monde, puisqu’elle ne nous permet pas de l’appeler une planète — et peut-être habitable. Cela veut dire qu’il faudra l’explorer et revenir faire notre rapport. Vous savez qu’elle n’en a pas envie. C’est sa seule et unique chance de voyager dans l’espace. Une fois le voyage terminé, elle n’y retournera jamais. D’autres travailleront sur les techniques supraluminiques, d’autres exploreront la galaxie. Elle n’aura qu’un poste consultatif. Cela ne lui plaira pas du tout.
— Et vous-même, Chao-Li ? Retournerez-vous dans l’espace, si la chance se présente ? » demanda Blankowitz.
Wu n’hésita pas une seconde. « Je crois que je ne désire pas beaucoup me promener dans l’espace. Je n’ai pas le virus de l’exploration. Mais vous savez … hier soir, l’envie bizarre de m’établir ici s’est emparée de moi … si le satellite est habitable. Et vous ?
— M’établir ici ? Sûrement pas. Je ne dis pas que j’aimerais rester toute ma vie sur Terre, mais je voudrais bien y revenir un moment, avant de repartir.
— J’y ai pensé. Ce satellite, c’est un cas sur … combien ? dix mille ? Qui s’imaginerait qu’il existe un monde habitable dans le système d’une naine rouge ? Il faudrait l’explorer. Je suis même prêt à y rester un moment pendant que quelqu’un d’autre retournerait sur Terre pour attester que je suis le premier à avoir découvert l’effet gravitationnel. Vous protégeriez mes intérêts, n’est-ce pas, Merry ?