Fisher avait l’air agacé. « Eh bien, capitaine, dit-il en accentuant cette nomination formelle, je dois dire que cela ne signifie pas non plus que les Rotoriens ne sont pas sur ce monde, ni qu’ils n’ont pas atteint le système. Si la planète a une végétation propre, il n’est pas nécessaire de la terraformer et les Rotoriens ont pu s’y installer tout de suite.
— Je ne sais pas, dit Blankowitz. J’aurais tendance à penser que toute végétation évoluant sur une planète étrangère ne pourrait guère nourrir des êtres humains. Je doute qu’ils puissent la digérer ; ou même l’assimiler, s’ils pouvaient la digérer. Je parierais plutôt sur sa toxicité. Et s’il y a une vie végétale, il y a aussi une vie animale, et nous savons ce que cela entraîne.
— Même dans ce cas, s’entêta Fisher, il est possible que les Rotoriens aient clôturé un morceau de terrain, tué la vie indigène à l’intérieur du périmètre et semé leurs propres plantes. J’imagine que cette plantation étrangère — si vous voulez l’appeler ainsi — s’étendrait avec les années.
— Rien que des suppositions, murmura Wendel.
— En tout cas, continua Fisher, cela ne sert à rien de rester là à bâtir des scénarios alors qu’il serait logique d’étudier cette planète — et d’aussi près que possible. Même de l’explorer … si cela paraît faisable. »
Et Wu dit avec une force surprenante : « Je suis tout à fait d’accord.
— Je suis biophysicienne, intervint Blankowitz, et s’il y a de la vie sur la planète, nous devons l’explorer, quelles que soient ses autres caractéristiques. »
Wendel les regarda l’un après l’autre et, rougissant légèrement, conclut : « Je suppose qu’il le faut. »
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« Plus nous nous rapprochons, dit Tessa Wendel, plus nous recueillons d’informations, plus tout cela est troublant. Serait-ce un monde mort ? Il n’y a aucun éclairage sur l’hémisphère obscur ; aucun signe de végétation ou d’une autre forme de vie.
— Aucun signe flagrant, fit remarquer froidement Wu, mais il faut bien qu’il y ait quelque chose pour maintenir de l’oxygène dans l’air. N’étant pas chimiste, je ne trouve pas de processus chimique qui puisse faire cela. Quelqu’un a une idée ? »
Il attendit à peine la réponse.
— En fait, je me demande si un chimiste pourrait trouver une explication chimique. Si oxygène il y a, il doit être produit par un processus biologique. Nous ne connaissons rien d’autre.
— En disant cela, intervint Wendel, nous nous basons sur notre expérience, qui est celle d’une atmosphère contenant de l’oxygène … celle de la Terre. Un jour, on se moquera peut-être de nous. Peut-être que la Galaxie est jonchée de planètes dont l’atmosphère est pleine d’oxygène sans relation avec la vie et on retiendra de nous que nous nous sommes retrouvés dans une impasse uniquement parce que nous venions d’une planète qui est une anomalie, avec son oxygène issu de la vie.
— Non, dit Jarlow en colère. Vous ne pouvez pas vous en tirer comme cela, capitaine. Vous pouvez imaginer toutes sortes de scénarios, mais vous ne pouvez pas attendre des lois de la nature qu’elles changent pour votre commodité. Si vous voulez trouver une source non biologique à une atmosphère contenant de l’oxygène, il faut nous proposer un mécanisme.
— Mais, il n’y a aucun signe de chlorophylle dans la lumière réfléchie par ce monde.
— Pourquoi devrait-il y en avoir ? s’exclama Jarlow. Il y a beaucoup de chances pour qu’une molécule différente ait évolué sous la pression sélective de la lumière d’une naine rouge. Puis-je émettre une hypothèse ?
— Je vous en prie, répondit amèrement Wendel. Vous ne faites pas grand-chose d’autre, n’importe comment.
— Très bien. Tout ce que nous pouvons dire pour le moment, c’est que les continents de cette planète semblent totalement dénués de vie. Mais, cela ne signifie rien. Il y a quatre cents millions d’années, les continents de la Terre étaient aussi stériles, pourtant la planète avait de l’oxygène dans son atmosphère et une vie abondante.
— Une vie marine.
— Oui, capitaine. Il n’y a rien à reprocher à une vie marine. Et cela inclut des algues, ou leur équivalent … des plantes microscopiques qui fabriquent de l’oxygène. Les algues des mers terrestres produisent quatre-vingt pour cent de l’oxygène qui se déverse chaque année dans l’atmosphère. Est-ce que cela n’explique pas la présence d’oxygène dans l’atmosphère ainsi que le manque apparent de vie terrestre ? Cela signifie aussi que nous pouvons explorer sans danger la planète en atterrissant sur la surface stérile de ce monde et en étudiant la mer avec les instruments dont nous disposons … en laissant à des expéditions ultérieures, convenablement équipées, le soin de faire un travail plus détaillé.
— Oui, mais les êtres humains sont des animaux terrestres. Si Rotor a atteint ce système, ils ont sûrement tenté de coloniser les continents et il n’y a aucun signe de cette colonisation. Est-ce vraiment nécessaire d’étudier plus à fond ce monde ? demanda le capitaine.
— Oh, oui, se hâta de répondre Wu. Nous ne pouvons pas revenir rien qu’avec des déductions. Nous avons besoin de faits. Il pourrait y avoir des surprises.
— Vous en prévoyez ? demanda Wendel avec un peu de colère.
— Peu importe que j’en prévoie ou non. Pouvons-nous revenir sur Terre et leur dire que, sans y regarder de près, nous sommes sûrs qu’il n’y aura pas de surprise ? Ce ne serait pas raisonnable.
— Il me semble que vous avez changé d’idée du tout au tout. Vous étiez prêt à revenir avant même d’avoir atteint l’Étoile voisine.
— Autant que je m’en souvienne, on m’a fait changer d’idée. Dans ce cas, et étant données les circonstances, nous devons explorer cette planète. Je sais, capitaine, qu’on peut être tenté de saisir cette occasion de visiter quelques autres systèmes solaires, mais maintenant qu’il y a un monde apparemment habitable en vue, il faut revenir avec un maximum d’informations sur quelque chose qui peut s’avérer bien plus important pour la Terre que n’importe quelle quantité d’informations du type catalogue sur les étoiles les plus proches. En outre … » il montra du doigt le hublot d’observation avec une expression qui ressemblait à de la surprise, « … je veux voir ce monde de plus près. J’ai l’impression qu’il est dénué de tout danger.
— L’impression ? dit Wendel d’un air sardonique.
— J’ai le droit d’avoir des intuitions, capitaine. »
Merry Blankowitz dit d’une voix un peu enrouée : « Moi aussi, j’ai des intuitions, capitaine, et cela m’ennuie. »
Wendel regarda la jeune femme avec étonnement. « Vous pleurez, Blankowitz ?
— Non, pas vraiment, capitaine. Je suis juste bouleversée.
— Pourquoi ?
— Je me suis servie du DN.
— Le détecteur neuronique ? Sur ce monde vide ? Pourquoi ?
— Parce que je suis venue ici pour cela. Parce que c’est mon travail.
— Et les résultats sont négatifs, dit Wendel. Je suis désolée, Blankowitz, mais si nous visitons d’autres systèmes, vous aurez peut-être plus de chance.
— Mais, justement, capitaine. Les résultats ne sont pas négatifs. Je détecte de l’intelligence sur cette planète et c’est pour cela que je suis bouleversée. C’est un résultat ridicule et je ne le comprends pas.
— Peut-être que l’appareil ne fonctionne pas, dit Jarlow. Il est tellement nouveau que ce ne serait pas étonnant qu’il ne soit pas fiable.
— Mais pourquoi ne fonctionnerait-il pas ? Est-ce qu’il nous détecte, à bord du vaisseau ? Ou donne-t-il faussement une réponse positive ? Je l’ai vérifié. Le champ protecteur est en parfait état et si j’ai faussement un résultat positif, je devrais l’avoir ailleurs. Il n’y a aucune réponse positive concernant la géante gazeuse, par exemple, ou l’Étoile voisine, ou n’importe quel point choisi au hasard dans l’espace, mais chaque fois que je balaie le satellite, j’en ai une.