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— Vous voulez dire, commenta Wendel, que sur ce monde, où nous ne pouvons détecter aucun signe de vie, vous captez de l’intelligence ?

— C’est une réaction très minime. C’est à peine si je peux la capter.

— Capitaine, intervint Crile Fisher, reprenons au point de vue de Jarlow. S’il y a de la vie dans l’océan de cette planète, que nous ne pouvons pas détecter parce que l’eau est opaque, ce peut être une vie intelligente, et c’est elle qu’a captée le Dr Blankowitz.

— Fisher a raison, dit Wu. Après tout, une vie marine, bien qu’intelligente, ne serait probablement pas technologique. On ne peut pas faire du feu dans l’eau. Une vie non technologique ne serait pas très visible, mais pourrait être intelligente tout de même. Et il n’y a rien à craindre d’une espèce non technologique, bien qu’intelligente, surtout si elle ne peut pas quitter la mer et que nous restons sur terre. Cela rend les choses plus intéressantes et notre investigation encore plus nécessaire. »

Blankowitz dit, d’un air contrarié : « Vous parlez tout le temps et tellement vite que je ne peux pas placer un mot. Vous vous trompez tous. Si c’était une vie intelligente marine, je n’aurais une réponse positive qu’en provenance des océans. Je l’obtiens partout, régulièrement. De la terre aussi bien que de la mer. Je n’y comprends rien.

— Sur terre aussi ? s’exclama Wendel, incrédule. Alors, l’appareil est détraqué.

— Absolument pas. C’est pour cela que je suis tellement bouleversée. Je n’y comprends rien. » Puis, comme pour atténuer ces paroles, elle ajouta : « La réaction est très faible, bien sûr, mais elle existe.

— Je crois pouvoir l’expliquer », dit Fisher.

Tous les yeux se tournèrent vers lui, et il se mit aussitôt sur la défensive. « Je ne suis pas un scientifique, mais ce n’est pas pour cela que je ne peux pas voir quelque chose d’aussi évident. Il y a de l’intelligence dans la mer, mais nous ne pouvons pas la voir parce que l’eau nous la cache. D’accord, cela paraît logique. Mais il y a aussi de l’intelligence sur terre. Elle est aussi cachée. Parce qu’elle est sous terre.

— Sous terre ? explosa Jarlow. Pourquoi sous terre ? Il n’y a rien de nocif dans l’air ou dans la température ou dans tout ce que nous captons. De quoi se protégerait-elle ?

— De la lumière, d’abord, répliqua Fisher avec force. Je parle des Rotoriens. Supposons qu’ils aient colonisé la planète. Voudraient-ils rester exposés à la lumière rouge de l’Étoile voisine ? Lumière sous laquelle la vie végétale rotorienne ne pourrait pas prospérer, et qui en plus les déprimerait ? Sous terre, ils auraient de la lumière artificielle, ce qui leur conviendrait mieux, à eux et à leurs plantes. En outre … »

Il s’arrêta et Wendel dit : « Quoi d’autre ?

— Eh bien, il faut que vous compreniez les Rotoriens. Ils vivent à l’intérieur d’un monde. C’est à ça qu’ils sont habitués et pour eux, c’est normal. Vivre en surface, ils ne trouveraient pas cela confortable. Ils s’enfonceraient sous terre, tout naturellement.

— Alors, dit Wendel, le détecteur neuronique de Blankowitz aurait repéré la présence d’êtres humains sous la surface de la planète.

— Oui. Pourquoi pas ? C’est l’épaisseur du sol entre leurs cavernes et la surface qui affaiblit la réaction que mesure le détecteur neuronique.

— Mais, objecta le capitaine, Blankowitz a plus ou moins la même réaction en provenance de la terre et de la mer.

— De la planète entière. Très régulièrement, dit celle-ci.

— Bon, répliqua Fisher. De la vie indigène sous la mer, des Rotoriens sous terre. Pourquoi pas ?

— Attendez, intervint Jarlow. Vous avez une réaction positive partout, Blankowitz. C’est bien ça ?

— Partout. J’ai détecté de légères augmentations et diminutions, mais la réponse est si minime que je n’en suis pas vraiment sûre. Ce qui est certain, c’est qu’il y a de l’intelligence partout sur la planète.

— Je pense, poursuivit Jarlow, que c’est possible dans la mer, mais sous terre ? Vous supposez que les Rotoriens, en treize années, treize seulement, ont creusé un réseau de tunnels sous toute la surface de la planète ? Si vous aviez une réaction dans un secteur, ou même deux — de petites surfaces, occupant une minuscule fraction de celle de ce monde — j’envisagerais la possibilité d’un terrier rotorien. Mais sous toute la surface ? Je vous en prie ! Un peu de sérieux.

— Dois-je en déduire, Henry, que vous suggérez qu’il y a une intelligence extra-terrestre souterraine sur toute la planète ? demanda Wu.

— Je ne vois pas d’autre conclusion, à moins de décider que l’appareil de Blankowitz est complètement dénué de valeur.

— Dans ce cas, dit Wendel, je me demande s’il n’y a pas du danger à atterrir. Une intelligence extra-terrestre ne se montre pas nécessairement amicale, et le Supraluminal n’est pas équipé pour faire la guerre.

— Je ne pense pas qu’il faille renoncer, s’entêta Wu. Nous devons découvrir quelle sorte de vie c’est, et en quoi elle peut interférer avec les plans que nous pourrions faire pour évacuer la Terre et nous installer ici.

— Il y a un seul endroit où la minuscule réponse est plus intense que partout ailleurs, dit Blankowitz. Pas de beaucoup. Est-ce que je dois tenter de le retrouver ?

— Allez-y. Essayez, répondit Wendel. Nous étudierons soigneusement les environs et déciderons s’il faut atterrir ou non.

— Je suis sûr qu’il n’y a aucun danger », affirma Wu avec un sourire un peu narquois.

Wendel se contenta de froncer les sourcils d’un air malheureux.

85

Ce qu’il y avait de bizarre chez Saltade Leverett (pensait Janus Pitt), c’est qu’il se plaisait dans la ceinture d’astéroïdes. Apparemment, il y avait des gens qui aimait vraiment le vide, l’inanimé.

— Ce n’est pas que je déteste les gens, expliquait Leverett. Je peux communiquer avec eux par holovision … parler avec eux, les écouter, rire avec eux. Je peux tout faire, sauf les toucher et sentir leur odeur … et qui en a envie ? En outre, on est en train de construire cinq stations spatiales dans la ceinture d’astéroïdes ; je peux les visiter et avoir mon content d’êtres humains … et les sentir aussi, si c’est bon pour moi. »

Quand il venait sur Rotor — la « métropole », comme il tenait à l’appeler — il ne cessait de regarder de côté et d’autre, comme s’il s’attendait à ce que les gens se précipitent sur lui.

Il jetait les mêmes coups d’œil soupçonneux sur les sièges et s’asseyait en s’y glissant obliquement, dans l’espoir, peut-être, d’essuyer l’aura que le précédent postérieur y aurait laissé.

Janus Pitt avait estimé que son ami serait le gouverneur idéal du Projet Astéroïde. Cette situation lui avait, en effet, donné carte blanche pour tout ce qui concernait la partie extérieure du système némésien. Ce qui comprenait non seulement les colonies en construction, mais aussi le Service de Balayage.

Ils avaient fini de déjeuner dans l’intimité de l’appartement de Pitt, car Saltade aurait préféré mourir de faim que de se rendre dans une salle à manger où le public était admis (ou simplement une troisième personne qu’il ne connaissait pas). Pitt était même étonné que Leverett ait accepté de manger avec lui.