— Buen, dit Treuffais. Tu es touché ?
— Je crève, gargouilla le Catalan.
Treuffais se démena frénétiquement, atteignit le corps du commissaire sans tête et lui fit les poches. Il trouva la clé des menottes. Buenaventura demeurait immobile au pied de la fenêtre, le menton contre la poitrine, et un flot écarlate coulait de sa bouche et de son nez et tachait le pull blanc, la veste de chasse, l’imper. Comme détait du sang pulmonaire, il était plein de bulles, il écumait comme de la bière renversée.
— Les bandes magnétiques sont dans mes poches de veste, dit le blessé.
— Qu’est-ce que tu dis ?
Le Catalan ne répondit pas. Treuffais défît les menottes et se précipita vers son ami, enjambant le cadavre de Goémond. Il s’agenouilla près de Buenaventura. Celui-ci le regarda un instant sans rien dire, puis mourut.
— Adieu, vieux con, dit Treuffais et les larmes jaillirent de ses yeux, et des sanglots si violents le secouèrent, qu’il lui vint des nausées nerveuses.
Il alla ouvrir la porte de l’appartement. La lumière était allumée dans l’escalier. Des gens s’appelaient d’un palier à l’autre. On parlait de coups de feu, de téléphone, de police secours. Treuffais rentra dans l’appartement, ferma les verrous et alla décrocher le téléphone.
Il forma le numéro d’une agence de presse étrangère, demanda à parler à un journaliste. On le lui passa.
Par les vitres cassées montait le lugubre potin des cars de police qui accouraient.
— Écoutez, mon vieux, et notez vivement, dit Treuffais en regardant les cadavres. Je vais vous raconter l’histoire brève et complète du groupe « Nada »…