— Elle ne serait pas un peu nympho, ta souris ?
Il ne répond pas ; tremble d'excitation.
— Elle aider moi à bousiller racaille.
— Pourquoi n'avez-vous pas trucidé Ma Gloire, l'organisateur des partouzes ?
— Nous croire lui mort.
— C'est toi qui lui as fourré le sexe du minet dans la gueule ?
— Non, elle.
Je ne le questionne pas plus avant pour le moment. Ma sidération est totale lorsque je vois compère Salami pénétrer dans le hall.
60
Le valeureux hound se précipite contre moi, la langue dégoulinante d'allégresse. Son fouet ressemble à la baguette d'un chef dirigeant une csardas échevelée.
— Comment as-tu su que je me trouvais ici ? lui demandé-je avec ébaubure.
Il n'a pas à me fournir la réponse car deux personnes surgissent à leur tour : Marie-Marie et Antoinette. Souriantes !
Ma fillette court à moi et se jette dans mes bras. Tu connais l'expression : « serrer à l'étouffer » ? Eh bien, elle correspond à l'instant. Me bisouille le cou, les joues, les oreilles en clamant :
— Papa ! Papa ! Papa !
Heureux mais stupéfait, je la laisse me torticoler avec ravissement. Pendant ces transports, ma Musaraigne d'autrefois embrasse son oncle. Qui, ému également, psalmodie : « Comment se puisse t'est-ce ? Comment se puisse-t-il ? »
Marie-Marie explique :
— Depuis notre retour d'Arabie, la petite ne veut plus vivre sans toi.
O douces paroles à mon âme offertes ! Chant divin dans lequel passent les émotions les plus suaves.
Je la presse plus fortement sur mon être géniteur. Tout à coup, aimé-je à dire, Antoinette avise Kozeck et pousse un cri :
— Oh ! bobo le monsieur !
— Il a eu un accident, expliqué-je, on va le conduire à l'hôpital ! Auparavant, soliloqué-je, nous allons faire un crochet chez sa femme.
Je pose enfin à Marie-Marie la question qui me brûle les lèvres tel un cigare fumé à l'envers :
— Qui t'a dit que j'étais dans ce château ?
— Ta mère l'ignorait ; à ton bureau l'on m'a répondu : « Monsieur le directeur est en mission ». Je me suis rabattue sur Jérémie. L'un de ses gosses m'a appris qu'il était à l'hôpital. J'ai pu l'y joindre et, grâce à lui, obtenir le renseignement.
— On voit que tu as travaillé pour la Rousse. Cela dit, j'ai école : le dernier étage de notre enquête à mettre sur orbite. Allez m'attendre chez Félicie, je ferai le plus vite possible.
En entendant ces mots, ma gosse se met à trépigner :
— Je ne veux pas te quitter ! JE RESTE AVEC TOI !
Si t'as jamais vu un papa aux anges, radine fissa avec ton Kodak, ton Nikon ou ton Rolleypimprenelle, mec ! Et flashe ! Ça vaut les trente-six poses. Mille fois plus alléchantes que celles duKãma-sutra (d'ailleurs, tu voudrais faire goder des Français avec des enculades d'hindous, toi ?).
— Bon ! Bon ! calmé-je, c'est entendu, ma puce : on ne se sépare pas. Vous allez m'accompagner, c'est à deux pas d'ici, mais vous devrez m'attendre un petit moment.
— Oui ! Oui ! Oui !
Battements de mains !
— Je sens que vais vivre des jours difficiles, fait Marie-Marie. Dans la vie, c'est toujours ainsi : le bonheur des uns ne fait pas fatalement celui des autres !
Nous nous entassons dans ma nouvelle tire : les « femmes » devant, Béru et sa victime derrière.
En peu de temps, je stoppe devant le modeste logis du père Moktar. La famille est une fois de plus à table (à croire qu'ils ne font que claper). Grand-père, mémé, ma merveilleuse Schéhérazade et son rejeton hypodermique[60].
L'arrivée de notre trio d'hommes dans ce lieu modeste apporte panique et stupeur. La vieille Antinéa se met à implorer Allãh, son petit-fils à claquer des chailles ; le grand-dabe saisit son couteau de table et le tient serré jusqu'à la violissure des doigts ; quant à l'exquise baiseuse, son visage me rappelle un plat d'épinards que j'ai beaucoup aimé.
— Bon appétit à tous ! lancé-je, encore plein d'euphorie.
Ils bouffent des steaks-frites, pour fêter la fin du Ramadan, ce qui indique que la mistoune s'est francisée malgré son mariage avec le Polack.
— Qu'est-ce qui est arrivé à çui-là ? demande l'Arbi en désignant son gendre d'un air profondément dégoûté.
— Les aléas d'la vie ! ricane le Porcin.
Mais ma Pomme conserve son sérieux :
— Je suis navré d'interrompre votre repas familial, cependant je dois vous demander de sortir, monsieur et madame El Djam, ainsi que le gamin, car j'ai besoin d'avoir une conversation sérieuse avec ces époux.
Les vieux sont quelque peu interloqués, se regardent, nous regardent, puis finissent par répondre à mon « injection », dirait l'Empereur.
Ils quittent la maisonnette, accablés. J'ai gros cœur, riche de tant de joie, d'apporter le malheur à ces braves gens. Toujours la vie salope qui mélange les pics et les cœurs !
Le Mastard surveille l'évacuation.
— Plus loin ! leur crie-t-il. Allez jusqu'z'au fond du parc et qu' j'vous revoye pas avant qu' j'vous eusse appelés !
Pendant leur décarrade, je tube pour qu'on m'adresse un fourgon cellulaire. Il va bien falloir que nous nous quittions, le couple maudit et moi ! C'est comme ça avec les gens : on a à peine le temps de s'aimer que la séparation s'impose.
La vieille téloche qui ronchonnait à sa guise, est en train de psalmodier les « niouves ». C'est récurrent. Un vieux pétrolier s'est craqué en deux et sa cargaison va pourrir les côtes grecques. Pour une fois c'est pas la France qui devra écoper ! Une jeune Anglaise, moche comme un cul de guenon, a été surinée dans le R.E.R. Le Premier ministre mouille parce que les impôts viennent de baisser d'un liard. Mais, mais, qu'ouï-je ? Dernières infos du golfe Persique, le prince Samou Sarazé, cousin du roi d'Arabie Orthodontique, vient d'être arrêté au retour d'un voyage en France. Il s'apprêtait à provoquer un cataclysme par la destruction du barrage d'Escouffian, ce qui lui aurait donné l'opportunité de déposer son souverain. Heureusement, des agents occidentaux avaient découvert le complot et alerté les autorité arabes.
La nouvelle me baume le guignol : nos Services secrets n'ont pas perdu de temps. Bravo !
Je vais éteindre le poste et reviens au tandem trucideur. Les Epoux du diable, voilà ce qu'on leur donnera comme surnom dans la presse à sensation.
Le Gros chuchote :
— Tueuse ou pas, je lui f'rais bien un branch'ment d'urgence, c't' greluse. T'as vu son cul ?
— Comme je te vois, réponds-je.
— J'y escalad'rais l'mont d'Vénus av'c la langue, pour commencer.
— Laisse, je connais le programme ; mais le temps des frivolités est passé pour elle.
Salami, plus homme que chien dans ses convoitises charnelles, renifle voluptueusement entre les gambettes de Schéhérazade. Il en bave de concupiscence, mon hound lubrique.
— Vous voici donc à nouveau réunis, dis-je aux Kozeck ; seulement, cette fois, ce n'est pas pour le meilleur mais pour le pire ! Je ne vais pas vous pomper l'air avec vos parts respectives de responsabilités, cela sera traité par la suite, en présence de vos avocats. Ce que je tiens à éclaircir, avant que la machinerie judiciaire se mette en action, c'est l'étrangeté de votre conduite.
J'avale suffisamment de salive pour pouvoir bouffer trois chattes à la file, sans escale.
Eux ne bronchent pas. La chérie finit par dire, en me cloaquant du regard :
— J'ignore ce que mon mari a pu vous raconter ; moi, je suis innocente !
— Puta ! glapit le vilain.
Manière de l'endiguer, Alexandre-Benoît lui place un bourre-tarbouif qui l'hémorrage séance tenante, puis lui lance une pattemouille exposée sur la paillasse de l'évier afin d'étancher le raisiné en dégoulinance.
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Pourquoi hypodermique ? Parce que je suis légèrement dingue. Ça te suffit comme explication ?