— Mais, bordel à cul de merde ! T'n'peuves pas faire attention, bougresse ! rugit l'Empereur. S'éclater la gueule just' z'au moment qu'on nous flashe pour la poste-héritée, y a qu'toive !
— Je vais en prendre d'autres ! avertit le photographe tout en aidant la souveraine à se relever.
Cliquètements, éclairs, et l'on s'avança vers l'auguste construction.
— Oh ! putain, c'est la couillerie en branche, clama Napoléon IV. J'ai plus pensé qu'on est mardi et qu'les musées sont fermagas !
Une houle consternée parcourut la petite assistance. Je fis alors remarquer qu'un hommage extérieur à l'illustre devancier était aussi valable qu'un hommage in door, et serait après tout moins contraignant.
L'objection galvanisa l'assistance.
Il y eut des vivats, des hourras, même. On entonna une fois de plus La Marseillaise, ensuite on congratula le couple impérial, puis on s'assit pour déballer les paniers de victuailles.
Tout en mangeant, Sa Majesté, poussée par l'ivresse de sa propre gloire, ne put résister au besoin de narrer à l'Impératrice la vie de son illustre devancier.
Et ce fut, en fin de compte, l'une des plus belles journées du Quatrième Empire.
LE PREMIER EMPIRE
RACONTÉ PAR BÉRURIER
« Tu voyes, Berthy, y a un' chose dont à laquelle, j'veuille t'causer, à propos d'mon ancêtre Napoléon Pommier, c'est d'ses amours.
Emp'reur, tout c' qu'tu voudreras, mais j'sus convaincu qu'il était loin d'avoir un chibre comm' l'mien, ni d'savoir s'en servir aussi bien qu'moive. A l'âge qu'y lutinait Caroline du Colombier, sa pr'mière, y a lurette que j'empétardais la Vévette Mauduy, la fille Marchandise, Léla Bonvin, la cadette au maire, sans parler d'Maâme Lamplatré, la couturière, qu'avait un pied r'tourné et un grand carré d'poils frisés su' la joue.
Moi, son braque à Napo, j'l'imagine pareil à un saucisson d'âne : ultra sec et noueux ; légèrement à la r'troussette, av'c un' tête plutôt pointue ; mais j'peuve m' gourer, des braques, y en éguesiste de toutes sortes ; faut avoir fait son service militaire pour s'en rend' compte. J'ai l'idée qu'il timorait d'c' côté, mon glaïeul. Su' un champ d'bataille, y s'éclatait, mais au plumard y bredouillait d'la membrane.
D'après M'sieur Félisque qui m'a éducationné su' l'sujet, Napo s' s'rait embourbé une trentaine d'greluses n'au cours d'sa vie, c' qu' je consomme par trimesse. Tu vas m'dire qu'y faut choisir : baiser ou faire la guerre, car tu n' peuves pas charger un nennemi au sabre et sabrer un' pécore en mêm' temps. J'ai toujours mieux aimé planter ma bite qu'un' baïonnette. Moive, les infusions d' sang, j'déteste pas, n'à condition qu' ça s' fasse d'homme à homme et à poings nus. Défoncer la gueule d'un pourri n'manque pas d' charme quand c'est l' vilain qui t' cherche des rognes.
Pour t'en reviendre à la zifolette farceuse d'Poléon, ell' le faiblissait n'au lieu d'lu donner du tonus. Dès qu'un' frangine lu vidait les aumônières, y s'croiliait son débiteur pour l'avoir bitée. La vraie pomme à l'huile ! N'habituellement, les Corsicos transforment les gerces en gagneuses. Dans son cas, c'est lui qui f'sait le pigeon ! Un' pipe : un' rente ! Un' feuille d'rose : un tit' d' noblesse ! Et tout à lav'ment !
La bonne affure pou' les gonzesses.
Quand est-ce y leur déballait ses roustons tannés par la pratique du bourrin, il éperduait de r'connaissance. Dans l' fond, c'tait modeste de la part d'un gazier qu'a fait tant tell'ment de veuves qu' la pauv' France s'en est pas encore r'mise complèt'ment !
Mais j' dégraisse, Berthe. J' m'écartèle d'mon propos. En tant qu'son descendant, faut qu' je fasse taire ces critiques. J'lu doive l'respecte, biscotte la famille c'est sacré.
J'veuille pas insister su' les pouffes qu'il a grimpées, not' Illuste. Pour beaucoup ça t'été du rapidos : un coup dans les baguettes et Malboro s'en va t'en guerre ! C't' marotte d'désambuler su' les routes d'Europe avec des milliers d' zigus qu'auraient tant préféré rester chez eux à moud' le blé, presser l'raisin, et empaffer leur rombiasse ! C' qu'a d'malheureux, vois-tu, Berthy, c'est qu' les guerreriers font plus causer d'eux qu' les pacifiqueurs et qu'on écrit des bouquins su' les tyrans, mais pas à propos du mec ayant inventé le vasquecin cont' la rougeole ou la pommade pou' la chaude-lance.
C' qu' j'en r'viens, c't'aux frangines.
A dix-huit ans, y s'laisse déberlinguer par un' prostipute qui y estirpe l'escarguinche d'sa coquille et lu fait mousser l'blanc d'œuf. Fier service ! On n'direra jamais c'qu'un jeune homme doive aux putes. Joli d' s'astiquer l'panais, mais l'moment arrive, inéluctab', qu'tu doives t'faire prend' en main par un' gosseline d'espérience, sinon c't'un pédoque qui t' déboutonne la soutane dans un cinoche et t'oriente su' la terre jaune. Moive, j'ai z'eu des potes qu'ont chopé du rond au départ et n' s'en sont jamais r'mis. Un' fois craqué la rondelle, tu d'viens un inepte d'la chose ; or un chibraque dans le pétrousquin, c'est pas c'qui fait progresser la race humaine, quand bien même ça guérit les émeraudes.
N'aftère sa radasse, mon parent s' la met en veilleuse quéques années avant d'monter à la tringlette pou' d'bon. C't'ainsi qu'y s'embourbe une mijaurée de seize piges : Emilie Laurenti. Et pis v'là qu'au début d'1795 y rencontre un' aut' berlinguée du même âge, Désirée Clary, brune bien roulaga. Y s'l'emplâtre recta (p't'être rectum) !
Un' jouvenceuse d'plus. C't'à ça qu'on voye sa timidité ! Probab' qu'les éplucheuses d'braguettes y font peur. Y veuille bien s' risquer à palucher des chattounes verginales, mais pas encore des babasses écarquillées, comme s'y craindrait d'y paumer sa baratte à moules.
N'au départ, c'tait son frangin Joseph qui guignait la craquette à Désirée ; mais av'c Poléon : pas d'ça, Louisette ! Y fait valoir sa suprême assise et conseille au frelot d'marida Julie, l'aînée. Ce glandu accepte. Pour lui, des rillettes ou du caviar, c'est du pareil au kif.
Mais là y a un os dans la noce, dirait l'Antonio : les vieux d'la Désirée n'veuillent pas d'deux Bonaparte dans la famille. Y pouvaient avoir l'aigle, y s'contentent du pigeon !
En plein suif, l'futur Empereur regagne Pantruche.
Cézigus a pigé qu'pour arrivever à quèqu'chose, faut se frotter aux grands d'c'monde. Y s'fait inviter chez Barabbas qu'on appelle « Le Roi d'la République », près d'qui s'pressent les plus chouettes greluses. Le Barabbas à moinve qu'ça soye Barras, j' m'y perds, s'enquille un' mousmé d'first quality nommée Thérèse Tallien. C' t'un' découilleuse d'classe, entourée d'mômes surchoix, parmi lesquelles Maâme Récamier et un' pouliche aux lotos salingues nommée Joséphine de Beauharnais.
Tu m'as compris tu m'as, hein, Berthy ?
Joséphine ! Un' sacrée pétroleuse.
Dans l' salon d'la Tallien, mon onc' fait des ravages. Il a la gale, il est craspect, mal fagoté, n'au point qu'la Thérèse lu obtentionne du tissu pou' s'reloquer, mais il jacte comm' un merle blanc et les pépées s'entichent d' sa Pomme. Bientôt, y va dégainer dans l'alcôve à Joséphine et lu ramoner la case-trésor.
Salope comme l'est la brunette, il tombe dingue d'elle en plein, lu écrit des babilles qui f'raient chialer un concierge d'usine. Tiens, Félisque m'en a cité des passages capab' d'éclater les burnes d'un sapajou.
J't' cite :
« Ton portrait et l'enivrante soirée d'hier n'ont point laissé de repos à mes sens, douce et incomparable Joséphine. »
Et pis encore :
« En attendant (d't' r'voir) mi dolce amore, un million de baisers ; mais ne m'en donne pas, car ils brûlent mon sang ! »