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« Mais ce ne fut pas pour Mr Radley un très gros problème – car, voyez-vous, il était chef comptable à l’agence de Christchurch des Cartes de Voyage Universelles. Bien que le contrôle, dans cette entreprise, passe pour parfait et à toute épreuve, il s’est arrangé pour s’octroyer, sans bourse délier, une carte de voyage de la catégorie Q, lui permettant d’aller n’importe où dans le système solaire, d’utiliser hôtels et restaurants sans avoir à y faire aucun paiement, et même de tirer des chèques, au cours de son voyage, jusqu’à concurrence de cinq cents dollars. On ne voit pas beaucoup de cartes de la catégorie Q en circulation, pour la bonne raison qu’elles coûtent très cher.

«D’autres, naturellement, avaient déjà essayé de voyager ainsi. Il arrive que des clients perdent leur carte, et des gens entreprenants s’offrent quelques jours de bon temps avant d’être pris. Mais seulement quelques jours… Le système de surveillance est très efficace, et il faut qu’il le soit. Jusqu’à maintenant, le plus habile fraudeur n’a pas tenu plus de huit jours.

— Neuf jours ! s’écria Radley d’une façon inattendue.

— Excusez-moi… Vous devez le savoir, en effet. Disons donc neuf jours. Mais Radley lui-même était en route depuis près de trois semaines avant que nous trouvions sa piste. Il avait pris son congé annuel et dit à son bureau qu’il allait passer tranquillement ses vacances dans le nord de l’Islande. Au lieu de cela, il se rendit à Astrograd et de là gagna la Lune, créant un précédent. Car il est le premier homme – et nous espérons bien qu’il sera le dernier – à avoir quitté la Terre sans débourser un sou.

« Ce que nous désirons savoir maintenant, c’est comment il s’y est pris, comment il a réussi à tromper les appareils de contrôle automatiques. Avait-il un complice parmi les électroniciens chargés de ces appareils ? Voilà la question que se pose l’Agence des Cartes de Voyage Universelles. J’espère, Radley, que vous allez vous déboutonner avec moi, juste pour satisfaire ma curiosité. Je pense que c’est la moindre des choses dans les circonstances où nous nous trouvons.

« D’ailleurs, nous savions déjà pourquoi vous avez fait cela, pourquoi vous avez sacrifié une bonne place afin de vous lancer dans une aventure qui fatalement devait vous mener en prison. Nous avons tout deviné dès l’instant où nous avons découvert que vous étiez sur la Lune. L’entreprise qui vous emploie connaissait parfaitement votre dada, votre passion – qui d’ailleurs ne vous a jamais empêché de travailler correctement. Et cette histoire lui coûte cher…

— J’en suis désolé, répondit Radley non sans une certaine dignité. Mes patrons m’ont toujours bien traité, et ce que j’ai fait semble honteux. Mais je l’ai fait pour une bonne cause. Et si j’avais pu trouver la preuve que je cherchais…

Brusquement tout le monde – sauf l’Inspecteur Harding – cessa de s’intéresser à Radley, à ses soucoupes volantes et à ses mésaventures. Les passagers venaient d’entendre au-dessus de leurs têtes le bruit qu’ils avaient si anxieusement attendu et qui enfin se manifestait.

Avec sa sonde, Lawrence grattait le toit du Séléné.

Chapitre XIII

« J’ai l’impression d’avoir passé ici la moitié de ma vie, pensait Maurice Spenser. Et pourtant le soleil est encore très bas à l’ouest, du côté où il se lève sur ce monde bizarre, et il faudra encore trois jours avant qu’il ait atteint son apogée. Combien de temps vais-je encore être retenu dans ces montagnes, à observer ce lointain radeau et à écouter les histoires d’astronautes que raconte le capitaine Anson ? »

C’était une question à laquelle personne ne pouvait répondre. Quand les caissons avaient commencé à descendre, il semblait que tout serait fini au plus tard dans les vingt-quatre heures.

Mais maintenant on en était au même point que lorsqu’on avait commencé – et, ce qui aggravait les choses pour la télévision, tout le côté visuel de l’affaire était épuisé. Ce qui se passerait maintenant serait caché dans la mer de poussière ou prendrait place à l’intérieur d’un igloo.

Lawrence continuait à refuser avec entêtement qu’une caméra s’installe sur le radeau, et Spenser ne pouvait guère le blâmer. L’Ingénieur en Chef n’avait pas eu de chance lorsque ses déclarations avaient été brusquement démenties par les faits. Il ne voulait pas courir un tel risque une deuxième fois.

Mais il n’était pas question pour l’Auriga d’abandonner l’endroit où il était venu à grands frais. Si tout marchait bien, il y aurait encore une scène émouvante à prendre. Et si tout tournait mal, ce serait une scène tragique. Tôt ou tard des « glisseurs » rentreraient à Port Roris, avec ou sans les hommes et les femmes qu’ils étaient venus pour sauver.

Spenser ne voulait pas rater le départ de cette caravane, qu’elle ait lieu dans le soleil levant ou dans le soleil couchant, ou même au clair de Terre.

A peine Lawrence eut-il repéré le Séléné qu’il se remit au travail de forage.

Sur le petit écran de contrôle, Spenser put voir les minces tubes à oxygène effectuer une seconde descente dans la poussière.

Le reporter se demanda pourquoi l’ingénieur se livrait à un tel travail s’il n’était même pas sûr qu’il y eût encore quelqu’un de vivant à bord du Séléné. Et comment pourrait-il vérifier cela, maintenant qu’il n’avait plus aucune communication par radio avec le bateau ?

Cette même question, des millions de gens se la posaient aussi, tout en regardant le tuyau descendre dans la Mer de la Soif, et beaucoup d’entre eux se donnaient peut-être la bonne réponse. Chose curieuse, toutefois, personne n’y pensa à bord du Séléné, pas même le Commodore.

Dès qu’ils entendirent le « bang » sourd au plafond, ils surent immédiatement qu’il ne s’agissait plus du tube métallique léger sondant délicatement la mer. Quand, une minute plus tard ils entendirent le bruit bourdonnant – sur lequel on ne pouvait pas se tromper – de la foreuse se frayant un chemin à travers la fibre de verre, ils se sentirent comme des condamnés à mort à qui on a accordé un sursis à la dernière minute.

Cette fois la foreuse ne toucha pas les câbles électriques – bien que maintenant la chose eût été sans importance.

Les passagers regardaient en l’air, presque hypnotisés, tandis que le son grinçant devenait de plus en plus fort et que déjà quelques petits débris tombaient du plafond.

Quand la tête foreuse apparut et descendit de vingt centimètres dans la cabine, il y eut un concert d’exclamations joyeuses.

Et maintenant ? se demandait Pat. Nous ne pouvons pas communiquer avec eux… Quand saurons-nous qu’il faut dévisser ce foret ? Je ne veux pas commettre la même erreur une seconde fois…

Aucun de ceux qui étaient à bord du Séléné, même s’il avait dû vivre très longtemps, n’aurait pu oublier ce qu’il entendit alors dans le silence de la cabine, un silence tendu et plein d’attente : le tube métallique se mit à résonner, d’une façon claire et nette, formant le signal morse.

Ti ti ti, taaa.

Comment avaient-ils fait pour ne pas penser à cela ?

Pat répondit immédiatement, formant lui aussi la lettre V en frappant sur le tube avec des pinces.

Maintenant, pensa-t-il, ils savent là-haut que nous sommes toujours vivants.