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— Ce n’était pas nécessaire… C’est une paroi pouvant résister à la pression externe, et normalement il devrait y avoir le vide de l’autre côté. C’est le meilleur extincteur qui existe.

— J’y suis ! s’exclama McKenzie. Ne voyez-vous pas ? Tout ce compartiment a été envahi par la poussière. Quand le toit a été percé, celle-ci y est entrée. C’est elle qui a court-circuité tout l’équipement électrique.

Pat n’eut pas à discuter pour comprendre que McKenzie avait, cette fois, raison. A l’heure présente, toutes les parties du bateau normalement dénuées d’air devaient être remplies de poussière. Celle-ci avait dû glisser dans l’espace vide qui se trouvait entre les deux coques lorsque les ouvertures avaient été pratiquées et s’accumuler lentement dans tous les endroits qu’elle pouvait atteindre, notamment dans le compartiment où était la source d’énergie électrique. Le fer météorique qui se trouvait en quantité notable dans la poussière était un bon conducteur. C’était lui qui avait provoqué d’innombrables circuits et courts-circuits.

— Si nous projetions de l’eau sur cette paroi, demanda le Commodore, est-ce que cela serait utile ? Ou est-ce que cela ferait craquer la fibre de verre ?

— Je crois que nous pouvons essayer, répondit McKenzie, mais très prudemment, avec très peu d’eau pour commencer.

Il remplit une tasse en matière plastique – l’eau était déjà chaude – et regarda ses deux compagnons d’un air interrogateur. Comme ils ne faisaient pas d’objection, il lança quelques gouttes sur la surface boursouflée.

Les craquements et sifflements qui en résultèrent furent si effrayants qu’il s’arrêta aussitôt. C’était un trop grand risque. L’idée eût été bonne avec une paroi de métal. Mais cette matière plastique non conductrice aurait certainement éclaté sous l’effet d’une différence de température entre divers points de sa surface.

— Nous ne pouvons rien faire ici, dit le Commodore. Même ces extincteurs ne serviront pas à grand-chose. Nous ferions mieux de sortir et de bloquer tout ce compartiment. La porte offrira un nouvel obstacle au feu et nous pourrons ainsi gagner du temps.

Pat hésitait. La chaleur était déjà presque intolérable, mais il lui semblait que ce serait une lâcheté de quitter cet endroit. Pourtant la suggestion de Hansteen était parfaitement raisonnable. S’il restait ici jusqu’à ce que le feu traverse la cloison, il serait sans nul doute immédiatement asphyxié par la fumée.

— Très bien, dit-il, sortons. Et voyons quelle sorte de barricade nous pouvons dresser contre cette porte.

Il ne songea pas qu’ils n’auraient pas beaucoup de temps pour cela. Déjà on entendait, très distinctement, des craquements dans la paroi qui tenait l’enfer en respect.

Chapitre XV

La nouvelle qu’il y avait le feu à bord du Séléné ne pouvait modifier en rien le travail de Lawrence. Il ne pouvait pas aller plus vite qu’il ne le faisait. S’il le tentait, il risquait de commettre une faute, surtout maintenant qu’il était dans la partie la plus délicate de sa tâche. Tout ce qu’il pouvait faire était de continuer, avec l’espoir qu’il serait plus rapide que les flammes.

L’appareil que l’on avait descendu dans le puits pour la besogne finale, ressemblait à un énorme graisseur, ou à quelque version géante de ces seringues dont on se sert pour orner la surface des gâteaux de noces.

Le premier problème, pour Lawrence, était d’introduire un liquide entre les deux parois de la coque, et cela sans laisser la poussière s’échapper. Utilisant une petite riveteuse, il enfonça sept écrous creux dans la paroi externe du Séléné, un au centre et les six autres également espacés autour de la circonférence.

Il enfonça la seringue dans le rivet central et pressa sur la détente. Il y eut un léger sifflement quand le liquide pénétra dans le rivet creux, faisant s’ouvrir à l’extrémité de celui-ci une petite valve. Travaillant très vite, mais avec précision, Lawrence passa d’écrou en écrou, lâchant chaque fois la même quantité de liquide. Celui-ci, maintenant, avait dû se répandre d’une façon presque régulière entre les deux coques, formant une sorte de pâté aux contours irréguliers, mais de plus d’un mètre de diamètre. Mais plutôt qu’un pâté, cela devait être un « soufflé », car le liquide avait dû se mettre à mousser dès qu’il avait été injecté.

Quelques secondes plus tard, le tout commencerait à durcir, sous l’influence des éléments catalyseurs qui étaient dans le liquide.

L’ingénieur regarda sa montre il fallait attendre cinq minutes, après quoi le mélange mousseux serait devenu aussi dur que du roc, bien qu’aussi poreux que de la pierre ponce – à laquelle d’ailleurs cette nouvelle substance ressemblerait beaucoup. Ainsi la poussière ne pourrait plus, se glisser dans cette partie de la coque. Celle qui s’y trouvait aurait été comme congelée sur place.

L’ingénieur ne pouvait absolument rien faire pour raccourcir ces cinq minutes. Toute la réussite de son plan en dépendait. Il fallait attendre que la substance qui était sous ses pieds eût atteint la consistance voulue. Si le calcul de la quantité de liquide à injecter et du temps nécessaire pour la prise était erroné, si les chimistes de la base s’étaient trompés, on pouvait tout aussi bien considérer les gens du Séléné comme déjà morts.

Il utilisa ces minutes d’attente à nettoyer le puits, renvoyant à la surface tout le matériel qui ne lui était plus utile. Bientôt il n’eut plus le moindre outil autour de lui, rien d’autre que ses mains nues. Si Spenser avait pu amener en fraude sa caméra dans cet étroit espace – et il aurait conclu un pacte même avec le diable pour pouvoir le faire – les téléspectateurs auraient été totalement incapables de deviner à quelle besogne l’ingénieur allait maintenant se livrer.

Ils auraient été encore plus perplexes en voyant descendre lentement dans le puits un objet qui ressemblait à s’y méprendre à un cerceau d’enfant.

Mais ce n’était pas un jouet. C’était en quelque sorte la clef avec laquelle Lawrence allait ouvrir le Séléné.

* * *

Susan avait déjà amené les passagers vers l’avant, c’est-à-dire la partie la plus haute de la cabine depuis que le bateau était en pente. Ils se tenaient tous là, serrés les uns contre les autres, regardant anxieusement le plafond, et l’oreille tendue pour recueillir tout bruit encourageant.

Des encouragements, pensa Pat, ils en avaient grand besoin. Quant à lui, il en avait encore plus besoin que quiconque, car il était le seul à connaître – à moins que Hansteen et McKenzie ne l’eussent aussi deviné – l’étendue réelle du danger qu’ils couraient.

La menace du feu était déjà bien assez grave – et le feu pouvait les tuer s’il faisait irruption dans la cabine. Mais il était lent, et on pouvait le combattre, ne serait-ce que pour le retarder un instant. Mais contre une explosion, ils ne pourraient absolument rien faire.

En vérité, le Séléné était une bombe – et la mèche était déjà allumée.

L’énergie en réserve dans les cellules qui actionnaient les moteurs et toutes les installations électriques pouvait se transformer en chaleur, mais ne pouvait pas exploser. Il n’en était pas de même, malheureusement, des réservoirs d’oxygène liquide.

Ils devaient encore contenir une quantité assez importante de cet élément effroyablement froid et violemment réactif. Quand la chaleur croissante crèverait ces réservoirs, il y aurait une explosion à la fois physique et chimique. Une petite explosion, certes, comparée à celles que l’homme pouvait susciter – mais qui serait sans doute équivalente à la déflagration de cent kilos de T.N.T. Ce serait largement suffisant pour mettre le Séléné en pièces.