SAN-ANTONIO
NE SOLDEZ PAS GRAND-MÈRE, ELLE BROSSE ENCORE
Roman Foutral
A Claude SERRE
que j'admire et que j'aime.
La plupart des hommes pensent recouvrer leur virginité une fois qu'ils ont remis leur slip après s'être fait sodomiser.
Pour un écrivain, changer d'éditeur, c'est comme changer de transat à bord du Titanic.
On croit que certaines femmes ont des yeux cochons, alors qu'elles ont des yeux de truie.
La mort est notre lot de consolation.
Donner, compense l'amertume de ne pas recevoir.
Je suis, certes ; mais es-tu ?
DRÔLES DE BALLONNEMENTS
L'hôtel du Dragon Couillonné à Hong Kong.
Dans la salle réservée au karaoké.
Une dizaine de clients, en partie asiates, sinatrisent Strangers in the night, ravis de se découvrir une admirable voix. L’interprète qui chante le plus fort est un Japonais gras comme un sumo, aux cheveux oléaginés, dont les yeux doivent être la réplique doublée de son trou du cul. Il est accompagné d’une mignonne entraîneuse au nom poétique de Gling-Gling, ce qui. traduit du mandarin, signifie : « éjaculation matinale sur une feuille de nénuphar ».
Nonobstant ce couple d'un soir, sont également présents : une famille pakistanaise, deux jeunes mariés italiens en voyage de noces, un évêque anglican avec sa tétineuse de membrane, et enfin un Français corpulent (mais moins que le Japonouille), originaire de Normandie, rouge et à l'étroit dans un smoking n'ayant pas suivi les péripéties de sa surcharge pondérale.
L'air fameux emplit la pièce. Des éclairages compliqués ponctuent la musique de diarrhées lumineuses.
Les assistants se divertissent au sein de cette cacophonie à laquelle ils contribuent. Les hommes, tu l'auras peut-être noté, sont toujours disposés à se croire parés de dons. Ceux-là ne se savaient pas crooners et c'est un grand sujet de fierté pour eux que de le constater. L'inventeur de cet appareil a fait énormément pour la vanité universelle.
Et voilà qu'au plus poignant de la chanson, il se passe une chose stupéfiante, donc rarissime : au beau milieu d'une strophe, le Japonouille explose.
Je sais, cette déclaration paraît difficilement concevable par un individu comme toi, qui baise sa femme à l'horizontale et prend ses vacances en août. Pourtant elle est incontournable. L'obèse vient bel et salement d'éclater ! Le bruit a été sourd tel un pet sous les draps. Sur l'instant, on pense qu'il s'est pris une bastos explosive dans le baquet. Mais non. La détonation s'est produite à l'intérieur de son ventre. Un cratère considérable s'opère dans sa bedaine. Sa limouille au plastron amidonné, sa large ceinture noire, le haut de son futal à bande de soie, déchiquetés, ne contiennent plus ses entrailles fumantes, lesquelles glissent lentement sur le tapis avec un gargouillement « silencieux », semblable à celui que provoque un pénis en éruption dans une chaglatte venant de jouir.
Curieusement, l'homme conserve sa verticalité, probablement parce qu'il n'est point mort. La douleur plisse ses paupières.
Les chanteurs se sont tus. La dame pakistanaise s'évanouit, vu que son sari blanc et or est instantanément couvert de sang et de matières qui couperaient l'appétit à un chacal affamé. L'horreur croît. L'évêque gerbe. La musique imperturbable continue de se dévider.
Le gros Français au smoking trop juste se précipite pour retenir « l'explosé ». Son mouvement brusque fait éclater son bénouze, découvrant à l'assistance prostrée un cul inslipé mais toisonné d'astrakan.
Réaction inévitable : la plupart des clients se sauvent, redoutant probablement une seconde déflagration.
Le Japonais n'en finit pas de clamser. Ces gens-là ont tellement l'habitude de s'harakirier qu'ils parviennent à vivre un certain temps avec la brioche béante.
Sa copine Gling-Gling, de saisissement, fait pipi sur le tapis tout en claquant des ratiches.
Un serveur qui apportait des rafraîchissements laisse choir son plateau à la vue du drame. Le gros Franchouillard pète si fort que le barman se jette à plat ventre, croyant à une détonation d'arme à feu.
Bientôt la Police se pointe et le tohu-bohu se calme.
LES PRÉDICTIONS DE MONSIEUR X
Salami dresse la tête et me regarde. Ses oreilles tombantes se soulèvent légèrement telles les ailes d'un condor se préparant pour l'envol.
— Inquiet ? je lui demande.
Il affirmative du museau.
— A cause de cette détonation ? reprends-je. Un pot d'échappement, mon cher. Vous avez vu la circulation dans cette ville !
Mon explication ne lui suffisant pas, il va à la porte de la chambre, se dresse sur ses antérieures et actionne la béquille de la serrure.
Le voilà parti sans crier gare, dirait-on à la S.N.C.F.
Son attitude me déroute car c'est pas le genre à faire du zèle pour des quetsches. J'hésite à le suivre. Seulement comme je suis nu sous mon peignoir, je reste dans ma luxueuse carrée garnie de satin et de trucs-machins chinoisants qui flanqueraient la chiasse verte à un mouflon. Le temps de compter jusqu'à deux, et le biniou émet un appel plaintif d'agnelet ayant perdu sa mère dans le métro.
Je décapsule.
Organe du Gros, aux langoureuses inflexions de machine à laver :
— Amène ta viande, mec, le bigntz s'est produit !
Impossible de lui en arracher davantage : il a déjà raccroché.
Je soupire et retourne habiter mon pantalon.
La première chose que je vois en sortant de l'ascenseur, c'est un policier chinois en train de savater le fion de Salami. Mon brave clébard pousse un cri de stupeur et de souffrance mêlées, puis se retourne pour défrimer son tortionnaire.
L'homme et l'animal échangent un long regard dont un écrivain médiocre assurerait « qu'il est dépourvu d'aménité ». Toujours, les connards, t'auras remarqué, les formules élimées, ils en raffolent.
Bérurier qui a vu la scène se précipite.
— Non mais, de quoi me permets-je ! vocifère mon Mammouth bien-aimé. Des voix d'portefaix su' la personne d'un chien d'client à deux mille balles la chamb' ! On croive rêver !
J'endigue vite fait ce début d'incident plomatique, faisant valoir à mon solide auxiliaire que nous ne sommes pas venus en Asie pour beurrer de noir les lotos des flics.
Un cordon de perdreaux isole la salle de karaoké. Défense d'approcher.
Dans ce pays singulier, ma position de dirlo de la french Rousse n'impressionnerait même pas un coolie postal. Alors j'entraîne le Mastodonte en direction du bar où il se laisse convoyer avec la grâce d'un pétrolier géant exécutant une manœuvre dans le bassin des Tuileries.
— Raconte ! lui enjoins-je.
Il récapitonne :
— J'venais d'viendre dans la salle du cacatoès, là qu' des moudus égosillent pour s'faire croir' qu'y z'ont la voix d'Pivotrôti. N'entrôtre monde s'trouvait un gros Jap av'c un' gonzesse décolletée jusqu'à sa cramouill'. Y s'poilait comm' un brie entamé. Et v'là brusqu'ment soudain qu'il esplose !
— Qu'entends-tu par là ? coupé-je.
Le Gravos violit.
— J'entends c'qu'j'dis, bougonne-t-il. Y d'vait êt' dynamité d' l'intérerieur, biscotte sa brioche a éclaté.
— Tu penses qu'il a morflé une balle dum-dum dans le baquet ?
— Putain, j'cause en bon français ! J'te dis qu'il a espiosé. Tiens, vise j'ai encore des brimborions d'merde su' mon r'vers.