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Les deux fonctionnaires de la Chine popu ont l'amabilité de m'apprendre que je suis à Po'v Kong, province du Kal Vâ Dôss, situé à moins d'une chiée de lis d'Hong Kong. Mes traumatismes étant sans gravité, ils proposent de m'emmener à la ville voisine. De là, ils me feront reconduire à Victoria, la capitale de « l'ancien territoire » (aiment-ils à préciser), sitôt que l'enquête sera terminée !

Jolie nuance. Toujours attendre les fins de phrase avant de se réjouir.

Tu la vois bien la gueule que je pousse ? Pas besoin que je m'approche de la fenêtre ?

Non ?

Bon !

NUITS DE CHINE, NUITS CÂLINES

Tu sais, les Chinagos, c'est pas dans les restaus de Saint-Germain-des-Prés que tu peux t'en faire une idée précise. Entre rouleaux de printemps et porc au citron, ils sont coopérants, compréhensifs, d'une gentillesse infinie. Je les vois, quand ils te passent une serviette chaude, avant et après le repas, le sourire plein de miséricorde (à nœuds). T'es fondant, prêt à aller effacer les graffitis que des cons touristeurs dessinent sur la Grande Muraille.

Seulement, mon kiki joli, lorsqu'ils t'hébergent dans leurs geôles, ça se passe autrement.

Remarque, ils sont prudents avec moi. Polis. Ça les empêche nullement de me tenir à dispose dans l'aile de leur caserne destinée « aux cas spéciaux », je suppose.

Une chambre avec un lit, chiotte, barreaux aux fenêtres et verrous extérieurs.

Tu sens l'ambiance ?

La bouffe à base de riz et de poissons frits à l'huile de vidange. Promenade dans une cour grillagée telle une volière de zoo. La vie bien comprise, quoi !

Le lendemain de mon arrivée, je suis interrogé par un petit gonzier chauve, à tronche de bouddha encéphalique, dûment galonné.

Avec six vilités, il réclame les raisons de mon voyage à Hong Kong.

— Tourisme ! lui réponds-je.

— Celles de l'« extension » à Macao ?

— Tourisme, répété-je avec la même imperturbabilité.

Paraît se contenter de cette déclaration définitive. Me questionne ensuite à propos de ma profession.

J'explique que je dirige une branche importante de la Police parisienne. Lui demande de téléphoner de ma part au consul de France à Hong Kong, voire à celui de Pékin s'il préfère, affirmant à cet évadé de bocal que n'importe quel diplomate français se portera garant de moi.

Il demeure impaplein[14].

La converse se poursuit dans une espèce de léthargie cafardeuse. Le gnome ne semble intéressé ni par les questions qu'il pose, ni par mes affirmations. Est-ce dans sa nature de perdreau ? Souffre-t-il de la vésicule biliaire ? A-t-il trouvé sa gerce à califourchon sur la verge de son supérieur ? Autant de suppositions sans réponse.

Une seconde journée va s'écouler, qui n'apportera pas la moindre modification à mon statut de « prévenu ».

Ma « chambre » sent le renfermé et le pet asiatique refroidi. Une pluie antédiluvienne s'abat sur la Chine. Il en vase à la lance de pompelard, dirait-on !

Je commence à bourdonner sec. Estime que mon destin joli est à une bifurcation. J'appelle mon « lutin personnel », mais il ne doit pas avoir de succursale en Chine populaire, car il fait la sourde portugaise.

Pas confortable, ma situasse. Mes pinceaux s'enfoncent dans le marécage chinois. Va-t-il m'absorber, comme le fut la Jaguar de la bordelière dans la mare aux canards ?

Non, mon vieux Léon !

Car un gardien se pointe : un vieux ramolli, trop petit pour son uniforme, lequel est en revanche trop grand pour lui.

Me fait signe de l'accompagner.

Allons-y, Riri !

Le crapauteux de l'autre jour est assis sur l'angle de son burlingue, dans l'attitude adoptée par les acteurs dans un rôle de chef.

Deux mecs en civil se tiennent face à lui. Ils jactent tous dans la langue de Confucius. Quand j'étais môme, mes parents m'avaient acheté un minuscule piano produisant des sons à peu près identiques.

— Ces hommes vont vous reconduire à Hong Kong, m'informe le crapaud.

Musique céleste que mon être accueille avec des transports difficiles à contrôler.

J'avise, sur la table, mes papiers engourdis lors de mon arrivée.

— Reprenez votre bien ! jette l'officier avec l'enthousiasme chaleureux qu'il mettrait à dynamiter un furoncle à point sur la fesse de Pol Pot.

Me le fais-je dire deux fois ?

Que non point. Avec une prestesse de langue caméléonesque, je renfouille mes fafs.

— Bon voyage ! ajoute le cher homme.

Geste bref de la main aux deux civils, lesquels s'inclinent avant de m'emboîter le pas.

La guinde chargée de me « rapatrier » n'est pas chinoise mais anglaise. Elle évoque un taxi londonien, avec sa caisse carrée.

Mes convoyeurs me font mettre à l'arrière, se réservant l'habitacle avant. Et on décanille.

Le paysage ne laisse pas que d'être monotone, écrirait une personne de la bonne société catéchumène. Des maisons d'humilité, des canarderies, des haies de roseaux…

Mon cœur se gonfle d'allégresse à l'idée de quitter enfin ce merdier.

Arrivé à Hong Kong, je m'offrirai un bain parfumé, un geuleton à tout casser et, why not ? une petite tripoteuse de chibres diplômée. Ensuite je dormirai un max, pour oublier les sales moments que je viens de traverser.

L'auto roule raisonnablement, avec un ronflement de mécanique bien éduquée.

Une douce somnolence me taquine les méninges ; j'ai dû être piqué par la mouche tsé-tsé ! A quoi bon résister ?

J'ai de nouveau roupillé puisque je m'éveille !

C.Q.F.D.

Nous sommes arrêtés à la lisière d'une immense rizière, dans un chemin (une piste plus exactement) boueux. Un Jaunet actionne une pelleteuse pétaradante, au milieu d'un nuage de mazout mal brûlé. Il a déjà foré pas mal, si j'en juge à l'énorme monticule de terre extraite.

En apercevant mes escorteurs, il cesse de creuser, descend de sa machine et fait quelques pas dans notre direction. Salutations à la manière ampoulée du pays.

D'un seul coup, d'un seul, je pige. Le trajet jusqu'à Hong Kong ? Tiens, zob ! En fait, on m'a amené là pour se débarrasser complètement de ma personne.

Tu souhaites une preuve ?

Le gonzman qui se tenait au côté du chauffeur déboutonne sa veste. D'où je suis, je distingue la bride d'un holster.

Ma parole, il dégage l'« ustensile » de son harnais, le Citronné ! Oh ! que je n'aime pas ! Ça pue le grand départ ! Mon « rapatriement » est en réalité un guet-apens. Ces gueux vont me plomber et me virguler dans le trohu. Une tombe profonde de trois mètres est le meilleur gage d'un repos éternel. On n'entendra plus parler du Sana joli. Il sera à tout jamais absent de la surface du globe, ton pote tant aimé !

Je plonge par-dessus le dossier de la banquette avant. Le conducteur n'avait pas coupé le moteur, j'enclenche le levier de vitesse sur « drive » et enfonce à mort le bistougnet. Elan rageur de la chignole. Les trois vilains se retournent, mais n'ont pas le temps matériel de réagir. C'est l'embugnage catégorique. Le « tchlaff ! » déterminant. Comme ils étaient groupés, l'avant de ma caisse les fauche simultanément, les précipitant dans « ma » fosse qui, vu leur nombre, n'est pas d'aisance.

Drôle de pêle-mêle, Angèle !

Marche arrière. Saute de la guinde et m'approche du trou. Ya yaïe, ce désastre ! Dans cette nature marécageuse, il est déjà empli d'eau à moitié (donc n'est pas « empli »). Mes glandus barbotent miséreusement dans la gadoue.

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14

San-Antonio a commis une erreur : il voulait très probablement écrire « impavide ». (La belle-sœur de son éditeur.)