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Je ressens un spasme cardiaque : Salami !

Il est resté avec les forbans !

Quelques minutes passent. Nous fendons le flot à l'allure d'un exocet ; mais cela ne dure pas.

A la suite d'un cri poussé par l'officier, le pilote réduit les gaz, puis les coupe. La vedette se met à incohérer sur l'océan berceur. Rien qui te foute davantage le mal de mer qu'une embarcation sans contrôle, « bouchonnant » au gré des vagues. Le riz rance et le poissecaille daubé que j'ai clapés avant de partir font les cons dans mon estomac.

L'Ouistiti à besicles jette un ordre ; aussitôt, le flic qui n'est pas aux commandes pénètre dans l'habitacle et ramène une sorte de sac carré en caoutchouc ainsi que des palmes qu'il lance à mes pieds.

Son chef m'interpelle en chinois, me prenant pour tel, dirait ta concierge de derrière son fibrome.

Docile, je remplace mes tartines par lesdites[17].

Dans ma tronche, un foisonnement de points d'interrogation aussi gros que des crosses d'évêques. Ces draupers compteraient me faire faire de la plongée sous-marine ? A vingt milles de la côte ?

Maintenant que je suis chaussé de savates aquatiques, ils me chargent le barda sur la poitrine, le bouclant avec une agrafe de sécurité.

Mon ahurissement cède le pas à une trouillasse noire. Vont-ils me jeter à la soupe dans cet accoutrement ? Sans appareil respiratoire ?

Non mais dites, Brigitte, ces vaches m'assassinent tout bonnement !

Là, je comprends plus rien. Un tel salmigondis. Et pourtant, Dieu sait combien je suis génial dans le civil.

Le paquetage est lourd comme s'il contenait du ciment mouillé.

Je m'offre un regard désespéré alentour : le bord acajou de la vedette, le poulardin assis nonchalamment dans le fauteuil pivotant et qui allume une cousue, son collègue occupé à soulever la banquette arrière pour prendre, dans le compartiment servant de coffre, un pistolet-mitrailleur.

L'officier semble indifférent. Tu dirais Michel Rocard avec des lunettes et la jaunisse.

Ma pomme ?

Ben quoi, ma pomme ?

Décide de faire « quelque chose pour moi ». Hésite entre réciter mon acte de construction, me flanquer au jus ou autre chose. C'est pour autre chose que j'opte.

Me penche pour assurer ma palme droite. N'en vérité, et tu l'as déjà compris : je dégage la ferraille adhérée à mon mollet[18].

Au moment que je l'ai en pogne, je perçois le léger bruit du cran de sûreté relevé. Pas d'autre solution que de jouer ta brème à fond la caisse, mon Tonio. Me fends pour une botte secrète qui n'est pas de radis ! Une salve m'étrille la casaque. Ça me brûle le râble. Grâce à ma position inclinée, j'évite de morfler la totalité du chargeur dans le buffet. Des abeilles brûlantes butinent mon dos. Par contre, le mitrailleur feinté s'octroie vingt bons centimètres de penture dans le pylore. S'écroule contre l'officier binoclard, le déséquilibrant ! Le sus-désigné bascule dans la mer de Chine.

Prenez garde à la penture !

Attends, c'est pas fini !

Reste le pilote et il a du réflexe ! Son browning crache déjà. Je prends tout dans le poitrail. Tir groupé impec. Il devait remporter les premiers prix au stand d'entraînement.

Mais, y a un défaut le concernant : le sac que les deux autres m'ont ajusté sur la poitrine ! Il sort de la poudre blanche des six orifices pratiqués par les bastos. J'ai eu la vie sauve à cause d'un étrange gilet pare-balles composé de vingt kilogrammes d'héroïne !

Pas banal, pour un flic, tu conviens ?

Malgré mon fardeau crevé, je me jette à genoux, ramasse le pistolet du mitrailleur et le vide en direction de l'homme de barre.

Seulement, il n'en subsiste qu'une seule. Comme il se la prend pleine poire, il n'y en a pas besoin de plus.

Une nouvelle corvée : m'occuper de l'officier tombé à la baille. Cet olibrius, dit-on en latin, est un peu perdu car il a paumé ses besicles de Penseur dérodinisé. Il tâtonne pour se hisser à bord. D'un coup de gaffe d'amarrage je lui fais lâcher prise ; mais le harpon entre dans sa gueule suffocante et ressort de l'autre côté du cou.

Moby Dick !

Pas de doute : les flics étaient en cheville avec les passeurs et entendaient me déguiser en mort pour faire croire à leurs supérieurs qu'ils avaient neutralisé un trafiquant de came.

Je le repère grâce à ses lamparos.

Peu rapide, il bourdonne vaillamment en libérant sa fumée d'apocalypse.

D'un coup de klaxon je lui intime de stopper ; il y consent spontanément. J'ai braqué le projo de la vedette sur le bateau de pêche. Les occupants, aveuglés, mettent les bras devant leurs yeux pour échapper à l'intensité du faisceau.

Devant ce ramassis de gredins, je me retiens de cracher une rafale de mitraillette. J'en ai trouvé quatre à mon bord. Gaz réduits, ma coque heurte la leur. Je m'en tamponne.

— Salami ! crié-je d'une voix si forte, que Neptune s'en cloquerait le trident dans les miches !

Un aboiement fait écho à cet appel. Une forme allongée, blanche et noire, légèrement marquée de fauve, sort du tas de filets. Mon clébard éclopé se pointe en aboyant, à la stupeur des Chinetoques.

Sa queue fouette ses flancs et je constate qu'il rit.

— Sautez !

Tu parles qu'il ne se fait pas prier, l'adorable toutou. Comme mon navire est surélevé par rapport au sien, il manque rater la marche ; mais j'ai prévu la chose et, agenouillé sur l'une des banquettes, l'ai saisi au bon moment.

C'est alors que les « passeurs », m'ayant reconnu, défouraillent.

— Vous l'aurez voulu, bande de vermine ! égosillé-je-t-il en balançant dans leur rafiot la grenade incendiaire que j'avais préparée « à toutes fins utiles ».

Départ en trombe.

Ma radio de bord nasille. On réclame des nouvelles, depuis Hong Kong.

Je laisse le poste crachoter ses questions. Pleine sauce !

Regard en arrière.

Un brûlot aux flammes pourpres flamboie au loin.

C'est plus la mer Jaune, c'est la mer Rouge !

LE MARCHÉ (FLOUANT) AUX PUCES

Il est des villes où la vie ne s'éteint jamais. New York, par exemple, ou Hong Kong. C'est à peine si leur rythme trépidant se calme un peu vers quatre heures du mat'. Il ne s'agit même pas d'un assoupissement de ces cités en folie mais seulement d'un changement de rythme. L'équipe de jour commence à se mêler à l'équipe de nuit ; il en résulte la tension prudente des passations de pouvoir.

J'ai moulé la vedette policière dans une zone morte du port marchand avec un max de prudence. Excepté quelques clodos emplis d'alcool dormant dans les renfoncements, je n'ai fait aucune rencontre de mauvais aloi.

J'ai beaucoup arqué. A un certain moment, je suis parvenu dans la partie réservée aux sampans, véritable agglomération flottante où stagnent des familles entières dans des embarcations insalubres. A mon côté, Salami marchait bas, tant ses pattes à vif le faisaient souffrir. Je me suis rendu compte qu'il ne pourrait poursuivre longtemps encore cette déambulation nocturne. Il aurait fallu dégauchir un sapin mais, dans mon accoutrement cataclysmique, quel chauffeur accepterait de me prendre à bord de son rongeur, quand bien même je lui ferais renifler mes talbins ?

Pour couronner le tableau, je me sentais aussi délabré que mon hound. Ça faisait des chiées d'heures que je charriais ma viande sous le ciel d'Extrême-Orient, avec l'estomac presque vide. J'ai eu un coup de vape. Me suis assis sur une grosse bite qui passait par là. Des jonques sortaient une rumeur de vie navrante et des bribes de radios crachouillantes.

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18

Bien entendu, un objet n'est pas adhéré, j'écris ça pour voir si tu réagis aux impropriétés de termes.